L'arroseur arrosé.

Vu à Montréal.

Surtout connu pour être scénariste, Alex Russell c’est notamment illustré à l’écriture de la série multirécompensée « The Bear ». Il s’essaie à la réalisation pour la première fois avec ce « Lurker » de bonne facture. Le long-métrage débute en revanche comme pas mal d’autres l’ont déjà fait avant lui, c’est-à-dire par le biais d’un concours de circonstances. Par une suite de hasards pas si innocents que cela, un quidam va se retrouver propulser dans l’entourage d’une star qu’il vénère. Musique, showbizz, backstage et cour des stars sont au programme et le jeune crédule/ingénu va vite prendre goût à cette attention soudaine et à cette relative célébrité. Il est certain que ce ne sont pas les débuts ou, tout du moins, la première partie de « Lurker » qui va nous marquer. Assez classique et prévisible, voire même longue à démarrer, la première partie du film n’est clairement pas son meilleur atout.

Puis, doucement mais surement, le film va sortir des ornières auxquelles il se destinait et laisser couler un poison plus intense. À la fois plus profonde et surtout plus surprenante, cette œuvre va ensuite déjouer nos attentes qui vont culminer lors d’un dernier acte malin, inattendu et amoral. On parle ici tout aussi bien de la toxicité des fans que des cultes établis via les réseaux sociaux ou de la vacuité de ces nouvelles stars bâties sur du vent. Mais aussi et surtout des rapports et dynamiques de force entre deux personnes, ici dans le contexte de la musique et du showbiz. Par un coup du sort et une manigance, le personnage principal du fan sorti de nulle part va retourner le lien entre lui et la star à son avantage. Insidieusement et avec assez de réalisme pour qu’on y croit, « Lurker » va empoigner le principe de l’arroseur arrosé à bon compte. Bien écrit, le script aux apparences superficielles ou triviales va devenir bien plus vénéneux et surprenant que prévu et de la plus belle des manières. L’image (et la réplique) finale est à ce titre plutôt éloquente.

Pour une première œuvre, on peut dire que Russell sait se servir d’une caméra. Sa mise en scène s’approche du cinéma indépendant américain avec quelques inspirations mais dont il s’affranchit vite. Le film a beau se dérouler à Los Angeles, la ville n’est jamais mise en avant et on se concentre sur l’humain, le groupe et cela de manière presque étouffante parfois. Il évite aussi les clichés et lieux communs qui pouvaient venir vampiriser son film. Sa star est plus humaine et accessible que prévu, ce qui rend son film plus réaliste. En face, le jeune fan est moins idiot et moins pervers que ce que l’on aurait cru dans un banal thriller. Ces nuances apportées aux personnages par le jeu des très investis Théodore Pellerin et Archie Madekwe font pour beaucoup. « Lurker » est donc une plutôt bonne surprise entre suspense et étude de caractères avec la batterie de comportements toxiques propres à notre époque portés à nu.

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