The Safdie's Street !

Heaven Knows What ou Mad Love in New York pour sa version française, c'était avant tout chose une bande-annonce incroyable avec cette musique hardstyle qui accompagne les pérégrinations des protagonistes du film. Donc une fois lancé dans la filmographie des deux frères en sens inverse avec en premier Uncut Gems puis Good Time, j'étais ravi de me lancer dans ce film dont la bande annonce m'avait tellement intrigué.

Les premières minutes sont assez effroyables pour le personnage principal, Harley, qui tente de se suicider pour témoigner son amour désespéré à Ilya, un toxicomane qui se révèlera encore plus toxique que toutes les drogues présentes dans le film. Cette longue et bruyante introduction permet tout de suite d'échapper à la principale crainte que j'avais vis-à-vis du film, celle de voir une protagoniste niaise d'amour, spectatrice de ses malheurs et de ces addictions sans pouvoir y remédier. Harley, joué par Arielle Holmes, est loin de tout ça et j'imagine que cela vient du fait que le film est tiré de son vécu de toxicomane. Et pour le coup son jeu est excellent, ça sonne vrai, son visage reflète beaucoup d'émotions qui laissent aussi apparaitre de l'improvisation bienvenue, qui apporte beaucoup au film.

Cette histoire vraie est donc accompagnée d'une multitude d'acteurs et d'actrices non professionnels avec chacun des parcours et des gueules cassés qui se mélange aux jeux de jeunes acteurs prometteurs. Et étrangement cette démarche naturaliste qui est souvent très lourde dans les films du même genre est ici très appréciable, pourquoi ?

C'est dans la réalisation que je trouve la réponse à mes interrogations. Les frères Safdie sont proches de leurs films. La ville de New York y est représenté d'une manière très noire et très précise, qui est soit le résultat d'un repérage millimétré, soit d'une grande expérience et de vécu dans ces rues. Dans ces dernières, on y retrouve leurs personnages, leurs proches, qu'ils connaissent si bien. Et pour les filmer, les Safdie se positionnent très loin d'eux et utilisent de longues focales. L'un des premiers effets que cela donne, c'est l'impression de regarder un documentaire un peu abject sur ces jeunes drogués "que vos enfants connaissent peut-être". Mais on comprend vite que cette mise en scène est surtout présente pour laisser de la place aux acteurs qui sont donc loin des caméras et proche d'eux-mêmes. Et leurs jeux devient ainsi une espèce d' "happening" dans les rues New-Yorkaise où les passants réagissent à ces acteurs qu'ils ignorent : ils s'écartent, lancent des regards apeurés ou de dédain...

En bonus le film comporte un univers musical surprenant. On passe d'une adaptation étrange de Clair De Lune à du Hardstyle avec Power of the mind, et dans les deux cas c'est assez entrainant.

En définitive Heaven Knows What c'est un film qui s'inscrit clairement dans la filmographie des frères Safdie qui sont des cinéastes très intéressants, mais qui s'inscrit aussi dans l'imaginaire cinématographique d'une ville de New York mélancolique et pouilleuse, que le cinéma indépendant américain s'applique à créer depuis des années.