Un film de Xavier Dolan, avec Xavier Dolan, à la Xavier Dolan

En 2019, après le retour de Bong Joon-ho en Corée pour nous sortir son Parasite, Xavier Dolan revient au Québec!! Ça a de quoi nous faire rêver!


Le petit chouchou de Cannes signe un retour aux sources avec Matthias et Maxime.
Il s'agit là d'un film intimiste sur une bande de potes réalisé avec une bande de potes au casting comme le souligne le réalisateur lors de sa petite intervention avant la projection du film que j'ai eu l'honneur de voir en avant première. Dans la même lignée, Anne Dorval sera de la partie dans le rôle de la mère, comme par hasard, pour notre plus grand plaisir même si on a énormément de mal à rattacher son personnage à l'histoire.


Et ce ne serait pas un film Dolanien si cela ne touchait pas de près ou de loin la thématique de l'homosexualité, peu importe ce qu'en dira le principal intéressé et le buzz qu'il peut faire en refusant la queer palm ;-)


Le synopsis tient sur un bout de papier: 2 amis d'enfance s'embrassent pour les besoins d'un film. Leur relation s'en verra complètement chamboulée.


C'est sur ce matériau qu'un de mes réalisateurs préférés pourra s'amuser, façonner et jouer de tous ses effets: cadrages, jeux de couleurs, plans somptueux, décors méticuleusement mis en place, dialogues en québecois parfois incompréhensibles (merci les sous-titres crisse de tabarnak!!), grands moments d'éclats, moments de crises, sans oublier l'habituelle bande son toujours en contraste classique/pop. Pour ma part, j'ai découvert un côté humoristique que je n'avais pas vu jusqu'ici dans sa filmographie et ce n'était pas pour me déplaire. Son génie peut donc s'étendre jusque là.


Le rythme imprimé dans le film est très inégal, à l'image des coupures brutales qui nous font basculer d'une scène à une autre sans prévenir, peut-être un peu too much parfois. Ceci dit, il représente parfaitement le processus qu'on suit dès lors que Matthias a embrassé Maxime. On sent que le combat interne fait rage dans la tête du protagoniste concerné et qu'il est d'une violence comparable à celle de Tom à la ferme, ne parvenant à être verbalisé. Dolan saura mettre des images sur cette situation qui se passe de mots, l'apothéose en étant cette baignade matinale effrénée dans le lac. Il semblerait que le film soit parfaitement respectueux de cette prise de conscience, à l'image de son Laurence Anyways pour le plus grand plaisir de la salle.
Il semble dès lors encore plus difficile de s'avouer les choses que de les avouer à ses proches. Le suspense est d'ailleurs à son comble puisque pour rappel, tout n'est pas toujours résolu à la fin d'un Dolan et parfois il faut attendre Juste la fin du monde...


Le cadencement infernal de l'histoire alterne entre Matthias et Maxime, la joyeuse bande de potes qui se retrouvent pour faire la fête, la petite amie, le travail de l'un et l'ambiance lourde de la maison maternelle de l'autre mais aussi dans les périodes de réflexion, de malaise aux moments de questionnement, de gène et de fougue.


Chaque situation est parfaitement maitrisée. On se sent intégrés dans le groupe et dans les différentes scènes. On se sent transporter dans la course aquatique folle, on se sent tiraillé dans la vie de tous les jours, on se sent concerné par le jeu de regards dans le bus, on se sent bestiaux dans la dépendance. En résumé ce film est d'un réalisme inouïe et nous prend à part entière dans l'histoire qu'il raconte.


Cependant, je regrette le découpage qui mériterait de trancher un peu plus dans le vif certains passages qui rendent le film un tantinet trop long et altère sa portée. Il y a des moments too much parfois difficilement supportable et lourd: le verbiage de la petite sœur, sa mère et ses copines exubérantes, même si leur rôle a pour objectif de souligner certains décalages.
Le director's cut reste un problème majeur dans les derniers (trop) longs-métrages du réalisateur... parfois au point de couper intégralement une actrice au montage comme dans Ma vie avec John.F.Donovan. Le hic, c'est que c'est la seule chose qu'il nous reste à nous cinéphiles!


En conclusion, j'y ai passé un très bon moment, pas aussi intense que pour ses précédents films cela dit.
Je regrette J'ai tué ma mère, Les Amours Imaginaires, ou encore Mommy. Sa notoriété fait que j'attends du grandiose. Peut-être le bloque-t-elle également? Dolan saura-t-il a nouveau égaler Dolan un jour? Voire le surpasser? A-t-il démarré trop tôt, trop fort? En attend-on trop de lui aujourd'hui? Saura-t-il transcender son genre?


A suivre...

Créée

le 10 oct. 2019

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9 j'aime

Alienure

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