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Francis F Coppola, jusqu'à quand as-tu abuser de notre patience ?

« Comment meurs un empire ? »

C’est par cette interrogation que s’ouvre Mégalopolis de France Ford Coppola. Une question que le réalisateur de quelques chefs d’œuvre reconnu (Le Parrain, Apocalyspe Now, Dracula) et de quelques chefs d’œuvre moins reconnu (Peggy Sue s’est mariée, Tetro) commence un film qu’il a germé depuis presque quarante ans. Depuis donc quatre décennies, Francis For Coppola cherche la réponse à cette question, il pense la trouver dans Mégalopolis. Un film monde pour dépeindre sa vision de ce qu’est devenu son pays, de ce qu’est devenu la civilisation moderne et comment la guérir. Car la quête de Coppola est la même que celle de son héros, César Catilina, Coppola et Catilina partage un même caractère, une même vision, un même projet car l’un et l’autre sont des artistes. Mégalopolis est donc avant tout un film intra-réflexif sur sa propre condition de réalisateur, d’artiste et de créateur donc. Coppola a une réputation à part à Hollywood, c’est ainsi que depuis plus de cinquante ans, on le dit maniaque, mégalomane, incontrôlable. Voilà pourquoi la carrière de Coppola pourtant jalonner d’immenses succès et aussi celle de nombreux échecs. Le public l’aime et le déteste, les producteurs et les majors d’Hollywood se sont toujours méfié, défié de lui. La solution qu’il a trouvée était de se s’auto-produire, déjà dans les années 90, part une partie de sa fortune qu’il doit à ses vignobles lui permettant de réaliser L’homme sans âge, Tetro et Twixt.

Francis Ford Coppola est un cas unique dans le système ultra-contrôlé qu’est Hollywood. Petit génie de la caméra, survivant d’une polio dans son enfance, conspué par ses parents pour sa « laideur », Coppola est depuis toujours à la recherche d’une forme de beauté absolue. Sa formation, il l’a passé au théâtre, il se plait d’abord à jouer la comédie et se découvre metteur en scène. De tout les réalisateurs actuel, Coppola est le lus théâtral, le plus extravagant, le plus total, le plus mégalomane, des qualités indispensables à tout metteur en scène de théâtre. Le Parrain sonne d’abord comme une anomalie, film classique, trop classique. Comment ce jeune réalisateur peut il arriver à un tel niveau ? Tel Orson Welles qui réalise son Citizen Kane a 27 ans, Coppola réalise avec Le Parrain un miracle qui va ressusciter une industrie entière et mettre au sommet un acteur conspué comme Marlon Brando ou un jeune inconnue Al Pacino. Si avec Le Parrain il touche déjà les étoiles de la perfection, semblable au Guépard de Visconti ou Lawrence d’Arabie de David Lean, les années 70 ont été faste pour Coppola, il enchaine avec trois chefs d’œuvre, Le Parrain II, Conversation secrète qui lui vaut la Palme d’Or et Apocalypse Now, encore une Palme d’Or. Coppola s’impose comme un grand metteur en scène, mais tout de suite son gout du monumental, du baroque, de la théâtralité est remarqué tant elle empreigne Apocalypse Now, film fou complétement démesuré. Comme l’est son projet Megalopolis, qui n’est pas encore ce qui deviendra son obsession.

Il y a quarante ans, Coppola avait fait un rêve et décide de le retranscrire en une histoire qui deviendra un scénario. Dans un New York futuriste, un architecte fou et un maire conservateur se font la guerre. Pour ses personnages il s’inspire d’un célèbre épisode de la fin de l’histoire de la République romaine, la conjuration de Catilina et il décide également que son film parlera non seulement d’amour et de création mais de l’Amérique. Rien que ça.

