Cela faisait bien longtemps que Gaspar Noé ne m'avait pas autant passionné. Ces dernières œuvres trop longues et bien trop redondantes (Love) ou sympathiquement trop vides (Climax), laissaient la possibilité de perdre de vue que le cinéaste est capable de grandes choses (Enter the Void). Ce Lux Æterna s'impose véritablement comme un messie. Une œuvre à la fois innovante dans la filmographie du cinéaste à travers le prisme de sa durée (près de 50 minutes), mais aussi à travers celui de ce geste briseur du 4ème mur. Un cauchemar cinématographique dans son fond et dans sa forme où Gaspar Noé explore son propre regard : celui d'un cinéaste cherchant la vérité dans ses comédiens et dans son image.
Un regard inverse sur le cinéma façon La Nuit américaine de Truffaut, transposé dans l'horreur et la radicalité de Gaspar Noé. Lux Æterna décrypte les doutes, les tensions, ainsi que la recherche désespérée d'inspirations au cœur d'un tournage calamiteux et en particulier d'une scène : celle de la mort sur le bûcher pour une sorcière. Comme transcender la simple image qui se dessine face à nous ? Comment quitter le confort de la simple fiction pour une actrice et ainsi capter un semblant de vérité ? Ou tout simplement et tout morbidement : qu'est ce qu'on vécues ces femmes d'autrefois, au moment de la sentence ? C'est avec ces questionnements que Gaspar Noé construit son Lux Æterna, véritable expérience. Béatrice Dalle et Charlotte Gainsbourg ont beau jouer leurs propres rôles, elles restent prisonnières d'un regard et d'une imagerie (celle du cinéaste et d'un autre atout clés) les cloisonnant entre toutes ses couleurs qui les brûlent littéralement. Le voila, le sacrifice élevant ces actrices du sol vers le ciel. La simple notion de comédie qui se transforme vers une certaine vérité cinématographique. Mais Lux Æterna est surtout une ode au métier de chef opérateur (le voici enfin célébré) ! Il n'est d'ailleurs pas étonnent que ce soit celui-ci qui prend les reines de ce tournage catastrophique dans le film. Le chef opérateur est celui qui détient l'image, celui à qui les couleurs appartiennent et qui les faits voyager vers nos yeux. La mise en scène certes, mais surtout le calque qui se pose sur celle-ci. On connait évidement le grand liens entre Gaspar Noé et son directeur de la photographie fétiche, Benoît Debie. Lux Æterna pourrait se voir alors comme un hommage à ces visionnaires de "l'ombre". A ces second-cinéaste qui, à l'aide de l'intelligence du metteur en scène, transforme véritablement une scène, la faisait passer du simple regard d'humain vers un ressenti poétique et incroyable qui est celui du cinéma : non pas seulement l'art du mouvement, mais surtout celui de l'image et son pouvoir étonnement insoupçonné. Lux Æterna et ces deux sublimes actrices en attestent ! Difficile encore à dire si ce moyen-métrage restera ou si encore l'on a affaire à une grand œuvre. Reste qu'il a réveillée indéniablement chez Gaspar Noé une volonté de pousser quelque-chose que je n'avais pas ressenti depuis Enter the Void.