Soyez témoins...
Il y a de cela deux ans, ce mastodonte faisait trembler les sièges en déboulant dans les cinémas du monde entier, après une présentation retentissante au festival de Cannes hors compétition. Deux ans, c'est le temps qu'il m'a fallu pour prendre suffisamment de recul face à ce chef-d'oeuvre du cinéma d'action, pour mesurer l'ampleur de son impact sur l'industrie hollywoodienne actuelle. Bien souvent mésestimé, Mad Max : Fury Road s'est vu accusé de se reposer sur ses scènes d'actions intenses et ses visuels ahurissants sur les bases d'un scénario faiblard. Rien n'est plus faux, évidemment. Je considère connaître suffisamment les films et l'écriture scénaristique pour vous assurer que ce scénario est sans aucun doute le meilleur qui ai jamais été écrit pour un blockbuster de ce calibre, et que vous n'en verrez certainement jamais un aussi bon. Depuis toujours, Miller chante son admiration pour le travail de Joseph Campbell, grand maître de la mythologie comparée, et notamment de sa pièce maîtresse : "Le héros aux mille et un visages". Dans cet ouvrage, Campbell décortique les grands mythes fondateurs des civilisations du monde pour en tirer un "squelette", la structure archétypale à la base des plus grandes histoires jamais créées. C'est avec un respect immense pour le travail de Campbell que Miller construit son récit, respectant non seulement toutes les étapes d'appel de l'aventure, d'initiation, de découverte du monde, de retour du héros, etc... mais les appliquant en plus à trois héros à la fois : Max, Furiosa, et Nux, les trois facettes d'un seul et même héros légendaire. Le dynamisme narratif insuffle de plus un souffle épique très entraînant au récit. La mise en scène de Miller, qui a bien évoluée depuis le premier Mad Max, ose et dépasse largement les conventions posées par les super-productions jusqu'alors. Loin d'utiliser les effets spéciaux à outrance, privilégiant les cascades réelles à celles fabriquées numériquement, Miller étend magnifiquement l'univers de la saga, cependant en rupture totale avec les trois premiers films, pour accoucher de visuels magnifiques, teintés d'un duo de couleurs orange-bleu sublime ; on se souvient que ce duo avait tendance à exaspérer, étant jugé bien trop présent dans tous types de grosses productions (Spiderman, La Nuit au Musée, Transformers par exemple), il trouve ici une certaine splendeur. Après ce tour de force magistral, il n'a plus été question de faire les blockbusters de la même manière, Miller a considérablement élevé le niveau. C'est finalement dans cet univers de perdition et ces paysages désertiques que le film trouve son grand point fort : Mad Max : Fury Road nous tend un grand miroir, ose nous parler à la fois de fanatisme religieux, de réchauffement global, et de rarification de l'eau et d'une société pleine de vices, soumise à un leader autoritaire et où la femme n'est guère mieux considérée qu'un objet. Fury Road aborde des thèmes universels et intemporels, dépeint la fin terrifiante d'une humanité rongée par ses plus grands défauts, et réussit ainsi l'exploit de pouvoir parler aussi bien au spectateur d'aujourd'hui qu'à un spectateur dans 50, 100, 150 ans... Pour moi une des oeuvres cinématographiques majeures du 21ème siècle, une révolution dans le domaine de l'action, et de loin la plus belle reprise d'une ancienne saga iconique dans l'histoire du cinéma.
"As the world fell, each of us in our own way was broken... It was hard to know who was more crazy...me...or every one else..." Max Rockatansky