Ainsi est né Megalopolis, dans les années 90 il n’est pas son projet prioritaire, Dracula lui demande beaucoup et il réalise tout au long de la décennie des films de commande. Mais à la fin du millénaire, il sent que c’est le bon moment. La production du monumental projet de Coppola est lancé, il a la chance de se rendre compte que le genre péplum est repasser de mode, on parle déjà de Gladiator et Michael Mann prépare en secret une adaptation de la guerre des Thermopyles, avant qu’il soit abandonné et ne devienne finalement 300 de Zack Snyder. Coppola trouve ses acteurs, Russell Crowe, Nicolas Cage sont de la partie. Tout est bien partie et puis…le 11 septembre 2001 l’Amérique est attaquée, blessé dans son orgueil, plus personne ne veut entendre parler d’un New York dévasté en attente d’être transformer en utopie. Dans les prochaines années, l’émergence des super-héros accompagne le besoin de guérison psychologue de l’Amérique, tout en menant à l’extérieur une nouvelle guerre au Moyen-Orient.

Stanley Kubrick ne réalisera jamais son Napoléon, David Lean n’adaptera jamais Nostromo, Sergio Leone ne fera jamais Leningrad, Orson Welles abandonnera Don Quichotte et Luchino Visconti délaisse A la recherche du temps perdu. Certains de renoncerons jamais avant de se faire une raison tel Alejandro Jodorowsky et son Dune ou encore Terry Gilliam et son adaptation personnel de Don Quichotte de la Mancha.


Seul reste les dessins prévus pour le film, un premier pitch intrigant et une légende dans le milieu et un exemple de l’œuvre qui échappe au contrôle de son réalisateur et de l’actualité. Un film sacrifié qui donnera de nombreux enfants. Coppola reprend tout de même le gout de reprendre la réalisation, il ne réalise rien pendant dix ans avant L’homme sans âge en 2007, puis Tetro en 2009 et Twixt en 2011. Puis il y a trois ans, Coppola annonce à la surprise qu’il financera lui-même la production de Megalopolis et le réalisera déjà avec Adam Driver. Le projet est lancé, il est présenté pour la première fois au Festival de Cannes de 2024 en compétition officielle pour la Palme d’Or. Il est temps maintenant d’évoquer le film lui-même, tel qu’il est fait aujourd’hui après trente ans de gestation.


Au début du troisième millénaire, la grande cité de New Rome existe pour être le modèle de la Rome antique, Coppola rappelle ici comment s’est forgé la République américaine. New York doit beaucoup de son architecture et la république américaine à l’organisation politique de Rome. Dans Megalopolis, New Roma a gardé les coutumes antiques dans un monde a cheval entre notre contemporanéité et le futur. De gigantesque statues parcours la ville, un colissé est au cœur de la cité. Les fortunés sont vêtue de costume associé aux toges de l’antiquité, les dames portent les coiffures des vestales et des sandales dignes des péplums des années 50.

Dans cette cité, règne trois hommes : L’architecte fou César Catilina interprété par Adam Driver, veut détruire des pans entiers de la ville pour bâtir une utopie appelé Mégalopolis du nom d’un nouvel élément qu’il a inventé, le megalon, un matériau miracle presque magique pour lequel il a obtenu le prix Nobel.

Franklyn Cicero interprété par Giancarlo Esposito (bonne performance) est le maire de New Rome, ancien procureur qui voue une haine terrible à Catilina. Homme ultra-conservateur, il est critiqué pour avoir provoqué la ruine de la ville et dont le seul horizon politique semble la construction de casinos pour le peuple.

Et enfin, le banquier Crassus. L’homme le plus riche de la ville, probablement du monde. C’est lui le véritable maitre des marionnettes, il est l’oncle de César pour qui il a une tendre affection. Contrairement à son petit-fils, le terrible et décadent Clodio (Shia Labeouf) qui voue jalousie et haine pour son cousin César. Il est prêt à tout pour provoquer sa chute. La rumeur prétend que Clodio est inceste avec ses trois sœurs, ce qui déplait fortement à son grand père Crassus.

