Dire de Marie et les Naufragés qu'il s'agit d'un film bizarre, ésotérique et j'en passe serait perdre sa véritable essence, sa qualité première. On se confronte davantage à son aspect poétique et décalé, rendant chaque scène, chaque mot et intonations de phrase à la fois magique et métaphorique. Alors on s'assied bien au fond de son fauteuil, on prend une bonne inspiration et on se laisse surprendre par ce film, ma foi, emplit d'une certaine beauté, d'une drôlerie absolument exquise.
Résumer Marie et les Naufragés de Sébastien Betbeder n'est pas simple tant son propos de base semble n'être que prétexte à un sous-texte très réfléchit comme l'on pense chaque pied, chaque tournure d'un vers. L'histoire nous dépeint trois personnages abîmés par la vie que vient rejoindre un quatrième, cet hilarant trublion d'Oscar (Damien Chapelle), le colocataire somnambule de Siméon.
Siméon (Pierre Rochefort) est un jeune gars, un trentenaire au physique banal, au charme peu développé. C'est le type normal, un mec paumé que tu croises sans le voir dans une rue pour l'oublier à sa fin. Siméon cherche désespérément celle qui le fera vibrer, devient maladroit avec le sexe opposé et se voit bien souvent rejeté car trop rêveur, trop exigeant. Siméon a une petite fille qu'il ne voit que peu, c'est néanmoins un bon père, attentionné comme pas deux mais toujours assez confus de tout.
Lors d'une nuit parisienne que le doux alcool vient adoucir, Siméon tombe sur un portefeuille abandonné. Il appartient a une certaine Marie (Vimala Pons), qu'il croit reconnaître sans savoir d'où. Intrigué, Siméon trouve un numéro dans l'annuaire qu'il compose alors. Au bout du fil, il tombe sur une voix d'homme. Une voix à l'accent prononcé, une voix du Sud. Elle lui indique, qu'il connait bien Marie, qu'il ne doit surtout pas chercher à la voir, qu'elle est dangereuse. La voix raccroche et Siméon se retrouve d'autant plus curieux. En quoi pourrait-elle être dangereuse, se demande-t-il. Siméon parvient tout de même à la contacter, se donnant rendez-vous avec pour excuse le portefeuille.
Marie se dévoile alors devant nous. Marie est une fille bizarre, d'un timbre faible, presque inaudible, le genre de fille avec laquelle on ne sait jamais vraiment quoi dire ou quoi faire. A l'image de Siméon nous sommes intrigués par elle, par son passé, son futur. On la découvre comme une femme déniant le concept même de mort, impulsive dans ses choix de vie, une femme imprévisible.
La voix du téléphone c'est Antoine (Eric Cantona). Antoine est un écrivain au talent incertain mais à la franchise, à la justesse prégnante. C'est un gars très étrange que cet Antoine, le genre a toujours dire ce que personne ne demanderait, à constamment acter la bizarrerie de son être. Antoine a vécu plusieurs années avec Marie et ne parviens à l'oublier, aussi décide-t-il de faire de notre histoire, son prochain récit.
D'une filature à une autre, Siméon se retrouve à suivre, sans qu'elle ne le sache, Marie jusqu'à l'île de Groix au large de la Bretagne. Antoine, dans son idée de reconquête parvient lui aussi à rejoindre l'île, flanqué d'un Oscar, abasourdi par l'initiative de son colocataire. S'en suit une aventure rocambolesque, d'un aboutissement incertain.
Marie et les Naufragés est une oeuvre particulière. Son traitement a ce petit quelque chose qui excite l’œil et l'âme. On se retrouve face à ce qui pourrait ressembler à une banale comédie romantique, délimitant ainsi nos propres attentes quant au genre. Seulement on oublie bien vite tout cela, on se laisser bercer par cette histoire, on rit, on rit très fort devant les répliques de Cantona, sublime dans ce rôle très personnel. On rit d'un rire franc, un rire non forcé, que le film distille ça et là au sein d'une écriture fine. Ce qui est saisissant dans l'oeuvre c'est bel et bien cette finesse dans les dialogues, dans la musique, dans certains plans. Tout est pensé jusqu'aux moindres détails sans excéder le moins du monde son spectateur. On passe seulement un très bon moment, craignant de le voir s'achever et mourir. Bien heureusement, rien de meure en sa finalité, tout continue, tout continue d'évoluer mais cependant nous ne serons pas présent pour l'observer. Nous arrivons dans une parenthèse, une tranche de la vie de ces trois protagonistes, nous les suivons un temps et nous les abandonnons, nous les laissons vivre.