On peut dire qu'à 70 ans, Georges Miller il en a encore dans le slip.
Mad Max avait fait couler beaucoup d'encre déjà bien avant sa sortie, et aujourd'hui entre l'ennui de certains spectateurs et la littérale transe de certains autres, on ne sait plus trop que penser de ce film, même au sortir de la salle. Et comme souvent, le film est indissociable de son contexte, mais cette fois le contexte est beaucoup plus complexe qu'une simple mode scénaristique. Savoir appréhender ce Mad Max est une tâche plus ardue qu'il n'y parait et si vous n'êtes pas armé pour cette expérience, elle vous déplaira. Entrez donc dans l'armurerie.


Mad Max 1 est le premier film d'un nouveau genre: celui du Post-Apocalyptique. Sorti en 1979 il met en scène un monde fatigué et a bout de souffle, somme toute assez proche de ce qu'on peut voir dans l'Amérique ou l'Australie profonde et paysanne. Le second met la barre un peu plus haut en nous montrant cette fois un univers quasi désertique où le pétrole est épuisé et où les hommes se battent pour en récupérer la moindre goutte. Et c'est ce film, qui historiquement, a réellement instauré la traduction du "wasteland" littéralement "pays gâché" ainsi que de l'esthétique Punk qui à intégralement inspiré des univers qui, il y'a peu de temps encore étaient considéré comme "geek" comme celui du jeu-vidéo Fallout, roi sans égal dans sa catégorie, ainsi que les "METRO" où l'on se baladait dans le métro atomisé de Moscou. Mais dans une thématique plus actuelle on peut simplement citer les univers de The Walking Dead, Resident Evil ou encore dans une certaine mesure des Hunger Games et autres dérivés de ce type de films.
Et la force de ces univers, c'est qu'ils sont souvent totalement libres, à la fois en terme de background, car étant donné qu'une apocalypse a eu lieu, rien ne nous oblige à expliquer le pourquoi du comment puisque les traces de ce passé ont été détruites, mais aussi en terme scénaristique où la plupart des personnages vont simplement tenter de survivre sans objectif précis dans un monde devenu hostile et inhospitalier. Et à travers ces constats on peut déjà comprendre, pardonner, et surtout apprécier ce que certains considèrent comme les défauts du film.