Autour de nos personnages gravitent, des parasites tel la jet-seteuse Wow Platinum (Aubrey Plaza) ou encore l’énigmatique Nush (Dustin Hoffmann). César lui peut compter sur son meilleur ami et valet Laurence Fishburne et sur une rencontre inattendue, celle avec la fille de Cicero, Julia interprétée par la magnifique Nathalie Emmanuelle. Envoutant César, autant qu’elle est envoutée par lui, elle semble être la seule à défier les pouvoirs de César et lui donner l’inspiration nécessaire à terminer son utopie.

Pour rester sur la métaphore antique, Coppola reprend directement deux grandes figures de la fin de la République romaine, Cicéron et Catilina. La célèbre conjuration de Catilina qui fut un échec bascula l’ancienne République dans la tourmente, jusqu’à en provoquer la chute, l’avènement de Jules César et celle de l’Empire. Pour Coppola, l’Histoire et l’histoire doivent ne faire plus qu’une afin de compléter le tableau qui représente Megalopolis. Ainsi, de la bouche même du maire Cicero sortent les fameux mots du sénateur Cicéron à l’encontre de Catilina « Jusque à quand, Catilina, abuseras-tu, enfin, de notre patience ? » reprise littéralement au cours du film par Giancarlo Esposito pour dénoncer Adam Driver. A coup de « alea jacta es » ou de citations de Marc-Aurèle, la Rome antique est partout dans Megalopolis. En outre, Coppola va plus loin encore en donnant à ses personnages des répliques de William Shakespeare, Rousseau et Goethe.

Qu’est-ce que c’est concrètement Megalopolis ? Un film plus baroque encore et kitsch que Dracula, oui assurément. Plus grandiose, décadent et malade qu’Apocalypse Now, aussi déjanté et bizarre que Peggy Sue s’est mariée et Twixt, oui totalement. Megalopolis est une pièce de théâtre, mi tragique, mi comique filmé sur une grande scène qui sert de pellicule à Coppola. Tel le dieu Janus, c’est un film a deux visages, mi-chef d’œuvre mi-nanar, mi-tragique mi-comique, mi-beaux mi laid. J’ai aimé Megalopolis, profondément, mais un plaisir purement esthétique. Comme si seul l’idée était bonne mais pas le rendu final. Megalopolis restera pour toujours, une grande frustration.


Mais le monumental projet de Coppola ne porte pas seulement sur sa métaphore de Rome et de l’Amérique, en fait, cet aspect est essentiellement décoratif voir cosmétique. Le véritable point central du film se focalise ailleurs, sur le sujet du temps et de l’utopie. Comment l’homme est capable de dépasser sa condition, de faire face aux barrages qui le menace pour conduire contre vent et marré son intention de créer. Car c’est là, tout le propos du film mais également la véritable intention de Coppola, faire un grand traité sur l’acte de création et pour lui, créer c’est pour un art vouloir bâtir une utopie.

Le temps est un grand sujet en lui-même, il a permis des chefs d’œuvre littéraire, à l’instar de La Recherche de Proust. C’est aussi un vaste qui on le comprend aisément fascine tout autant le cinéma. Il n’existe pas de meilleur support pour parler du temps que le seul art capable de traiter de la question dans toute ses dimensions. Car le cinéma est un art absolu qui met en scène le temps et l’espace. Flash-back et flash-forward font partis de la grammaire cinématographique, l’un pour passer du présent au passé et l’autre pour passer du présent au futur. Toute la magie du cinéma repose sur un travail perpétuel du temps, en cela les grands magiciens sont les monteurs, on le sait dans la technique. Mais dans la narration c’est encore plus prenant que c’est par la mise en scène que le réalisateur peut décider de stopper le temps ou le rembobiner. A l’instar des multiples retournements du temps dans Tenet de Christopher Nolan ou le bullet time dans Matrix des sœurs Wachowski. Être le maitre du temps est un privilège des artistes et surtout le pouvoir absolu et exclusif du cinéma.


