J'aime beaucoup Emmanuel Mouret, j'étais donc très intrigué par Mademoiselle de Joncquières, première fois qu'il quitte le présent pour un film en costume.
Première remarque, ça ne se voit pas !
Certes, il délaisse un peu l'humour, mais il ne se fixe pas dans une période, ne cite pas de rois de suite identifiable, il prend une tranche de vie dans celle de la marquise de La Pommeraye, de manière simple.
Au final, il y a quelque chose de plus fort derrière les belles robes et les phrases bien tournées. Mouret parle surtout de blessures, de fierté et de vengeance. La marquise de La Pommeraye, trahie par l’homme qu’elle aimait, décide de se venger avec une élégance effrayante. Elle sourit (tout le monde souri, c'est aussi un film sur les masques que l'on porte en permanence), elle reste polie, mais, plus on avance dans le récit, plus on sent que tout ce qu’elle fait est calculé, en se demandant où sont ses limites.
Elle manipule, la jeune Mademoiselle de Joncquières, ses proches, tout le monde. C’est la force du cinéma de Mouret, parce qu’on voit bien qu’elle va trop loin, mais on comprend aussi sa douleur.
Les dialogues sont superbes, à la fois très travaillés, mais ils sonnent naturels/justes, comme si les personnages se battaient à coups de mots. Ils permettent de dépasser les masques souriants que les personnages portent. Chez la protagoniste, on sent toute sa fierté, mais aussi sa solitude.
D'ailleurs, les comédiens sont assez bons pour faire vivre les textes, Cécile de France est glaçante et touchante à la fois, Edouard Baer a ce charme un peu désabusé, et Alice Isaaz, dans le rôle titre, apporte une certaine douceur.
Il n’y a pas de vraie morale à la fin. Mouret n'est pas juge, il filme cette histoire comme une chronique, et de toute façon, personne n'est un ange. Le film parle de nous, de nos contradictions, de notre manière d’aimer et de nous défendre. C’est un film sur la vengeance certes, mais aussi sur la difficulté d’aimer sans vouloir dominer.