Le titre de cette critique illustre à la fois le défi relevé par Miller et l'appréciation de sa réussite insolente. Car enchaîner scènes d'action sur scènes d'action, aussi impressionnantes soient-elles, ne suffit pas à faire un film de Cinéma. Oui, les scènes d'action de Fury Road sont bluffantes, mais je ne m'attarderai pas sur cette évidence. Le talent de Miller est de les avoir enrobées avec le dosage parfait d'enjeux narratifs (ne parlons même pas de scénario) et de caractérisation des personnages.
Côté narration, cela se traduit par des enjeux simplissimes mais clairs, nets et précis posés en 10 minutes chrono, puis par de courtes phases de respiration nécessaires et judicieusement espacées. Un scénario prétexte, qui doit occuper trente minutes à tout casser, que l'on pourrait résumer en
"Histoire d'un aller et d'un retour"
, et que d'autres traitent en trois films de deux heures. Juste ce qu'il faut pour que l'architecture brillante du film serve de base solide à l'Action. L'équilibre parfait que de nombreux réalisateurs tâcherons ne parviennent pas à trouver, en nous laissant soit avec une vidéo "Mon Top 10 des meilleures cascades" sans queue ni tête, soit avec du remplissage narratif creux et souvent au pathos totalement artificiel.
Côté personnages, là encore, Miller va à l'efficacité. Pour éviter de perdre du temps dans leur caractérisation, il s'appuie sur des figures absolument archétypales de façon totalement assumée. Vous connaissez déjà ces personnages, leur histoire, leurs émotions, leurs failles. En trois actions et trois lignes de dialogue, vous les aurez retrouvés et replacés dans le grand schéma narratif. L'originalité vient plus de la place accordée à tous ces personnages, notamment féminins, Max étant initialement simple spectateur puis ensuite contributeur à la cause commune. Et si, une nouvelle fois, leur évolution au cours du film suit des chemins très balisés, on saura gré à Miller d'avoir offert à tous le chemin de la rédemption. C'était à mes yeux le danger principal du film. Là où un 300 se vautre avec complaisance dans son esthétique et son propos fascisants, le réalisateur de Fury Road fait le choix de l'humanité, de la fable morale procurant dans sa conclusion ce sentiment hollywoodien de "feel good", souvent lourd et mièvre mais ici parfaitement logique et souhaitable. Dans le même ordre d'idée, et j'espère que c'est un choix assumé et non une concession hypocrite aux organismes de censure, le film évite la surenchère sanglante ou gore que d'aucuns ont systématiquement voulu associer au genre ces dernières années.
Grâce à cette articulation millimétrée, Fury Road se pose comme la référence du film d'action de série B friqué. Il a tout vu de ses aînés, il a compris qu'il n'avait pas à expliquer ce que nous savions déjà, et donc il nous a raconté une nouvelle fois cette histoire que nous aimions tant. En rajoutant le Dieu V8 et ces sublimes scènes de course-poursuite dans le désert.