Maillon conforme de la grande chaîne du « cinéma indépendant », qui est devenu un style avec ses généralités formelles ; alors qu'il devrait, par définition, être le terrain propice à l'émergence d'auteurs et de manières inédites ou décalées. En fait de refléter l'ensemble des essais indépendants, le terme en est venu à se référer à une fraction étriquée de celui-ci, garante d'un certain bon goût et d'une 'liberté' auto-sanctifiée qui s'exercerait donc dans un cadre épuré et protégé, sans risque de dérapages. Le « cinéma indépendant américain » est depuis une dizaine d'années le sobriquet conquérant d'un label, ou du moins d'une galaxie, celle de Sundance.


En ce début des années 2010, les sectes et la dissociation inspirent ce cinéma indépendant 'intégré' ; cela donne de jolis moments à passer, d'un point de vue plastique ; dans Martha, la photo est superbe bien qu'elle relève de la branche 'réflective' de l'état d'esprit Intagram. Mais l'inanité du geste est flagrante. Essai poseur timoré mais pas sans raffinement, Martha Marcy May Marlene effleure son sujet en s'engageant le moins possible, constituant avec assurance un cadre intellectuel qu'elle prend soin de ne pas remplir, sinon par des plan-séquences extatiques, abondants en silences, jeux de regards, suggérant ou assénant par secousses des détails psychologiques. Ce premier long de Sean Durkin souligne combien Martha a été détraquée par son expérience au sein d'une secte et est assez maladroit dans sa démonstration.


Du mystère de son court Mary Last Seen, Durkin est passé à la représentation sans racines ni destin. Le compte-rendu du passage est assez pauvre et caricatural ; celui des effets pas mieux, à la délicatesse près. Martha déroule un petit topo sur la bonne façon de vivre réductible sans dénaturer en un élément de langage original et une petite fièvre adulescente basique ; pour le reste, elle est la prisonnière de ses symptômes. Comme peinture du vide et de la confusion indicible propre à son état, Martha Marcy 'fait sens'. Dans ces circonstances, sa lenteur extrême et même une certaine fébrilité voir une absence de point de vue clair se justifient et accompagnent son errance. Il y a là un vrai charme (léthargique). Le manque de substance et de fermeté sont à la fois une incidence de l'état du personnage-titre, une manière conforme d’interagir avec lui, le fruit d'une vision minimaliste et peu ambitieuse d'un point de vue intellectuel ; les vertus documentaires s'en trouvent réduites à néant et en ce sens, Martha est un raté.


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le 5 mai 2015

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