Effectivement, je peux comprendre que ce film déçoive. "Malignant" est à ranger aux côtés de "Death Sentence" et "Dead Silence", deux films-hommage, le premier au revenge movie (et vigilente aussi, on pense notamment à "Death Wish"), le second à ces films d'horreur avec marionnette mais plus particulièrement à "Chaire de Poule" ; "Malignant" est lui plutôt un hommage aux nanars des années 80, voire 90, avec un côté grotesque pleinement assumé. Je trouve que James Wan a un peu mal expliqué son point de vue dans les interviews ou alors ce sont les interviewers qui ont mal interprété et rapporté ses paroles : on peut lire un peu partout que ce serait son twist qui pourrait décevoir, selon lui. Mais pas tellement en fait, parce que son retournement de situation est tellement bien préparé qu'on en devine une partie avant la révélation : en effet, arrivé au milieu du film je pense que beaucoup de spectateurs se seront imaginé que l'héroïne a une double personnalité et qu'elle est donc la tueuse involontairement. Ce n'est pas entièrement faux. Ce qui déçoit probablement plus, c'est de découvrir, non pas qu'il s'agit de son 'frère' mais plutôt d'un monstre vivant dans son dos, le postulat étant surréaliste. Moi c'est ce qui m'a plu, j'aurais d'ailleurs voulu que cet état de fait soit révélé bien plus vite afin de mieux en tirer profit, d'exploiter des situations mettant en avant ces deux êtres partageant le même corps. Evidemment ça n'aurait pas été un polar. Peut-être plus un film sur une famille, sur cette jeune femme qui doit attendre d'avoir terminé de se développer pour qu'on puisse tenter d'extraire sa moitié (avant ça aurait été risqué, sa croissance aurait été mise en danger) ; Gabriel se rebellerait alors à ce moment là, prenant le contrôle sur Madison. Mais bon le film est tel qu'il est.


Le scénario fonctionne. Y a des dialogues très cons, des situations très bêtes aussi, mais à mon sens, c'est volontaire, ça fait écho à ces mauvais films où les répliques des personnages sont parfois purement fonctionnelles. On pense aussi à ces fins de scènes sur un regard, ce qui est très ringard en fait, ça rappelle les mauvais téléfilms. C'est assez étonnant de proposer un tel récit entre deux blockbusters chez DC, mais c'est peut-être pas plus mal, on sent qu'il s'amuse. Les conflits restent bien présents, avec des résolutions intéressantes, des personnages pas trop mal écrits, des situations qui prennent bien le spectateur et que l'auteur développe avec jusqu'au-boutisme.


Ce qui me surprend c'est de lire que ce film est juste très con. Certes, les idées véhiculées ne sont pas très développées, comme dans beaucoup d'autres films en fait... mais on peut tout de même apprécier la richesse de lecture de ce film. C'est un film féministe, pas juste parce que le petit ami du début se montre violent, mais parce qu'elle partage son corps avec une entité qui semble masculine et qui contrôle son corps, ses pensées, lui fait voir un monde positif quand en réalité il est en train de lui faire faire des horreurs. C'est aussi un film sur le mal (en français on peut même faire le jeu de mot mâle) qui se terre en nous et qui tente de sortir, de nous pousser à faire des choses horribles. C'est aussi un film sur le corps (un peu Cronenbergien). Et enfin la famille et l'émancipation que l'on souhaite. Donc, non ce n'est pas si con que ça. Les idées sont là, intéressantes et auraient peut-être gagné à être plus développées mais restent des portes de réflexion.


Un élément qui m'a fort surpris narrativement, c'est la mort de la sœur. C'est un passage assez courageux, car c'est un des rares personnages courageux. Après, hélas, on comprend que c'était une fausse fin, qu'elle a survécu. C'est un peu dommage car au final aucun personnage auquel on s'attache ne meure, du coup le niveau émotionnel ne monte jamais assez haut.


