Terre promise
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J’ai lancé Los Reyes del Mundo en pensant voir Les Goonies ou Stand by Me version colombienne et c’est exactement ce que j’ai vu. En version fangeuse, sans humour, mais avec amour. Avec tout ce que ça sous-entend de décalage par rapport aux aventures hollywoodienne lorsque l’on transpose nos protagonistes dans un état du Sud où la misère est reine.
Car contrairement à Choco et ses copains, Rá et ses frères choisis n’a pas le loisir d’un chez soi où rentrer. Le trésor qu’il convoite est d’ailleurs ce chez soi, une terre héritée de sa grand-mère que le gouvernement lui a volé pour exploiter ses richesses minérales. Alors lorsqu’il reçoit le titre de propriété, finis les combats de machette sur la place de Medellín et la recherche perpétuelle d’un endroit où dormir et d’un bout à se mettre sous la dent. Il y a un espoir, celui d’être libre de la misère dans laquelle lui et ses enfants perdus évoluent.
S'ensuit donc un périple à travers la Colombie, entre marches forcées, embarcations de fortunes et évasions à dos de camions qui, le temps d’un instant, permettent de flotter malgré les dangers physiques bien présents. Car dans une société qui de par ses règles a fait de lui un paria, un moins que rien à la figure duquel on crache, il est logique que Rá s’affranchisse lui-même de toute contrainte civile. C’est en cela que lui et sa clique peuvent être les rois du monde. Alors on fume des joints et on sniffe de la colle, on déchire les bâches et on effraie les vaches, car on peut le faire sans crainte de perdre quoique ce soit, puisqu’il n’y a rien à perdre.
Dans ce périple en territoires hostiles où seules quelques lueurs viennent percer la noirceur de l’humanité présentée (là des mères d’une soirée qui de leur étreintes rassurent, ici un vieil ermite de bon conseil), Laura Mora Ortega choisit consciencieusement ce que sa caméra montrera et occultera. Ainsi les horreurs qui guettent nos gamins farouches sont souvent hors-champs, implicites au marasme ambiant et fuyant tout misérabilisme, tandis qu’une connexion au passé de Rá par un dialogue avec un couple se fera tandis que le spectateur explore la masure ruinée dudit couple, renforçant ce lien par le néant.
Ceux qui n’ont rien se reconnaissent, et décident alors : se solidariser, ou se poser en antagoniste par espoir d’avoir. Une fracture sociale qui dresse les laissés pour compte les uns contre les autres pour gaver les mêmes, toujours les mêmes, et empêcher un mouvement coordonné.
Los Reyes del Mundo est captivant, hypnotique et terrassant. L’état qu’il fait de la Colombie fait écho aux situations similaires sur tous les continents exploitées par notre bon vieux système capitaliste qui, tel un rouleau compresseur, aplati toutes espérances et les enferme sous la terre meuble. Merci Total, Monsanto, e tutti quanti.
Mais alors que j’écris ces lignes, un printemps asiatique semble être en marche : Bangladesh, Sri Lanka puis Népal. Des mouvements de révolte contre les injustices portés par des jeunes sans doutes pas bien différents de ceux du film de Ortega. L’avenir est à eux, et si comme Rá la rage les anime, c’est à juste titre.
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Créée
le 3 oct. 2025
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