Il y a des petits chocs dans notre univers cinématographique qui arrive comme ça, parfois sans prévenir, parfois avec force et fracas. Mad Max, on le sentait bon, très bon même. Ces trailers furieux, jouissifs et orgasmiques provoquaient en nous un plaisir maladif de retrouver un cinéma que l'on croyait perdu à jamais, un cinéma réfléchi, divertissant, malin et incroyablement maîtrisé. Le verdict est sans appel, Mad Max Fury Road est une petite révolution dans le cinéma actuel, puisqu'il montre que même dans le blockbuster il y a des gens qui sont encore capable de faire du pur cinéma radical, transcendant et complètement habité.


A travers cette fresque de deux heures, cette longue poursuite en boucle pulvérisant les paysages désertiques de leurs monstruosités de métal, George Miller nous invite dans un spectacle grandiloquent, parfois cartoon mais jamais de mauvais goût. Ça pourra frôler le nanard, ça pointera surtout le génie à toute turbine. Max, âme en perdition qui tente de survivre dans cette désolation de tous les instants, se retrouve alpagué par la secte des War Boys et son Immortan Joe au masque de l'enfer. Attaché comme un vulgaire trophée lorsque les War Boys partent à la poursuite de l'impératrice Furiosa pour récupérer les femmes de leur chef, le pauvre Max va devoir s'allier à Furiosa pour pouvoir s'en sortir et espérer reprendre son vagabondage comme il l'entend. Mais il faudra fuir cette cohorte de rouille et de diesel à travers les plaines arides d'un monde qui veut mourir en paix.


Mais ce monde post-apo ne sera jamais tranquille, faute à une civilisation à jamais perdue dans des idéaux complètement WTF, où leur chef Joe réussit à nourrir l'espoir de jeunes gens complètement désabusés, en se réappropriant de multiples mythologies et en fondant les principes de sa secte sur des bases de folklores rutilants complètement crétins. Un seul arrivera à ouvrir les yeux et deviendra alors l'allié providentiel de la petite troupe des gentils. Cet univers cartoonesque surfant sur le punk et le SM, cherche sans cesse à prouver sa valeur puisque dans un monde autant en souffrance, on préfère juger l'individu pour les actes qu'il accomplit plutôt que de s'intéresser aux autres et de faire quelque chose pour repartir à zéro. Cette civilisation a accepté sa condition et préfère assouvir sa soif de reconnaissance plutôt que d'afficher de plus honnêtes ambitions.


C'est donc George Miller qui aura pour charge de mettre tout ça en image, et dire que le bougre de 70 ans réussit un tour de force est un euphémisme incroyable. Que ce soit dans la conception totale en dur de son univers et de limiter la CGI à des choses qu'il ne peut pas contrôler (la séquence dans la tempête) ou dans la radicalisation totale de son scénar pour faire vivre l'action et ses personnages dans les petits moments de grâce qui apparaissent comme des oasis au milieu de ces joutes endiablées, Monsieur Miller embrasse toutes les décennies passés à jouer avec un pingouin (avec succès) pour faire éclater les verrous et laisser exploser sa rage qui bouillait à l'intérieur de sa tête. Dans un déferlement de tôles, le raz-de-marée de cascades, d'explosions et de scènes mythiques déferlent à un rythme incroyable. La minutie du montage et des cadrages, le rythme des scènes tout en gardant l'action extrêmement lisible devrait faire rougir tous les films d'actions sortis ces vingt dernières années. Chaque trouvaille visuelle, chaque idée de mise en scène explose de mille feux dans ce merveilleux rodéo dans le désert qui ne perd jamais le spectateur et continue à lui en mettre plein les yeux sans qu'on se sente comme un vulgaire pigeon. Un film qui suinte l'essence et la sueur, une oeuvre pleine de sens malgré l'abstraction de son scénar qui a énormément de choses à dire, une déclaration féministe qui permet à l'incroyable Charlize Theron d'être propulsé dans le rayon des Sarah Connor et Ripley, sans oublier un Tom Hardy en mode ours mal léché qui n'atteindra jamais la classitude d'un Mel Gibson mais ne lui fait carrément pas honte. Un monument est en place, maintenant, messieurs les réalisateurs du monde entier, prenez exemple sur vos aînés et apprenez. Monsieur Miller est de retour parmi nous et montre à nouveau qui est le patron.

Cronos
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le 23 mai 2015

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