Rencontre au bout du monde.

Lost in Translation appartient à un genre de film que je n'aime pas d'habitude. On peut pas dire que je sois très difficile en matière de cinéma mais je n'ai jamais été très comédie romantique longuette.
Pourtant ce film m'a beaucoup marqué, et je le revois régulièrement avec plaisir. C'est un coup de cœur, le style de coup de cœur qu'on ne s'explique pas.

Lost in Translation est un film lent et très contemplatif. Tout le film est ponctué de longs plans sur la ville de Tokyo, de scènes sans dialogues, de regards qui se croisent et de sourires qui se dessinent. Il n'y a aucun scénario, aucune péripétie, rien. Certains se feront chier, et je les comprend.
Mais cette mise en scène tout en douceur contribue pourtant à instaurer une ambiance nonchalante, pleine de mélancolie et d'interrogation. Les deux personnages principaux arrivent chacun à un carrefour de leurs vies (pour Bob, la crise de la cinquantaine, la remise en question de son style de vie et de son mariage, pour Charlotte, la fin de ses études et ses questions sur ce qu'elle veut faire de sa vie), et cette rencontre improbable entre ces deux êtres si différents donne une saveur bien particulière au film. Chacun apprend à connaître l'autre, momentanément libéré de leurs obligations et loin de leurs vies respectives.

La photo est magnifique, avec de longs plans sur une ville de Tokyo qui n'a jamais été aussi belle (en particulier dans son manteau de nuit). De longs plans également sur une Scarlett Johansson naturelle, très jeune à l'époque du film, et qui crève l'écran par sa beauté et son charme indescriptible ... tout en elle respire l'innocence, la naïveté mais aussi le doute, la solitude. Elle parait presque normale, avec ses grands yeux pleins de malice et son sourire à couper le souffle. Je crois que je suis tombé amoureux dans ce film, ce qui motive sans doute pas mal mon coup de cœur. Bill Murray n'est quant à lui pas en reste. Ses cabotinages et ses blagues, dans un registre qu'il maîtrise parfaitement, font mouches et apportent une légèreté bienvenue ... une rencontre inoubliable entre deux grands acteurs pleins de talents.
J'ai toujours rêvé de visiter le Japon et Tokyo en particulier, alors ces longs plans muets sur une ville qui me fascine, défauts pour les uns, ne font que renforcer mon amour pour ce film.
L'autre grand intérêt du film, c'est bien évidemment la rencontre de ces deux personnages, de Bob et de Charlotte, mais plus encore de Scarlett Johansson et de Bill Murray. Johansson, une star qui était encore sur les débuts, et Murray, déjà au crépuscule de sa carrière. Les deux sont formidables et jouent leurs rôles avec une justesse et une sincérité étonnante.
Cette relation impossible entre deux personnes qui n'ont rien en commun donne lieu à des situations cocasses, pleines de non-dit, de sourires et de sentiments refoulés. On assiste à une relation naissante, qui abouti bien vite sur une complicité sincère. C'est une jolie histoire d'amitié profonde, d'amour même, à l'autre bout du monde, capturé par la caméra vive et inventive de Sofia Coppola. Bob et Charlotte, pris par leurs vies respectives ne peuvent pas s'avouer ce qu'ils ressentent et restent jusqu'à la toute dernière minute dans une relation ambiguë, basé sur des sourires, des regards qui en disent long et de discrets gestes d'affection. La scène finale retranscrit bien ce vague sentiment d'égarement, de vide, qui plane sur tout le film. Perdus dans leurs vies, perdus dans leurs sentiments, perdus dans un pays étranger.

J'ai été touché par cette histoire d'amour tout en retenue et en subtilité, et par ces deux acteurs géniaux qui ont su habiter leurs personnages en les rendant profondément humains. Lost in Translation invite à l'introspection et à l'évasion à travers une photo sublime et des plans majestueux d'un pays aux milles facettes. Avec en fond une ville de Tokyo qui ne dort jamais, Lost in Translation est avant tout l'histoire d'une rencontre touchante et pleine d'authenticité qui ne peut pas aboutir, réprimée par le poids des obligations qui plane sur chacun. C'est toujours difficile de mettre des mots sur des émotions ... c'est non seulement vrai dans Lost in Translation, mais également pour moi avec ce vrai coup de cœur qui m'a pris au dépourvu.