FPS : First Person Shit : Maniac n'est finalement qu'une version à chier de l'intro de Blow Out.

Je ne sais pas spécialement par où commencer à propos de Maniac. Orbitant quelque part entre la facilité et l’incohérence, la production Aja/Langman se révèle être plutôt faible. Je vis peut-être dans une grotte, mais j’ignorais que le film était conçu entièrement (du moins, presque) autour du concept de la première personne. Bon, ma foi, pourquoi pas, la notion de point de vue, dans les films à tension, c’est une affaire absolument capitale qui peut trouver par ce procéder de solides fondations.

Mais hélas, Maniac ne s’articule pas ainsi. Maniac n’est pas un film de tension. Pourquoi ? Parce que Khalfoun a oublié, quelque part en cours de route, qu’un film « d’horreur » se devait d’être surtout un film qui véhicule de l’émotion. En exagérant, j’en viendrais presque à dire un drame. A nouveau, pourquoi ? Parce que l’émotion est capitale, et elle n’existe pas que pour faire chialer dans les chaumières devant des impostures comme La Rafle. Lorsque Friedkin a fait L’Exorciste, il l’avait parfaitement compris. L’horreur s’articule autour de l’émotion, du ressenti des personnages. Le problème, c’est que lorsque l’on verse dans l’exercice de style, comme tend à l’être Maniac, on a vite fait d’oublier ces considérations, en comptant bien trop sur son « concept », et l’efficacité dudit exercice de style.

Du coup, Maniac erre dans les plaines de la gratuité totale. L’absence de fond donne un aspect laid au film. Laid, ou inintéressant. Maniac se paie le luxe (ou appelez-ça comme vous voudrez) de s’intéresser principalement à un tueur en série. Figure fascinante, me direz-vous. Fascinante, mais complexe. Afin que l’approche soit justement intelligente, et servent les fameuses émotions, il faut réfléchir à la psychologie de son personnage. Là j’ai l’impression de me retrouver juste face à un patchwork d’imagination et de faits divers, face à une version « pas très intéressante » d’un gars comme Ed Gein. Dans de telles conditions, c’est compliqué de créer la peur. La peur, je la ressens dans Le Silence des Agneaux, je pense notamment à ce fameux passage aussi en première personne. La peur, je la ressens dans Zodiac. Mais je ne la ressens pas dans Maniac, ce qui un poil paradoxal quand on sait que les deux films que j’ai cité ne sont pas de l’horreur. Là on a juste une psychologie de comptoir sur le « mythe » du serial killer, qui rend l’ensemble soit inintéressant, soit (pire) pathétique.

Khalfoun a oublié également la subtilité en cours de route. On retrouve dans une premier temps les clichés éhontés du genre (petits spoils à venir): la fille poursuivie qui sort du métro, que va-t-elle faire ? Rejoindre une grande avenue ? Ben non, plutôt aller dans une impasse sombre avec de la fumée ! Et puis tant qu’on y est, s’enfermer dans un endroit sans issue ! Ou encore, la vieille richarde qui écoute sa musique classique en prenant son bain. Oh, mais une scène sur l’Avé Maria, comme c’est original ! Dans un second temps, c’est ce qui est montré dans le film qui est un problème. La première personne n’empêche pas la subtilité. Quand on montre un tueur qui scalpe sa victime dès le premier meurtre vu à l’écran, c’est bon, on le caractérise. Pas besoin de remontrer la séquence une deuxième fois, c’est juste totalement gratuit. La gratuité est d’ailleurs un des problèmes du film. A l’heure où la gratuité de la violence dans le cinéma actuel ferait passer Charles « Justicier dans la ville » Bronson pour un bisounours, Maniac n’améliore aucunement la situation. C’est con, parce que c’est justement sur ce point que j’escomptais quelque chose. Je n’ai pas de problèmes particuliers avec la violence en elle-même, il faut juste qu’elle trouve sa place. Là, on se tape une quantité de trucs gratuits, c’en est presque navrant. La fin étant le paroxysme, j’ai senti les limites de ma tolérance. Je suis un gars rarement méchant sur les films, on peut m’en mettre pourtant des tonnes, mais à un moment il faut arrêter de déconner.

