Est-ce la différence budgétaire, la force du contexte américain ou la puissance des acteurs à renommées mondiales ? Surement un mélange de tout cela mais il est sûr que le sixième long-métrage de Xavier Dolan est un aboutissement dans sa jeune carrière. Pour ses dix ans de réalisation, le jeune canadien nous offre une partie de lui-même, une critique d’une société oppressante, étouffante, aliénante que l’on pourrait facilement transcrire dans la vie de Dolan, sensible aux critiques bien qu’il dise préférer « la folie des passions à la sagesse de l’indifférence ».


Ma vie avec John. F. Donovan nous raconte la curieuse et unique amitié épistolaires entre une star de la télévision à la carrière galopante et un jeune garçon de 11 ans l’admirant. Dolan tente de nous montrer les tenants et aboutissants de ce lien entre les deux protagonistes. L’un apportant autant à l’autre à travers cette relation de mots (mais aussi de maux). Un parallélisme se développe alors dans les vies de John et de Rupert, le jeune garçon. Ce curieux parallèle sera brisé, et en même temps développé, par un évènement qui bouleversa la vie des deux personnages pourtant séparés par des kilomètres de différence.


D’un point de vue presque psychologique, on pourrait croire à une conversation du réalisateur à lui-même. En effet, lors de l’avant-première dans son pays natal, Dolan avait commencé par lire la lettre qu’il avait lui-même adressé à son idole, Leonardo Di Caprio à l’âge de onze. Cependant, aucune réponse de l’acteur de Titanic ne parvint au québécois. Pourtant, malgré cette différence marquante, il serait curieux de se demander si l’œuvre n’est pas un reflet des sentiments du jeune réalisateur face à une notoriété qu’il ne saurait contrôler. Les jugements des médias, l’absence de vie privée, la question du rapport d’une personnalité publique à ses fans… De nombreuses questions qui ont touchés Dolan dans sa vie réelle et qu’il pose dans son œuvre.


Le réalisateur de Mommy ou de J’ai tué ma mère, retrouve un de ses thèmes favoris et une des raisons de son succès : le lien maternel et la complexité des relations mère-fils. La figure maternelle est omniprésente dans Ma vie avec John. F. Donovan à travers les personnages de Natalie Portman et Susan Sarandon, respectivement mère de Rupert et de John. Les deux actrices américaines livrent une performance remarquable dans le rôle de deux mères subissant l’évolution de la relation et des situations de leurs fils.


Notons la scène poignante où une Susan Sarandon ivre, déclare sa colère à son fils, rejetant son snobisme et son ingratitude. Un moment de pure émotion et digne de la carrière de l’actrice.


Les choix musicaux particulièrement bons nous rappellent que Dolan est un enfant des années 1990- 2000 et nous plonge dans nos goûts pop du passé. Adele, The Verve, une formidable reprise de Stand By Me par Florence + The Machine nous bercent et nous permettent de savourer encore davantage la réalisation parfaite.


Il m’est impossible d’écrire ces quelques mots sans évoquer l’incroyable sensation qui m’a emparé à la sortie de la salle de cinéma. Ce film évoquant le suicide d’un acteur obligé de rester dans le placard, oppressé et étouffé par une société américaine puritaine et un milieu d’Hollywood plus conservateur qu’il parait, m’a fait sourire et grandir en moi l’espoir d’un changement de paradigme de notre monde occidental. Comme le jeune et talentueux, Ben Schnetzer déclare à la fin, ne devrions pas vivre pour nous que pour les autres ?


Dolan nous offre ici une formidable oeuvre humaine, en se livrant sur sa vision de la société et d'Hollywood.

Fabien_Louchard
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le 15 mars 2019

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