Se dégage du nouveau film de Thomas Lilti deux sentiments un peu complémentaires et pourtant, dans les faits, légèrement contradictoires. Tout d’abord celui d’une grande humanité qui traverse tout autant le récit que chacun des nombreux personnages. Grâce à des portraits quasi documentaires (l’interprétation des acteurs est donc si forte qu’elle semble justement ne pas en être une) et à des séquences, tout aussi touchantes que pertinentes, de visites médicales, le réalisateur tisse en filigrane de son film le portrait aimant et fort d’une France trop oubliée et reculée. En filmant les corps comme le médecin qu’il était, il offre un point de vue à la fois intime et pudique sur les soins, n’entrant jamais dans le grossier et le dégueulasse. Cette humanité est mise au premier plan par l’interprétation juste et droite d’un François Cluzet qui donne à tous l’impression d’incarner son propre médecin. La jeune femme qui l’accompagne, si on a au départ beaucoup de mal avec elle, s’avère petit à petit plaisante et l’interprétation de la comédienne qui l’incarne se fait de plus en plus juste (la comédienne se révèle petit à petit à nous comme se révèle petit à petit son personnage à celui de Cluzet). 
Mais cette humanité, douce et touchante, s’accompagne d’un optimisme trop prononcé qui donne à son film une trop faible crédibilité. L’ambition est en effet honorable et précieuse ; parler aussi justement des médecins de campagne, peu l’on fait. Et peu l’ont aussi bien fait. Mais le réalisateur semble, pour maintenir son film dans le domaine fictionnel et lui faire fuir un aspect documentaire (qui aurait peut-être été plus à propos), se forcer à trouver une intrigue obligée qui cède sous le poids des facilités et accompagne quelque peu l’ensemble dans sa chute. Certes Lilti nous épargne la fameuse scène d’émotion et de surprise face à l’annonce du cancer du héros, et préfère, à juste titre, lancer directement son film avec cette scène. Mais les suites de cette intrigue inutile et gratuite sont d’autant plus ratées qu’elles font verser le film dans un niais assez malvenu qu’un final inexpliqué et trop simple révèle radicalement. On est donc déçu tant le film, malgré une stylisation inexistante et une image et une musique laides, rate sa partie fictionnelle qui ne parvient heureusement pas à faire oublier la justesse dont il faisait preuve quant au constat humain et social de la campagne française.

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le 5 mars 2016

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Charles Dubois

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