Car oui, Mad Max Fury Road est loin d'être un film conventionnel dans tous les sens du terme. Mais de quoi parle-t-il donc ce film nom d'une pipe en bois? Et bien il parle de Max (étonnant) qui cherche à survivre (vous l'avez?) dans un monde où à peu près tout cherche à le tuer. Et pour ce faire, pas de subtilité de scénario puisque Max débute le film prisonnier d'un groupe de fanatiques et qu'il ne va avoir de cesse d'essayer de leur échapper pendant une deux heures au volant de différents véhicules tous plus détonants les uns que les autres. Et c'est tout? C'est tout.
Ha non c'est un peu court jeune homme, vous auriez pu dire bien des choses en sommes, par exemple nous narrer ses péripéties à travers le déserts et les relations entre personnages, comme n'importe quel bon critique de cinéma l'aurait fait. Oui, j'aurais pu, mais cela n'aurait pas eu d'intérêt car ce n'est pas ça qui a de l'importance dans le film, non, les relations avec le personnage, tout le monde s'en fout, est ce qu'il est vraiment pertinent d'entreprendre des romances en plein milieu d'une fuite désespérée à travers le désert? La plupart du temps Hollywood aimerais bien nous le faire croire pour se conformer aux canons scénaristique qui accrocheront le spectateur. Chaque personnage lutte pour sa vie, et c'est à travers le dépouillement le plus total que Georges Miller nous montre que dans cet immense désert vide, la seule chose qui compte ce sont les véhicules alliés, les véhicules ennemis, et avancer le plus possible vers un objectif à l'infini. Pourquoi en rajouter une surcouche quand tout est déjà clair?
Mais bien sûr, cet extrémisme conceptuel a aussi un revers de taille qui est l'ennui et la répétitivité de l'action. Alors que la poursuite finale de Mad Max 2 durait 15 minutes (une prouesse pour l'époque), celle de Fury Road dure donc deux heures complètes, avec quelques légères poses par moment pour nous permettre de souffler un minimum.
Comment tenir ces deux heures alors? Et bien avec une ambiance de feu de Dieu. Et à ce titre, autant se l'avouer tout de suite, ce n'est presque plus comme un film que l'on va voir Mad Max, mais presque comme un opéra, voire même un ballet, le ballet mécanique de voitures improbables sur un doux accompagnement de musique Hard-rock industriel (rayer les mentions inutiles). Et ce ballet se nommerait "Le ballet des fous" (pour les plus à la ramasse d'entre vous Mad Max signifie Max le fou, ou Max pas content au choix)
Et à ce titre on retrouve tous les éléments d'un possible ballet grâce à une direction artistique exemplaire, qui en laissera certains de marbre cependant. C'est un univers entier qui est créé sur le thème de la folie à la limite du psychotisme. Tous les ennemis sont donc des fanatiques un peu punks, tattoués et rasés, sortes de Skinheads fantaisistes complètements barjos et kamikazes qui roulent à deux cent en plein désert dans des véhicules tout aussi originalement customisés accompagnés par un guitariste fou qui joue de la double guitare électrique qui crache des flammes. Résumez cela à de la ferraille qui roule et des ennemis de jeu vidéo, et vous aurez compris l'essence délirante de ce ballet qui se sépare en trois actes majeurs, ayant chacun leur ambiance et que vous distinguerez facilement.
Et pour finir de nous immerger dans l'ambiance du film, c'est Junkie XL, un musicien de métal industriel qui est aux commandes de la musique et autant vous dire que ça envoie du gros son en permanence donc il vous est fortement déconseillé d'amener votre mamie avec son cornet à la séance car on ne répond plus de rien. Cependant, malgré la répulsion qu'on pourrait avoir face au "métal industriel" qui je vous l'accorde ne sonne pas très jojo, il faut admettre que le son est très bon et apporte certaines innovations au genre que même Hans Zimmer n'avait pas encore osé tenter, ce qui n'est pas peu dire. Toute cette ambiance nous ferait oublier qu'il y'a aussi de vrais acteurs dans le film, Tam Hardy en Mad Max, qui ne doit pas avoir plus de 20 lignes de dialogue au total, Charlize Theron, en Furiosa et Nicolas Hoult en fanatique, le tout épaulé par une tripotée de mannequin pas désagréables.


Nombreuses sont les personnes qui veulent voir en ce film une quatrième interprétation du "mythe Mad Max", mais il semblerait plus que ce film soit au final une sorte d'hommage, voir même une sorte de remake de Mad Max 2. L'ambiance et l'histoire sont relativement similaire, tout comme le méchant principal du film. Donc, si on contextualise comme on se le proposait au début de cet article, Mad Max Fury Road, serait donc un film hors de son temps, très lié à Mad Max 2 et à son Univers Post-apocalyptique dont la représentation est aujourd'hui datée. Georges Miller, pour pousser la comparaison, va jusqu'à bannir (en grande partie) l'image de synthèse du tournage et à tourner son film à l'ancienne, avec des cascadeurs et des vraies explosions (oui oui, du vrai feu) ce qui est suffisamment rare dans l'industrie pour être mentionné, et qui donne au film un certain cachet, car la différence peut sembler faible, mais elle existe réellement, et à ce titre, je pense que le making of du film à lui seul vaudrait l'achat du DVD.


Mad Max Fury Road est un film très typé, qui n'hésite pas à prendre des risques, à la fois au niveau artistique, mais aussi en terme de réalisation. Mad Max s'apprécie clairement de façon sensible, comme une représentation artistique, plutôt que comme une histoire allant d'un point A à un point B. L'essence même de l'univers Mad Max empêche ce procédé narratif. Ce film n'est donc pas à mettre entre toutes les mains. Des mains averties seront nécessaire, ou alors il vous faudra éteindre votre cerveau, mais éteindre son cerveau n'est jamais une solution, alors soyez averti.

Aqquar
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le 25 mai 2015

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