Attention, cette chronique dévoile quelques éléments importants du film !


Un bon fantôme est un fantôme vivant !! Car le partis pris éloquent de ce Mamà n’est pas de nous faire peur à proprement parler même si on assistera à d’efficaces séquences horrifiques – ni à douter de l’existence de Mamà, car dès le début, nous savons comme les petites filles qu’elle existe bel et bien – mais de confronter deux figures maternelles que tout opposent.


Tiré de son propre court métrage du même nom qui a énormément séduit l’immense et influent Guillermo Del Toro, producteur à ses heures de petites perles fantastiques de grandes qualités (L’orphelinat, Splice, Les yeux de Julia, Don’t be afraid of the dark, etc), le cinéaste argentin a travaillé durement pour développer la mythologie et le récit de sa première création pour aboutir au format long.


Si Del Toro a apporté une aide précieuse à l’écriture du scénario afin d’en produire un long-métrage, c’est surtout pour étoffer tout le potentiel dramatique et fantastique du court. Mais au final, le seul reproche que l’on puisse faire à ce Mamà, c’est justement sa simplicité narrative très conventionnel qui rebutera peut être quelques personnes …. ce qui n’a pas du tout été mon cas car le coeur, le fond du film est fabuleux, dans tous les sens du terme !


Le cinéaste possède un talent indéniable pour édifier une mise en scène autour du huit clos et de la maison hanté, et apporte un soin méticuleux à la psychologie de ses personnages ; surtout celui d’Annabel et Victoria en fait. Malheureusement et avec le recul, on a souvent l’impression que le film se structure autour d’un schéma assez classique pour des raisons purement commerciales, et qu’il aurait peut être fallut davantage réfléchir sur une approche plus ouvertement fantastique, plus surréaliste, en tout cas moins explicative, car le déroulement très linéaire de l’histoire n’a de l’intérêt que pour ceux qui se seront attachés aux liens qui se tissent entre Annabel, Victoria, Lilly et Mamà.


On regrette également quelques petites facilités de scénario et quelques effets de scarejump qui nuisent malheureusement à l’ambiance très raffiné du film. La maladresse la plus grossière revient à ses deux personnages, le médecin et la tante, qui ne sont là que pour faire avancer l’intrigue, tant leur présence à l’écran font redescendre la tension et tout le potentiel du récit. C’est vraiment le gros point faible de Mamà. Puis, l’image souffre un peu trop de quelques dégradés ombrageux artificiels et de changements de grain pas toujours justifiés – seul le graphisme du rêve en plan séquence fonctionne à merveille (scène particulièrement terrifiante d’ailleurs !) – si ce n’est pour appuyer un climat oppressant dont on se serait bien passé tant la force du film repose sur les relations entre les ‘mères’ et les enfants.


La grosse force de ce Mamà est d’utiliser à bon escient le matériau horrifique dont le but principal n’est pas de nous faire peur. En effet, Andres Muschietti nous raconte d’abord une histoire en usant à merveille des plans fixes et plan séquences, suscitant en nous non pas le besoin de connaître à tout pris la fin mot de l’histoire, mais plutôt de nous montrer les rapports de force, les liens qui gravitent autour des parents de substitution, du fantôme et des enfants.


La trame scénaristique est au service de ce discours et il serait vain de maudire le film pour sa dramaturgie somme toute très académique. La scène la plus réussit et la plus emblématique est un simple mais ingénieux plan fixe faisant coexister, sur la gauche du cadre et en profondeur de champ la routine d’Annabel et les tâches domestiques qui lui incombe avec, sur la partie droite, la porte ouverte de la chambre ou l’on voit que Lilly joue en riant avec Mamà en hors-champ, cette dernière étant quasiment invisible aux yeux du spectateur.


Le cinéaste pense constamment à construire des séquences qui impliquent donc émotionnellement le spectateur, mais il interroge aussi ce qu’implique l’arrivée inopportun de l’enfant dans la vie des adultes. Car Mamà parle surtout de responsabilité parentale. Annabel et Mamà incarnent les deux pôles de la ‘mère’ : l’une contente, au tout début, de ne pas être enceinte pour continuer à vivre sa vie de musicienne, la peur de s’engager donc, l’autre refusant de laisser partir ses enfants dans une nouvelle maison, car Mamà, le fantôme, s’est occupée de Victoria et Lilly pendant cinq années, il n’est donc pas question de les laisser aux premiers venus !


Ce nouveau foyer, symbole générant un nouveau départ pour tous les protagonistes, sera le lieu ou se construira de nouveaux liens et ou chaque personne se révélera. Si Jeffrey, le frère jumeau du père décédé cinq ans plus tôt, est plutôt content de son nouveau rôle de père, il n’en est rien pour Annabel qui a du mal à s’imposer en tant que mère. Tour à tour fragile et pugnace, Jessica Chastain compose un personnage simple et profondément humain, un peu comme dans son précédent film Zero Dark Thirty. Sa performance toute en finesse dépourvue de tout maniérisme et très éloignée des jeux excessifs souvent fréquent dans ce type de film, gratifie son personnage d’une réelle épaisseur.


Personnage d’ailleurs le plus important à mes yeux, Annabel se révélera à elle même dans un final aussi poignant que réellement bouleversant. Elle apprendra que l’ « enfant » n’est pas un fardeau mais une découverte de soi, une étape à accepter et se surprendra elle même pour préserver jusqu’au bout sa toute nouvelle fibre maternelle.


Loin des stigmates hollywoodiens ou tout est bien qui finit bien, Mamà s’inscrit dans une tradition romantique et gothique européenne avec cette magnifique et touchante conclusion, mélange exceptionnel de pur frisson et de sentiment mélo-dramatique, très éloigné des happy-ends conventionnels et rassurants. La brillante originalité de Mamà est d’avoir su mettre intelligemment l’émotion au premier plan, exposé sur un récit très basique certes, mais si la magie opère sur les spectateurs, ils frissonneront et pleureront à chaudes larmes devant cette oeuvre authentique ou s’affronte devant nos yeux fascinés une incroyable et déchirante bataille entre l’amour, la vie et la mort ! Ni plus, ni moins !

Mathieu_Babhop
7
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le 19 août 2016

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