Dans Megalopolis, César Catilina est le maitre du temps. Capable de le stopper, de le suspendre et de lui rendre son cours normal. Ce pouvoir ne sera expliqué, il est l’objet de l’ouverture du film avant l’apparition du titre, le sujet du film sera donc le temps. C’est du moins, son principal sujet, car de nombreux autres thèmes vont apparaitre, au risque de l’indigestion dès le début du film. L’utopie de César, sa relation d’amour naissant avec la fille du maire Cicero, sa profonde rivalité avec Cicero, la mort suspecte de l’ex-épouse de César, la montée en puissance d’un populiste virant au fasciste en la personne de Clodio, l’ascension de l’animatrice télé Wow Platinum, la décrépitude de la ville de New Rome, l’insalubrité, la violence, la décadence, la ruine. Autant de sujet dans un seul et même long-métrage, cela fait beaucoup. Coppola apportera des réponses et des conclusions à certains d’entre eux et d’autre resteront des mystères, c’est le cas des pouvoirs de César. Donc de cette question du temps, qui obsède tous les personnages, le banquier Crassus, véritable maitre de la ville et du monde est obsédé par son désir de rester à la postérité, donc d’être immortel. César lui aussi partage cette obsession narcissique de laisser une trace, ce sera son utopie Megalopolis, alors qu’il sera déjà triplement immortel dans la postérité de l’humanité, comme le rappel Clodio, César est devenu célèbre pour avoir inventer le megalon, il est devenu un martyr après son assassinat, il est devenu un dieu après sa résurrection. Affaire de temps.


Il existe peu d’utopie au cinéma, le genre de science-fiction à fait la part belle aux destinés terrible qui attendent l’humanité, fin du monde, guerre nucléaire, hiver éternel, dérèglement climatique, politique tyrannique, humanité renversée par des machines, extinction de masse, retour à la vie primitive, décadence et régression sont des sujets bien trop souvent mis en image au cinéma. Les exemples, on peut on citer des centaines. Mais qu’en est-il de l’utopie ? L’exact inverse de la dystopie. En littérature, Asimov se prête à l’exercice dans son cycle Fondation, Thomas Mann bien sur en tire une célèbre Utopia. Mais au cinéma ? Les exemples sont rares, même le monument qu’est Metropolis de Fritz Lang, se rêve comme une utopie mais se révèle au contraire une monstrueuse machine à broyer les hommes. La plupart de ces films dystopiques propose à la fin une utopie, mais par définition nous ne verrons jamais cette utopie en action (Métropolis, Matrix Révolution, Blade Runner…) se sont des promesses mais rien de plus. Coppola va beaucoup plus loin et prend le parti de terminer son film en fanfare, en établissant concrètement l’utopie de César, le film se terminant sur l’inauguration de Megalopolis. C’est donc là encore, une promesse, c’est vrai. Mais pour la première fois, nous avons été témoin de son édification, de son élaboration et comment cette nouvelle utopie résonnent pour ceux qui doivent en bénéficier en premier lieu, les gens du peuple.

C’est donc là encore, un aspect de l’optimisme de Coppola. Alors que le peuple semble basculer dans le fascisme le plus absolue causé par les complots de Clodio. Le peuple décide de ne plus écouter les populistes et de se rendre dans l’utopie de Catilina. Cet optimisme de l’auteur était déjà apparent dans ses interviews, très critique sur son pays en particulier dans cet instant des élections présidentiel. Coppola donne malgré tout la place pour les deux mondes, les deux visions, ce n’est pas un hasard s’il confie à Jon Voigt, fervent soutient de Donald Trump le rôle surprenant de Crassus. Pour Coppola, chacun à la place de donner son avis, de vouloir créer son propre espace politique, c’est la définition même de la République. Car en définitive, Coppola fait le choix de faire confiance à l’intelligence des peuples. La réalité ayant souvent démontrer que des images et de la propagande (des pains et des jeux) cela ne suffit pas pour endormir la masse des peuples. De là à dire que Megalopolis est une utopie socialiste, et bien c’est effectivement le cas.


