L'acier ne se révèle qu'être du papier aluminium

Attention, l’article contient des spoilers.





Alors que Disney et Marvel s’envolent vers une Nouvelle Krypton qui atteint les milliards, la Warner se devait de réagir en proposant sa vision de l’écurie DC Comics au cinéma. Les échecs SUPERMAN RETURNS en 2006 et GREEN LANTERN en 2011 nous rappellent que le public n’est pas encore adapté à une future Justice League. Résultat, la Warner mise sur Christopher Nolan et David S. Goyer qui ont ressuscité avec brio la franchise BATMAN et Zack Snyder, un réalisateur qui possède ses fans et ses détracteurs mais qui n’est (n’était) plus bankabable depuis les échecs commerciaux GA’HOOLE, SUCKER PUNCH et WATCHMEN. Au programme : un reboot (le mot n’est pas vain, on est vraiment face à un reboot là où SUPERMAN RETURNS avait le postérieur entre deux chaises) entre mythe de Superman réadapté et réalisme à tout prix. Il n’y a pas quelque chose qui cloche déjà ?

Les trois comparses partaient donc d’une intention louable : Marvel essaye de faire des films funs, colorés avec des costumes flashy. DC va donc essayer de faire des films super-héroïques (ne surtout pas prononcer le mot voyons !) ancrés à tout prix dans le réel avec des costumes aux couleurs sobres, épurés, classes. On enlève le slip, on apporte un filtre terne pour appuyer le réalisme : on est en 2013, un peu de sérieux mes amis ! Malheureusement, dès la séquence d’introduction le bât blesse, on se rend compte de la volonté de Zack Snyder : il veut en mettre pleins les yeux au spectateur, il veut le plonger dans un grand huit vertigineux, une sorte de combat intergalactique où Superman ne serait qu’une excuse pour détruire des mondes, écrouler des bâtiments et faire tout exploser (Michael Bay approved). De ce côté-là, vous serez servi puisqu’on passe le plus clair de notre temps à être confronté à des scènes de ce calibre là, tendance Dragon Ball Z pim pam poum. Il faut bien s’attacher dès le départ et ne pas être mal à l’aise pendant l’attraction pour apprécier la réalisation nerveuse, brouillonne à tendance de cut, cut, cut, cut, cut, cut, cut, boum, explosion, destruction d’immeuble (sans aucun relief), petit détour dans l’espace, zoom X45, cut, cut, dézoom x56, cut, cut, un peu de lensflare, cut (et ce de façon hyper rapide, à la vitesse de Flash). Une sorte de grand huit interminable. Comme si Zack Snyder reniait ses ralentis (heureusement diront certains) pour tenter une nouvelle approche qu’on retrouvait déjà dans Sucker Punch à certains endroits. Pour le coup, je dois vous dire que le travail de Josh Trank sur la deuxième partie de CHRONICLE m’est paru plus intéressant et moins brouillon dans le genre « Dragon Ball Z » sur grand écran.

Si vous recherchez du Superman « super » avec des scènes d’actions toutes les cinq minutes, force est de constater que vous allez être servi. Cependant, Zack Snyder n’oublie pas qu’il est face au premier épisode d’un reboot : il faut donc poser les fondations, le fer-valoir du super-héros, pourquoi il est ce qu’il est. En dehors des scènes d’actions qui plairont ou pas, c’est ici que le bat blesse de nouveau pour moi. Pour rendre un propos à Superman, pour lui donner un but, Zack Snyder a décidé d’entrecouper son récit (scène d’introduction passée) d’ellipses narratives pour revenir sur des moments clés de l’enfance de Superman. Une approche et une envie assez atypique là où le spectateur est plus habitué à une progression linéaire. Si on sent que ces ellipses narratives servent à calmer le récit, l’abus d’utilisation rend le procédé insupportable à donner mal au ventre au premier non aguerri et au final ne calme pas le récit. Non, il le rend encore plus illisible et foutraque. D’autant plus, que ces ellipses vont servir la plupart du temps à libérer un discours pompeusement philosophiquo-lourdingue. David S. Goyer souhaite faire passer un message mais au lieu de le tisser de façon subtile et passagère, nous l’assène, prend un marteau (décevant Hans Zimmer) et nous l’enfonce dans la tête pendant plus de 2h.

Là où Batman Begins réussissait malgré ses défauts à poser avec brio le premier épisode d’un reboot, Man of Steel patauge dans le bain d’huile et ne se révèle qu’être brouillon et Parkinsonesque. Cependant, Snyder arrive à rendre certaines scènes de l’enfance de Clark Kent magnifiques, je pense notamment à cette scène du sacrifice de Kent Sr., d’une beauté et d’une justesse folle. Quand Snyder calme son jeu et ne souhaite pas taper plus fort, plus loin, plus haut, le rendu est convaincant. C’est dans la simplicité que se trouvent les meilleures choses et c’est peut-être une règle d’or que les réalisateurs ont tendance à mettre de côté.

MAN OF STEEL va malheureusement multiplier les sous-intrigues et les idées au point encore une fois de perdre le spectateur et de rajouter des couches qui n’ont lieu d’être. On passe du pire (Kal El, le seul bébé conçu naturellement sur Krypton tendance LES FILS DE L’HOMME ahahaha) au meilleur (excellente et iconique idée que Superman possède tout Krypton en lui) en une fraction de seconde et il faut alors trier constamment les idées que l’on nous assène l’écran. Comme si le spectateur n’avait pas déjà le mal de mer entre les allers-retours temporels et les scènes d’actions bruyantes et fatiguantes.