Alors oui, j’ai peut être un train de retard sur le cinéma d’horreur, c’est un genre qui ne m’intéresse globalement plus, de par des films justement comme Maniac. Je ne suis même pas nécessairement hostile aux films qui sont de purs exercices de style. Mais pour ce faire, il faut être impeccable sur ce point. Et honnêtement, Maniac ne l’est pas. J’imagine qu’aujourd’hui, faire un bon film d’horreur, c’est dur. Faire un bon film d’horreur du point de vue du tueur, avec un minimum de psychologie, c’est dur. Et le tout, en première personne... Bref, vous comprenez. Or, la première personne, même lorsque c’est l’affaire de quelques plans, c’est quelque chose de redoutablement difficile. Tout le monde n’est pas Brian DePalma. Franck Khalfoun n’est pas Brian DePalma.

Du coup son film se heurte à une quantité de problèmes de réalisation, de par le choix de ce concept, assez importante. Bon, déjà, un film complètement en 1ère personne : le 2.35, il ne faut pas y songer. Aucun intérêt, pire, ça perturbe la lecture du film, ça n’a pas de logique par rapport à l’œil humain, par rapport au point de vue, et ça n’est pas pratique pour créer ses cadres dans de telles conditions (et créer sa tension). Pareil pour les focales : la stylisation est recherchée, mais la logique est absente. Certaines scènes se parent de plans de coupe qui jouent sur des focales différentes, bizarroïdes, mais pourquoi ? Ça arrive dans la soupe comme un poil de mammouth. Rien qu’avec ces soucis, l’aspect de première personne est déjà mis en péril. On est dans le factice, on le ressent. Et c’est combiné à des problèmes qui sont juste bêtes comme choux, mais détruisent l’expérience : la cohérence visuelle. C’est stupide à dire, mais à plus d’une reprise, ça n’est pas logique que le tueur regarde dans un miroir un peu oblique, et y trouve son propre reflet. A nouveau, quand cherche à faire dans l’exercice de style, faut être blindé. Et même en dehors de ces reproches, il y a une facilité dans les choix de découpage qui détruit à nouveau toute la tension (un mot qui revient souvent, décidément !) qu’on peut escompter.

La facilité, elle se ressent un peu partout en fait. Même dans le son. Je suis désolé, mais à l’heure actuelle, se contenter de faire un film d’horreur en surmixant tout, et en balançant des caisses d’infrabasses, oui, je trouve ça facile. Alors non, je ne condamne pas nécessairement le surmixage et les infrabasses, loin de là. Je prends un exemple qui n’a rien à voir, mais Shutter Island est blindé de détails qui sont surmixés. Cependant, ça reste des détails, ça créé une atmosphère. Là, on a des séquences entières qui sont dans le surmixage et le bombardement d’infrabasses, parce que « ça créé la tension, vois-tu ». Oui... mais non.

J’ai envie de sauver la musique, par contre. Je tends à croire que justement, les compositions du film ont compris où il fallait en venir, dans cette atmosphère un peu fantasmée, moins terre à terre que le film en lui-même. C’est pas mal du coup, mais le problème c’est que la logique par rapport au reste du film en prend un coup. Mais je conserve le bon point, ne serait-ce que pour l’inspiration des années 80. J’ai décelé l’influence Giorgio Moroder à un moment.

Je vais passer sur les acteurs, car sinon, à défaut de tirer sur l’ambulance, je vais juste avoir l’impression d’éclater des mouches à la Kalashnikov. Je me contenterais de dire : je ne crois pas au potentiel d’acteur d’Elijah Wood. Si je me trompe sur ce point à l’avenir, tant mieux.

Maniac, c’est finalement un film que je voulais aimer. Autant être franc : c’est un film que je n’aime clairement pas. Il m’a néanmoins donné envie de voir la version originale. Inutile de dire que j’en attends quand même un peu mieux. Là ça m’a surtout très ennuyé, j’ai trouvé ça con. Con et pas beau.

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le 15 janv. 2013

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Lt Schaffer

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