Megalopolis, est bien sûr un film de mégalomane (comme mégalon). Coppola se méfie des prédicateurs, des menteurs, des manipulateurs, ils ont nombreux dans le film et ne finisse pas très bien. Ce qui est intéressant en revanche c’est comment il dépeint son personnage principal, César Catilina est un architecte, figure presque mythique de la création même, pour Coppola il n’y a pas de différence entre archicube et cinéma. Il reprend à son compte la phrase de Goethe « L’architecture, c’est la musique figé », en ce sens il ne manque à l’architecture que le mouvement, pour le reste elle a déjà l’immortalité. Le cinéma peut rendre à l’architecture le mouvement, tout d’un coup ce n’est plus un art figé, la musique se fait vivante et cela est rendu possible par le précieux mégalon de Catilina.

Catilina devenu figure christique, démiurge absolue de sa propre utopie. Coppola prend sciemment le risque de ne dévoiler ce qu’il adviendra de ses personnages, mais comme le dit plus tôt dans le film Cicéro, l’utopie est destinée à toujours devenir une dystopie, son inverse. La figure de Catilina n’est pas rassurante sur ce point, son discours final dans lequel il inaugure un temps de bienveillance et de fin des violences est un exemple frappant de la puissance évocatrice de la mise en scène du pouvoir par Catilina. Coppola reprend ici des mises en scène déjà vu, celle de Leni Riefenstahl lorsqu’elle filme Adolf Hitler (Le triomphe de la volonté). La mise en scène de cet instant est conforme aux normes de la propagande politique, ce que l’on appelle maintenant communication. César passe ainsi d’une figure d’artiste à celle d’influenceur. Coppola laisse donc à son film une fin plus ouverte que prévu, quand bien même le happy end à la Disney est présent.

Sur la technique, le film demeure irréprochable, Coppola sait toujours aussi bien placer sa caméra et composer un plan. On n’en attend pas moins. Sa longueur de deux heures passe vite, aucune longueur. On peut regretter certains points, notamment la musique de l’argentin Oswaldo Golijov, déjà à la manœuvre dans les trois derniers films de Coppola. Ainsi que certains effets visuels, il faut le dire d’une profonde laideur. Heureusement, cela passe et disparait. Quand au scénario, si la séquence du Colisée est trois fois trop longue, son moment a propos d’une starlette de la chanson façon Taylor Swift passe assez mal, on ne comprend pas où Coppola voulait en venir avec ce personnage et cette sous-intrigue, d’ailleurs cela ne va nulle part au final. La plus grande déception (plutôt la surprise) sera la fin, vite expédiée et vite oubliée, peut-être parce qu’on aurait voulu que cela dure encore quelques heures de plus (pour moi en tout cas). C’est du moins, ce qu’il aurait fallu pour terminer convenablement certaines intrigues, certains personnages ou il aurait fallu carrément les couper au montage (Vestale en est un exemple, mais aussi les autres personnages totalement sans intérêt et presque sans dialogues comme Dustin Hoffmann ou Jason Schwartzman).


