Non, mais soyons Lucyde ! C'est du Luc Bescon !

Quelques légers spoilers dans ma critique.
Mais ca peut vous sauver la mise.

On peut entendre ou lire ici ou là que le postulat de Lucy est con. Mais c'est aussi con de le dire. Car un postulat, c'est justement la base d'un film : soit on l'accepte et on rentre dans le film, soit il nous devient totalement impossible de l'appréhender. Même si le postulat est idiot ou peu crédible, le film peut tout de même proposer des choses intéressantes.

Mais le problème ne vient pas vraiment du postulat, ni de ce qu'il en est fait, ni même de sa façon de piocher bêtement un peu partout sans rien proposer de nouveau. Mais bien du raisonnement qui sous-tend l'histoire.

N'oublions pas que ce postulat de départ est une idée reçue, que beaucoup pense vraies. En réalité nous utilisons 100% de notre cerveau, mais pas en même temps, pour des raisons essentiellement physiologiques, mais aussi pratiques. Nos actions de la vie courantes font que nous n'avons jamais la possibilité de solliciter à la même échelle toutes les parties de notre cerveau. Quand on lit, par exemple, les zones actives sont différentes de quand on fait du sport. Utiliser 100% de nos capacités cérébrales, ça revient à dire que nous réalisons toutes nos activités quotidiennes... Mais en même temps ! Ca n'a pas de sens !

Evidemment, comme je l'ai dit, d'un point de vue cinématographique, ce n'est pas très grave, nous pouvons très bien accepter ce postulat si le reste de la proposition est bonne. Mais d'un point de vue déontologique il est particulièrement malsain d'utiliser une croyance populaire et de l'entourer de soit disantes justifications scientifiques aussi nombreuses que dans le film. Neuro-science, évolution darwinienne, biologie cellulaire, paléonthologie, physique relativiste... Tout semble présent pour renforcer les croyances du grand public qui n'ira pas chercher plus loin la véracité des informations reçues, tout, jusqu'à la présence de Morgan Freeman incarnant un scientifique. Ce n'est peut-etre pas frappant pour vous, mais sachez qu'aux Etats-Unis son image est rattachée à une célèbre série de documentaires scientifiques : Voyages dans l'espace-temps.

Encore que tout ça ne serait pas bien méchant si le sous-texte du film n'était pas si douteux.

Sans vraiment spoiler, je peux vous dévoiler que pour Besson, augmenter ses capacités cérébrales c'est, dans un premier temps, devenir plus intelligent, puis, évidemment, vous l'aurez tous deviné : devenir un meurtrier tuant de sang froid !

Eh oui...
Prenons cette scène où, à peine échappée de ses geoliers, Lucy flingue un chauffeur de taxi juste parce qu'il ne parle pas anglais... Je vous dis pas la tronche que j'ai fait quand j'ai vu cette scène qui dure 5 secondes et présentée comme un gag. Mais bon sang, l'idée que l'intelligence puisse conduire à une certaine froideur, je peux le comprendre. Je peux également accepter le meurtre de sang froid, si celui-ci s'avère pertinent d'un point de vue intellectuel...

Mais là, c'est purement gratuit, merde !

Bon, on dira que c'est maladroit, mais qu'on comprend bien le message désiré : lorsque l'intelligence dépasse les capacités humaines habituelles, la personne perd une part de son humanité. C'est d'ailleurs explicitement dit dans le film à plusieurs reprises, et c'est une idée largement colportée par la culture populaire contemporaine, notamment à travers certaines capacités exceptionnelles associées a des troubles autistiques de type asperger qu'on retrouve chez les personnages de Sherlock Holmes, ou de Sheldon Cooper dans The big bang theory.

Que veux nous dire Besson ? Que l'intelligence conduit à la déshumanisation ?
De là à penser qu'il cherche à pousser son public à rester con, il n'y a qu'un pas. "Oulala, mais faites attention, les gens, se cultiver, s'interroger, c'est dangereux !" Tout ça appuyé par une magnifique phrase de fin, qui dit, en gros : "maintenant que vous savez ce qu'est la vie, qu'allez-vous décider d'en faire ?" NON MAIS OH, C'EST DE L'INCITATION A LA CONNERIE, LA !!!

Alors, bien sûr, je suis très malhonnête. J'extrais une petite partie du film pour étayer mon propos. En réalité le film propose une vraie philosophie humaniste, qui explique en somme que le sens de l'existence, c'est la transmission. Merci, on ne savait pas. Besson philosophe, c'est encore mieux que Bernard Henri Levy. Et encore, je vous épargne les banalité sur la société et compagnie.
Proposer un lieu commun, en philosophie, comme en politique d'ailleurs, c'est le meilleur moyen de ne jamais avoir tord. C'est se cacher derrière la facilité de l'évidence, et prendre les gens pour des cons qui ne remarqueront rien.

Mais c'est cacher quoi, au juste ?

Et bien, le sous-texte. Cette idéologie, qui se décèle en creux et qui gangrène la conscience collective.
Et ici le sous-texte est clairement obscurantiste. En renforçant les idées reçues, et provocant la crainte du savoir, Luc Besson entretient son public bas du front dans sa médiocrité. Il ne le fait peut-être pas consciemment, c'est difficile à dire, mais le passé a déjà montré que ses paroles contredisaient parfois ses actes... Quand Durendal dit que Besson produit de la merde pour pouvoir faire des films comme Lucy, il se trompe. Lucy est du même acabit au fond, c'est juste l'emballage qui est plus flatteur.

Critique vidéo : http://youtu.be/1bRJnu3deRI?list=UUGpmajWNv0fpY7q0MiPtVSA
LoicMassaia
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le 7 août 2014

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Loïc Massaïa

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