La mise en scène est également particulière : ça sent le fauché, l'image n'est pas toujours terrible, elle manque de texture et niveau lumière on sent que les effets ne sont pas naturels. Ceci étant dit, on trouve de belles lumières, de belles ambiances, même si je pense que l'on doit beaucoup à la postpod. Mais il y a des idées où l'obscurité prend de l'importance et c'est assez prenant, je pense notamment au kidnapping de la vraie mère ou encore lorsque l'héroïne est en prison, son visage est rongé par l'obscurité (par le mal). Niveau découpage ça fonctionne, mais là aussi ça fait penser à ces téléfilms ou autres navets des années 80, où on fait un gros plan bien appuyé d'une action pour être sûr que ça se voit. Par exemple quand dans la scène d'intro on découvre tous les médecins morts, tués par Gabriel, je n'ai pu m'empêcher de repenser à cette adaptation bien cheap d'un Stephen King, j'ai oublié le nom du roman/film, où des scientifiques à bord d'une camionnette font tomber leurs éprouvettes par terre, elles se brisent et un virus se répand, c'était très plan-plan aussi. Wan amène tout de même de la virtuosité et des idées plus inspirées pour d'autres séquences. Suite à la bande annonce, je n'étais pas très fan du dégoulinement d'arrière plan, finalement ça prend assez bien dans le film en soi, l'effet est réussi.


Le plus délicat, c'est l'animation de Gabriel. Il est censé marcher à l'envers (logique puisqu'il est dans le dos de Madison). Et là je ne parviens pas à déterminer si Wan a fait appel à des CGI ou pas. Clairement, il bouge bizarrement. On remarque que dans certains plans, la séquence a été filmée à l'envers et inversée en montage ; on remarque parfois que la personne se déplace vraiment en arrière. Puis parfois on remarque que c'est une personne qui marche normalement mais on essaie de le camoufler avec les angles de vue, les mouvements de caméra et un montage rapide. Mais il y a aussi toutes des attaques chorégraphiées, faites de voltiges assez impressionnantes, et pour cela j'aurais tendance à penser qu'il y a eu ajout de CGI, mais en même temps, durant ces séquences, la caméra n'arrête pas de bouger... donc c'est vraiment difficile de savoir comment ça a été fait. Le résultat est en tous cas assez étrange, en plus ce n'est pas souvent qu'on voit un tueur sauter dans tous les sens comme un ninja, mais passé un moment on s'habitue.


Les décors sont bons, les effets spéciaux sont plutôt sympas, avec en plus un monstre avec une bonne tronche. Les acteurs ont un jeu tantôt juste, tantôt surjoué et je pense que c'était volontaire. Terminer une scène avec un flic qui lance un regard à son coéquipier, c'est assez ringard, mais ça fait clairement partie du script et c'est donc probablement très volontaire. De même que le petit ami de Madison au début a une tronche et joue comme ces acteurs de téléfilms de Noël... mais quand il l'assomme contre le mur, d'un coup il joue bien. C'est donc très inégal, mais c'est ça semble volontaire.


Niveau jumpscare, il vaut mieux ne pas écouter Wan. En effet, le réalisateur disait de ce film qu'il souhaitait faire un film d'horreur différent de ses Insidious et Conjuring, et donc de ne pas se reposer sur les jumpscares pour faire peur. Bon déjà, moi j'ai rien contre les jumpscares, à mon avis ils sont bien utiles pour créer une ambiance et parfois bien amusants. Je pense aussi que Insidious et Conjuring sont des films lents et donc pour lesquels Wan a beaucoup travaillé l'ambiance générale, les jumpscares sont bien là, mais ne font pas tout. Par contre, Malignant est beaucoup plus rapide et là on peut dire que les jumpscares ont beaucoup plus d'importance pour créer cette ambiance, même si ça ne fait pas tout le film. Mais en tous cas, n'allez pas voir ce film en pensant qu'il n'y en aura pas parce que James Wan l'a dit, apparemment, il n'a pas encore vu son film...


Bref, ce film est assez étrange, inégal, un peu comme "Death Sentence" je trouve (on y retrouve d'ailleurs le même goût pour les courtes focales), mais tout de même jouissif (même si c'est loin d'être aussi gore que ce qui était annoncé) et agréable, au moins pour quiconque aime les films un peu grotesques.


PS : je vous préviens que je spoile beaucoup dans ma critique.

Fatpooper
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le 25 sept. 2021

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Fatpooper

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