Que faire des monstres d'hier dans la cinématographie d'aujourd'hui ? C'est la première question qui vient à moi en commençant à regarder le film. Ce qui est beau c'est que ce Manglehorn de David Gordon Green, auquel je porte une grande affection avec le reste de la bande d'Eastbound and Down, semble en offrir une réponse avec le personnage même qu'interprète Al Pacino, à savoir un vieux serrurier solitaire qui ne pense qu'à l'acte manqué avec l'amour de sa vie qu'il a laissé partir il y a des années. Dès sa rencontre avec Gary, AJ est présenté comme un ancien coach de baseball autrefois respecté de tous, une star déchue avec le temps. N'est-ce pas le sort d'Al Pacino et de De Niro (qui ne fait plus que se tourner en dérision) actuellement ?


Manglehorn, c'est un film sur la vieillesse, sur la solitude et les regrets. Sujet ô combien traité par le passé, mais rarement avec une telle justesse et sincérité. On retrouve d'ailleurs un peu ici le même genre de personnage que Kenny Powers, à savoir un homme à la quête absurde et plus de son temps, partagé entre un déni absurde des autres et un désir de sincérité touchant. Le film et la série partagent aussi un certain sens de l'ironie dramatique, où l'on ne sait pas forcément s'il faut rire ou pleurer à certains moments.


Il faut bien avouer que ça n'a également pas été souvent traité de manière aussi obscure et psychédélique. Mais psychédélique n'est pas le bon mot, tant les nombreux fondus au noir, enchaînés, gros plans surprenants et montages alternés renvoient davantage à une certaine idée romantique du récit et du personnage.


Comme dans le récent Everything Will Be Fine, une histoire globalement classique est traitée de manière poreuse, évasive, un peu frustrante aussi tant parfois on a du mal où Gordon Green veut en venir. Le film alterne ainsi séquences compréhensibles, à la dramaturgie simple et touchante, et séquences métaphoriques au sens peu visible aux premiers abords, voire qui paraissent inutiles.


Mais finalement, toute la "clé" du film réside dans la dernière scène, qui redonne du sens à beaucoup de choses du film comme le rôle du chat ou celui des montages alternés. On sort alors du film la tête un peu lourde mais remplie d'un sentiment mélancholique pas si courant, en ayant l'impression d'avoir assisté à un film plus original qu'il n'y paraissait.


Comme m'a dit un vieux sage en sortant de la salle : "à la limite du barbant, mais juste ce qu'il faut".

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le 11 juin 2015

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Antofisherb

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