Malgré tout, quelques problèmes narratifs ont achevé mon avis sur le film. Comme chaque super-héros, Superman a un leitmotiv derrière lui, une ligne de conduite qu’il ne doit pas franchir (au mieux, pas dans un premier temps, au pire, il sera rongé par la culpabilité). Ici, les scénaristes nous assènent pendant tout le film que Clark doit apprendre à se contrôler, à ne pas libérer toute sa colère et ses pouvoirs aux yeux du monde entier. Il a de grandes choses à faire sur Terre, il doit la protéger. Résultat ? Superman et Zod se battent pendant une bonne partie du film dans Metropolis (la ville est d’ailleurs introduite de la pire des façons), en détruisant les bâtiments et donc en tuant toute personne présente. Superman ne se pose jamais de questions et ne cherche jamais un terrain approprié comme champ de bataille. Idem pour la confrontation à Smallville. C’est vrai que détruire sa ville d’enfance c’est toujours mieux que d’essayer d’aller castagner de l’alien dans les nombreux champs qui entourent la ville… Cela va en dehors des règles de Superman qui doit protéger un peuple et faire dévier le combat dans des zones appropriés pour ne pas blesser la veuve et l’orphelin. Le coup de grâce est assené avec la dernière scène du combat titanesque (et interminable ?) : Superman étrangle Zod. Superman étrangle quelqu’un. Je ne sais pas si on se rend compte de la portée de ce geste. Si encore, il avait une certaine culpabilité. Que nenni. Il préfère crier son « Noooo » des familles emprunté à Darth Vador.

Zack Snyder et sa clique veut moderniser Superman. De ce côté-là, il a opéré un véritable reboot et le travail n’en est que louable (d’autant plus que succès box-office oblige, MAN OF STEEL 2 et JUSTICE LEAGUE sont programmés) mais Zack Snyder n’oublie t-il pas les fondamentaux même de Superman ? Si Christopher Nolan a fait des concessions avec sa trilogie DARK KNIGHT, l’âme et le personnage était là. Mais à force de vouloir faire du Superman boum boum, Snyder n’oublierait-il pas que Clark Kent est derrière le « masque » de Superman ? On a plus l’impression d’assister à un film Superman sans Clark Kent que Superman avec Clark Kent et c’est bien dommage. D’autant plus qu’on sent une envie de poser une base de récit autour du thème Clark Kent/Kal El mais c’est tellement bancal, tellement mal amené que ça en devient décevant. En dehors des scènes d’enfances qui ne servent qu’à jalonner Superman, qu’en est-il de Clark Kent qui pêche, Clark Kent qui reste indifférent aux provocations dans un bar (petit hommage rigolo à SUPERMAN II), Clark Kent qui part en voyage on ne sait trop comment pour rechercher ses vrais parents ? Un voyage normalement initiatique qui ne l’est pas du tout dans ce cas présent qui va l’amener vers Lois Lane. Car oui, Lois Lane va d’abord être confrontée à Superman et non à Clark Kent et toute la mythologie derrière est donc retournée de façon étrange. Lois Lane… Lois Lane va dans l’espace dès le premier film, Lois Lane sait que Superman = Clark Kent d’entrée de jeu, Lois Lane est une championne sportive qui monte sur des glaciers de façon olympique pour assouvir sa curiosité, Lois Lane se plaint parce qu’elle ne sait pas où faire pipi (blague pipi d’une grande richesse), Lois Lane n’est plus Lois Lane.

Se pose alors un problème avec ce film : entre réalisme froid (Snyder et Nolan possédant tout deux un cinéma assez froid, je ne vous raconte pas le résultat de la coopération des deux bonhommes) et super-héroïsme poussé à son paroxysme, il y a un fossé. Si Batman pouvait se mouvoir dans un univers réaliste, la pilule passe mal pour Superman. Superman est l’anti-thèse du réalisme, c’est un extraterrestre. Pendant tout le film, Snyder alterne donc entre scènes qui cherchent constamment le réalisme et scènes de combats hypra non-réalistes. Comme s’il était confronté à un dilemme dont il ne pouvait se sortir. Snyder avait le choix entre un premier film calme, classique pour du super-héros à base d’apprentissage des pouvoirs (écourté en cinq minutes ici) pour bien faire baigner le spectateur dans le mythe de Superman mais Snyder a préféré un film bruyant, à un rythme effréné qui ne s’arrête jamais, qui ne permet pas de laisser libre court à l’émotion. Son intention aurait pu être louable après tout, tout le monde connaît Superman. Pourquoi choisir alors d’entrecouper le récit pendant plus de 2h avec des ellipses narratives insupportables ? Il y a un public pour ce genre de films mais pour ma part, je passe mon tour.

MAN OF STEEL est une déception. J’ai cru au projet de Nolan et Snyder jusqu’au bout et j’étais parti convaincu d’être face à un film qui me plairait. Au final, je me retrouve devant un grand huit de 2h30 bruyant et bordélique où scènes d’actions interminables, ellipses narratives insupportables, discours lourdingue s’entrecoupent constamment. C’est bien dommage, d’autant plus que le casting est quasiment irréprochable. Entre réalisme constant et film super-héroïque à son paroxysme, on ne sait pas où veut en venir Snyder et on ne sait pas trop s’il le sait aussi. Il reste que ce reboot est maintenant la clé de voute de DC Comic au cinéma et ma curiosité prend le pas sur ma déception pour une éventuelle JUSTICE LEAGUE et MAN OF STEEL 2.
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le 19 juin 2013

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