Quand Woody devient vieux (réflexion sur Woody)...
Woody Allen va mourir. L'une de ces dernières interviews en est la triste témoignage. Il y est assis de travers sur une chaise, le bras gauche appuyé sur le dossier. Son oeil gauche est à moitié fermé. Les questions posées par le journaliste ne sont évidemment pas passionnantes, mais il est choquant de voir Woody, l'esprit d'habitude si vif et affûté, demander qu'on lui répète une question, ou ne la comprenant simplement pas. Il parle doucement, il a l'air fatigué, affaibli, vieillissant.
Woody a 76 ans. Il est donc nécessaire d'admettre qu'il va mourir un jour. Et lui, l'a-t-il admis ? Que peut bien se passer dans l'esprit de cet homme qui, chaque jour de sa vie, a pensé à celui de sa mort ? Que peut-il bien penser lorsqu'il réalise que la chose dont il a le plus peur n'a jamais été aussi proche ? Y pense-t-il réellement, d'ailleurs ? Tout cela n'est que supposition, questionnement, et crainte aussi.
Nous sommes à la fin d'une époque. Les plus grands cinéastes de la seconde moitié du XXème siècle sont en train de disparaître. Kubrick, Altman, Kazan, Chabrol ne sont plus. Eastwood, Scorsese, certes encore prolofiques, ne rajeunissent pas. Woody Allen non plus.
Bien qu'il serait malhonnête de considérer ses films comme des chefs d'oeuvre du cinéma au même titre qu'un "Orange mécanique" ou un "A l'est d'Eden", Woody Allen a su créer son propre cinéma, parfaitement inimitable. Personne ne s'est d'ailleurs risqué à faire un film "à la manière de Woody". Son humour, sa manière de raconter une histoire, son autodérision, sa vision de la vie (et de la mort, justement), le rende absolument unique. Depuis 50 ans, il est présent. Il fait partie de la vie. On sait qu'une fois par an, on va le retrouver. Personne ne change fondamentalement tout au long de sa vie. Woody non plus. Ses films se ressemblent donc. Quoique... Il semble avoir désiré changer il y a quelques années. En 2004, alors qu'il n'avait jamais tourné hors de New York, il a démarré un tour de l'Europe et a donné naissance à des films radicalement différents, qui tiennent une place majeure, et à part, dans son oeuvre. Avec "Match Point", on a découvert une autre partie de son esprit, de sa personnalité. "Le rêve de Cassandre" le dévoile comme un cinéaste qui, s'il le désire, peut faire du grand cinéma, du cinéma sombre, grinçant.
Malgré ce revirement dans son processus de création, un seul et même mot semble pouvoir résumer son oeuvre : désespoir. Woody Allen est quelqu'un de profondément désespéré. La nature humaine, les rapports humains, l'amour, l'ambition, l'art, sont ses obsessions. Il les a toujours abordées, certes avec humour, mais surtout avec désespoir.
Comment sera-t-il vu après sa mort ? Quelle vision sera portée sur ses films ? Sera-t-il ensensé, ou totalement dénigré ? Il est impossible (et inutile) de le savoir pour le moment. Il est néanmoins possible de savoir ce qu'il se passera en certains d'entre nous quand il disparaîtra : de la tristesse, du manque, et du désespoir.