Cela fait une dizaine d’années que Mad Max Fury road est annoncé, et plusieurs fois repoussé. Je n’y croyais pas trop, et je ne voyais pas ce que ce qui s’apparentait à un reboot pouvait apporter. Mais quand le projet s’est concrétisé, au fil de la révélation des infos et des bandes-annonces, je suis devenu convaincu qu’on tiendrait là une œuvre unique, dont la sortie serait un événement important.
George Miller revient à la réalisation, ce qui est la première chose qui m’a agréablement surpris et m’a rassuré, puisqu’il est le créateur non seulement de Mad Max mais de l’identité visuelle de la fiction post-apocalyptique ; je m’imaginais que le studio aurait embauché quelqu’un de nouveau et de plus jeune (et souvent moins doué) pour relancer la saga, comme c’est le cas habituellement.
Mais beaucoup de choses m’ont surpris par rapport à ce film ; avant même sa sortie, j’étais déjà étonné qu’il puisse exister.
Mad Max Fury road bénéficie d’un budget conséquent, se situant entre 100 et 150 millions de dollars, l’équivalent de ce que le premier opus a rapporté mondialement ; et cela pour la suite d’une saga arrêtée il y a 30 ans. Cela signifie qu’une bonne partie du jeune public ne connaît pas, et la démarche habituelle des studios dans ces cas-là est d’essayer d’ameuter le plus grand nombre : prenons l’exemple d’une autre saga culte, Die hard, dont l’épisode 4 s’est vu imposé une mention PG-13 seulement (déconseillé aux moins de 13 ans) alors que le cœur de cible étaient les fans des aventures de John McClane des 80’s, qui se sont vus privés d’une part de violence. Mad Max Fury road est classé R (interdit aux moins de 17 ans non accompagnés), la garantie d’une bonne dose de brutalité.
Autre erreur des studios récemment, l’idée que pour faire vendre, il faut des images de synthèse. Pour le prequel de The thing, les effets spéciaux à l’ancienne ont été remplacés par des CGI en post-prod. Fury road s’appuie essentiellement sur des effets et cascades réelles, ce qui rend la tâche plus difficile sur le tournage, mais le résultat bien plus gratifiant à l’écran.
Et enfin, c’est triste à dire, mais sur Fury road on laisse aux commandes un réalisateur avec une vision propre, sans chercher à le contrôler ou lui imposer d'autres idées (cf le remake de RoboCop).
En fait, c’est tout l’inverse de la formule appliquée à tous les blockbusters de ces dernières années, la plupart des studios étant convaincus que c’est ce qui marche (et certaines sagas prouvent qu’ils ont raison, en dépit des mauvais retours critiques). Alors qu’on ait donné les moyens de se faire à un film aussi ambitieux que Mad Max Fury road mais qui, du point de vue habituel des gros studios, n’est pas certain de marcher, c’est un miracle.


Cette fois-ci, Max, à cause d’une erreur bête, un mauvais virage, se retrouve prisonnier dans une immense forteresse taillée dans la roche. Le domaine d’Immortan Joe, seigneur régnant sur des milliers de pauvres hères à qui il fournit de l’eau. Si dans Mad Max 2, on pouvait se demander comment Humungus faisait pour asservir toute sa tribu, ici on comprend qu’Immortan a le pouvoir d’un dieu, ayant de plus endoctriné ses troupes en leur promettant un accès au Valhalla. Cette secte est un superbe apport, en adéquation avec le reste de la saga ; c’était ce qu’il manquait pour montrer tout ce dont on est capable pour survivre, atteindre le pouvoir dans un monde où personne n’a plus rien.
De plus, les hommes d’Immortan, ses War Boys et ses "Kamikrazy", étant prêts à tout pour recevoir une once de reconnaissance de sa part, s’avèrent être des ennemis plus fous que tous ceux des films précédents.
Max quant à lui est plus sauvage, il est tel un animal, une bête si souvent malmenée qu’elle se méfie de tous et préfère mordre en premier. Cet aspect bestial est logique vis-à-vis de cet instinct de survie irraisonné mais inébranlable, qui est la seule chose qui le fait avancer alors même qu’il ne croit plus en l’espoir.
Son monde a aussi empiré il faut dire, les hommes ne se battent plus pour de l’essence, mais pour de l’eau et pour d’autres êtres humains, devenus de la marchandise. Max lui-même est considéré comme un objet, il sert en premier de poche d’hémoglobine géante. Le film avance alors un propos intéressant, puisque c’est le héros de la saga originale qui passe au second plan pendant une bonne portion du film, alors que ce sont les femmes, plus souvent objetifiées, qui prennent le pouvoir dans Fury road.
EDIT : Il est intéressant de noter que le film aborde implicitement la question de l'importance du libre arbitre, puisque Max finit par occuper la fonction qu'on lui a voulu lui attribuer en donnant son sang à Furiosa. La différence, cruciale, dans cette situation, étant qu'il le fait de son plein gré.


