Fred Cavayé, roi du film d'action à la française

Si vous deviez dire le titre d’un film d’action français, vous penserez aussitôt à un produit de chez EuropaCorp (la société de production de Luc Besson). Notamment au Transporteur, à Taken, Banlieue 13 et consorts. Pourtant, bien loin de ces divertissements calibrés tels des longs-métrages hollywoodiens, qui sont parvenus à lancer la carrière de bien des réalisateurs chez l’oncle Sam (dont Louis Leterrier), nous pouvons compter sur Fred Cavayé. Cinéaste qui a su donner chez nous ses lettres de noblesse au cinéma d’action via Pour elle et À bout portant. Au point que le bonhomme intéresse les Américains : un remake de Pour elle avec Russell Crowe (Les trois prochains jours). Cette année, Cavayé continue sur sa lancée en nous livrant sa troisième réalisation (qui attise déjà l’œil outre-Atlantique), Mea Culpa, qui n’a rien à envier à ses prédécesseurs.

Ou peut-être un peu, si, du côté du scénario. En ayant démarré par Pour elle, le cinéaste faisait preuve d’un réel travail d’écriture, ponctué par une dernière partie vive d’esprit. À bout portant était déjà plus musclé (au moins 1h10 d’action non-stop) et possédant moins d’envolées scénaristiques (un aide-soignant fuyant la police et aidant un criminel). Avec Mea Culpa, Cavayé confirme son penchant pour l’action, en nous livrant un scénario plutôt basique. Mais attention : basique ne veux pas dire inintéressant. Car, contrairement à À bout portant, Mea Culpa démarre calmement. Permettant ainsi de nous familiariser avec les personnages et de s’attacher à eux. Cela par le biais de scènes plutôt intimistes mais aussi par des flashes-back qui tentent de nous éclairer sur la raison de la déprime du personnage principal. Permettant ainsi de donner bien plus d’ampleur à cette histoire d’amitié (entre deux flics qui se connaissent depuis longtemps) que le film met en avant, et ce jusqu’à la toute dernière scène. Offrant par moment à Mea Culpa des airs de buddy movie, bâti sur une histoire originale d’Olivier Marchal (réalisateur de 36 Quai des Orfèvres, MR 73 et Les Lyonnais). Certes, il y a bien par moments des facilités scénaristiques évitables pourtant présentes (le fait que la femme du héros revienne vers lui aussi rapidement), des répliques assez simplistes et des points d’ombre jamais révélées (le but des méchants de l’histoire, par exemple). Mais une fois passé la première partie du film, ces défauts sont vite oubliés.

Dès que le fameux gosse assiste à la scène de crime, le film démarre aussi sec, sans jamais s’arrêter (juste quelques instants, histoire que nous puissions reprendre notre souffle). Enchaînant les poursuites, combats au corps-à-corps et fusillades avec une énergie aussi folle que pour À bout portant et la fin de Pour elle. Comme pour ces deux films, Mea Culpa se révèle être d’une efficacité redoutable, livrant des séquences d’action véritablement palpitantes et superbement filmées/montées. Pour s’en assurer, il n’y a qu’à voir la séquence du TGV. Modèle d’exemple pour tous les films du genre, surtout pour les longs-métrages estampillés EuropaCorp. Pour dire, à aucun moment nous n’avons l’impression de voir un divertissement made in France, mais bien un film hollywoodien au budget conséquent.

En parlant de mise en scène, pour Mea Culpa, Fred Cavayé ne se limite pas qu’à titiller notre adrénaline mais également à instaurer une ambiance. Contre toute attente, notre cinéaste national y parvient en installant une atmosphère sombre et pesante, à la manière subtile d’un Michael Mann (Heat, Révélations, Collatéral), enjolivée par la musique de Cliff Martinez (Drive). Poussant le concept avec une boite de nuit lors d’une séquence, occasion rêvée pour se permettre quelques jeux de lumière bien placés. Cavayé se permet même de s’en amuser, en commençant son film sur un plan où une voiture bouge, sur un parking désert, une fille collée contre la vitre embuée. Laissant de ce fait notre esprit mal placé imaginer des tas de choses alors que c’est en réalité un combat qui se déroule dans le véhicule en question. Ainsi, Mea Culpa, en plus d’être un film d’action efficace, se présente également à nous tel un long-métrage assez esthétique.

Et n’oublions pas la prestation des acteurs, qui vaut largement le détour. Pour Mea Culpa, Fred Cavayé a eu la merveilleuse idée de réunir les acteurs principaux de ces films précédents, à savoir Vincent Lindon (Pour elle) et Gilles Lellouche (À bout portant). Ces deux comédiens forment un duo quasi parfait, notamment un Lindon qui, même s’il n’a plus rien à prouver, nous bluffe une fois de plus par son jeu d’acteur électrisant. Surpassant sans mal tous ses petits camarades pourtant bons. Que ce soit Lellouche (qui semble bien plus à l’aise avec Cavayé que dans les autres films « sérieux ») ou bien les seconds rôles telle que Nadine Labaki.

Fred Cavayé aura tout compris au cinéma d’action : efficacité rimant avec des personnages existants via une histoire véritablement prenante, auxquels on s’attache facilement. Le tout en une heure et demie. Comme quoi, pas besoin de rallonger la durée d’un divertissement, au risque de le meubler avec des séquences inutiles. Chose que ne semblent comprendre les producteurs de nos jours, qui préfèrent nous en mettre plein la vue (surdose d’effets visuels) plutôt de nous essouffler autant que les protagonistes. Besson et ses poulains peuvent aller se rhabiller, Fred Cavayé est décidément l’homme de la situation.

Créée

le 9 févr. 2014

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