Marseille Vieux Port
7.3
Marseille Vieux Port

Court-métrage de László Moholy-Nagy (1929)

nov 2011:

Après la projection de "Fièvre" de Louis Delluc, la séance "Trésors de la cinémathèque de Paris" s'est poursuivie avec ce documentaire du Hongrois László Moholy-Nagy, que je ne connaissais que de nom pour son œuvre de photographe et non de cinéaste. Un visionnage avec musique directe grâce à la performance d'un pianiste dans la salle était une occasion rêvée d'entrer dans le monde de cet artiste.

Après avoir été plutôt déçu par la charge mélodramatique du film de Delluc, ce petite documentaire est apparu comme très rafraichissant. Le terme n'est peut-être pas le plus adéquat, tant le film s'attache à suivre à la trace la présence salissante des hommes dans ce Vieux Port de Marseille. On est presque tenté de mettre un "c" à la place du "t" dans "vieux port" tellement Moholy-Nagy passe une bonne partie du documentaire à filmer toutes les immondices que les habitants laissent s'agglutiner dans les rues. Ici on voit un gamin chier sur le trottoir, là un chaton grimpe une montagne de déchets, ailleurs une ruelle descendante laisse s'écouler une rigole d'eau de pluie entre deux "rives" de détritus.

Oh, bien entendu qu'il ne s'en contente pas ; il scrute les visages, les gestes du travailleur ou du chômeur, l'espèce de lente progression du jour sur les Marseillais, on suit les gestes du fondeur, des hommes qui discutent dans la rue, le sourire édentée d'une vieille dame, l'accablante passivité d'un mendiant, les ustensiles vendus au marché noir improvisé sur le trottoir, etc.

Voilà, Moholy-Nagy ne s'interdit rien pour présenter la réalité quotidienne des pauvres, des communs, du tout venant et passant dans les rues de Marseille. La carte postale retournée.

Mais le cinéaste filme cela avec une certaine science du cadrage et de la lumière, jouant des contrastes, accentuant les formes et les traits. Son montage très serré, nerveux, donne beaucoup d'intensité et de modernité.

Le tout parait présenter la réalité de ce Marseille d'août 1929 avec une acuité étonnante et pour tout dire plutôt belle. Oui, de cette énumération de plans scrutateurs des déchets, signes ou symptômes de l'activité humaine, entrecoupés de plans très larges, souvent en plongées sur le port et le fantastique capharnaüm des carrefours, places et rues sur-peuplées émergent un réalisme stupéfiant de lyrisme, une effervescence ainsi qu'une esthétique plus qu'ébouriffante.

Ce témoignage d'un passé très lointain le ranime avec force et le rapproche en quelque sorte du présent. Ce n'est pas sans susciter quelques émotions.
Alligator
7
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le 20 avr. 2013

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