Max se retrouve malgré lui accompagné de l’impératrice Furiosa et de cinq des épouses d’Immortan Joe, qui se sont échappées de la forteresse pour rejoindre la "Terre Verte", sorte de terre promise post-apocalyptique où l’herbe pousse encore.
Mais moi, c’est ce désert, ce monde sordide, que je trouve merveilleux, beau au point que j’étais au bord des larmes au début du film. Il y a tellement de plans dans Mad Max Fury road qui sont comme des fresques, des dessins d’artistes en mouvement, des visions fantastiques que je n’aurais jamais imaginé dans un film en live action, et comme seul le cinéma d’animation pourrait se le permettre normalement. Le temps d’un plan notamment, j’ai cru voir un délire onirique de Dali prendre vie.
Il y a également un esprit très rock ; quand j’avais joué à Brütal legend, jeu vidéo dont l’univers reprend l’âme des pochettes de CD de métal, je m’étais fait, avec regret, la réflexion qu’on ne verrait jamais ça au cinéma. Mais en fin de compte, il y a un peu de ça dans Fury road, surtout avec ce musicien à la guitare/lance-flamme, perché sur un véhicule équipé d’un mur entier d’enceintes, dont le rôle est de motiver les troupes.
Avec Mad Max 2, George Miller avait créé tout un univers, définissant les survivants de l’apocalypse comme des barbares des temps modernes équipés de cuir, de métal, et de divers objets de récupération. En voyant Fury road, on se dit qu’en réalité, il n’avait fait que poser les bases, et que c’est n’est que maintenant qu’il porte ses idées à maturité. Les véhicules et surtout les costumes sont des merveilles destroy, d’une classe et d’une inventivité admirable. Et, chose qui manquait un peu jusque là, l’anormalité et les difformités sont recherchées comme des pierres précieuses, venant étoffer cet univers décadent et crasseux : gueules cassées, nains, et femmes énormes traites comme des vaches viennent compléter le tableau.
Miller constitue aussi toute une culture, dont on a quelques aperçus : les War boys ont leur lexique, les pillards leur langage propre, et à défaut d'avoir une religion, les personnages ont des rituels commun.


Mais je n’ai pas encore mentionné ce qui constitue la majorité du film, puisqu’il s’agit pratiquement tout d’un long d’une poursuite, une immense poursuite entre les hommes d’Immortan Joe et les fuyards, ponctuée de quelques combats… quand les affrontements ne se déroulent pas sur des véhicules en mouvement.
Il y a quelque chose que je n’avais pas remarqué avant Fury road, un défaut dont je ne m’étais pas rendu compte car aucun film jusque là ne m’avait fait voir autre chose. Mais dans le film de George Miller, j’ai constaté l’implication des cascadeurs, qui se donnent à fond quand ils font mine de poursuivre un ennemi, de sorte qu’on ressente réellement une motivation de leur part. Et lors des combats, si l’on excepte la bonne chorégraphie, j’ai été surpris par ces coups qui ne paraissent pas retenus, et qui suffisent à rendre les scènes bien plus intenses.
Pour ce qui est des courses-poursuites, Fury road enchaîne les plans incroyables ; incroyables que ce soit en raison d’un mouvement de caméra, d’une cascade à couper le souffle, d’explosions multiples, ou de la créativité des véhicules et des armements.
La dernière course-poursuite en particulier nous bombarde d’inventivité, de pépites en terme de scènes d’action ; on n’a pas le temps de se remettre d’un plan qu’on est de nouveau surpris. Encore, et encore.
Il y a des CGI certes, mais essentiellement pour créer ce qui ne peut l’être autrement.
Au milieu de tout ça, le film a tout de même le temps de faire vivre les personnages et de créer de l’empathie pour eux, par le biais d’une scène ou deux. On arrive même à distinguer une personnalité pour chacune des cinq femmes d’Immortan Joe, qui auraient facilement pu être de simples personnages de second plan, ce qui essentiel pour rendre valide cette revendication de leur part : "We are not things".
Quelques scènes m’ont touché, voire presque bouleversé. J’ai frissonné, comme au début du film, lors des premières séquences, mais de façon différente du coup.


Je ne savais pas quoi dire à la sortie de la séance. Par quoi pouvais-je commencer, pour en parler à ceux qui m’avaient accompagné ? Nous avons quand même par la suite discuté pendant peut-être 1h30 dans un bar, et presque uniquement de Mad Max Fury road.
Je n’arrivais pas à me décider à dire que c’était le meilleur film d’action que j’ai vu, mais c’est de très loin le plus impressionnant.
Ce que je peux dire en tout cas, c’est que je suis resté bouche bée pendant une bonne partie du film. Que je veux le revoir au cinéma, dans une plus grande salle, dès la semaine prochaine. Que je ne sais pas ce que je vais bien pouvoir voir d’autre, car tout me paraîtra fade en comparaison. Et que depuis tout à l'heure, simplement repenser au film me fait dire "putain, c'était tellement bien".


EDIT 4 juin 2015 :
Je suis retourné voir le film une 3ème fois. J'ai remarqué de nouvelles choses :
-Max ne se crashe pas par sa faute, un War Boy balance un explosif à l'arrière de sa voiture.
-Lorsqu'un War boy tombe en tentant d'attraper Max à la citadelle, il crie "witness".
-Nux ne fait pas mettre Max à l'arrière du véhicule pour le sauver, mais pour faire contrepoids, à cause de la roue crevée à l'avant. Il le dit, mais ce n'est pas sous-titré en français.


http://www.mediumscreen.com/2015/05/critique-mad-max-fury-road-de-george.html

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le 14 mai 2015

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Wykydtron IV

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