Le film ressemble à deux œuvres qu’il convient de nommer comme classique du Péplum. La chute de l’empire romain d’Anthony Mann et Titus de julie Taymor. L’un pour sa grandiloquence, tant dans les dialogues que les énormes moyens mis par Hollywood dans cette fresque cinématographique aux 20 000 figurants. Longtemps resté l’un des films les plus chers de l’Histoire, La chute de l’empire romain raconte les derniers instants du règne de l’empereur Marc-Aurèle, empoisonner il est remplacé par son fils Commode. Mégalomane fou et irresponsable qui conduit à la chute de la fin de l’âge d’or de Rome. Grande fresque romantique, parade des plus beaux costumes, le film n’est que l’ombre de l’immense chef d’œuvre Ben-Hur sorti plus tôt. On retrouve dans le film de Coppola cette grande ambition de réaliser un ultime péplum, grandiose et décadent, aux dialogues certes pompeux mais emprunt d’une certaine poésie, presque tragique mais totalement théâtrale. Car Megalopolis est peut-être autre chose qu’un film de cinéma mais un film de théâtre ou d’opéra. La preuve que ce qu’il manque au dernier film de Coppola c’est un producteur qui lui montre la ligne à suivre. Une chose qui a toujours échapper à Coppola, tel son maitre Stanley Kubrick qui s’était affranchi des barrières des contrats avec les majors et profitant d’un contrat unique avec la Warner. Coppola tente le même coup, en reposant cette fois toute sa fortune pour faire ses films, sans aucun studio pour l’embêter. Cela est sans aucun doute l’un des grands défauts de Megalopolis. Même si, ce coté foutraque et même bordélique fait bien sur toute l’authenticité du film, son unicité et son intérêt au final. On perd cependant en lisibilité scénaristique et surtout au montage.

Au début du XXème siècle, c’est un film totalement théâtral, assumé comme tel qui ressemble trait pour trait à Megalopolis, ou est-ce l’inverse ? Le film de Julie Taymor qui réaliser plus tard un biopic remarqué et remarquable sur Frida Kahlo, est un pur moment de théâtre filmé. Adaptation de la moins aimé, la moins connu, la plus nulle ? des œuvres de Shakespeare, Titus Andronicus. A Rome, un général rentre en triomphe au même moment ou meurs l’empereur, le général Titus peux prendre le trône d’un seul geste mais il laisse le pouvoir au fils de l’empereur décédé, Saturninus. Le nouvel empereur trahie Titus en épousant sa prisonnière la Reine des Goth, devenue impératrice vengeresse, elle n’a de cesse de comploter pour faire tomber Titus, dans la folie et dans la disgrâce.


Titus tel Megalopolis est autant un échec qu’un objet curieux à voir et revoir. Qui a chaque visionnage se laisse découvrir par d’autres aspect et finalement apprécier. Que ce soit l’emphase sur le jeu des acteurs, nous sommes en plein théâtre filmé, les costumes mélange de passé et de présent, grandiose de la mise en scène, tragique de l’histoire et surtout expérimentation visuelle (surimpression héritée du muet notamment, toujours très présente dans le cinéma de Coppola). Ainsi le plus remarquable dans le film de Taymor sont les expérimentations, durant les hallucinations de Titus. Les effets de superposition des images qui empruntent au cinéma primitif. Folie et démesure, tout dans Megalopolis rappelle cet échec, parfois qualifié d’incident industriel qu’est Titus. Il y a ainsi, autant à apprécier dans l’un que dans l’autre. Et Titus n’est pas si différent de Catilina, le général et l’architecte exercent un pouvoir démesuré contre des forces en apparences invisible. Et comme pour l’un et pour l’autre, Rome ne peut être dissocié du fascisme, Taymor filmant littéralement dans les anciens espaces conçut par Mussolini et Megalopolis traitant de cette montée fascisante de Trump qui étend son emprise sur la ville de New York depuis les années 80 jusqu’à la prise du Capitole, presque retraduite littéralement dans le film de Coppola.


Que restera-t-il de Megalopolis ? Les polémiques sur ses conditions de tournages ? Son statut de film légendaire qui aurait dû rester au fond d’un tiroir ? Un superbe ou total navet ou un film testamentaire tellement libre qu’il est totalement génial ? Qu’il soit voué à l’oubli ou à devenir culte, c’est un film qui ne laisse personne indifférent, un film qu’il est impossible de résumer, de vouloir analyser a moins de prendre les quarante prochaines années, on ne peut dire avec assurance (sinon suffisance) qu’il est trop bon ou trop nul. Coppola a essayé, il l’a fait, maintenant il est là. Et la seule certitude qu’il faudra encore plusieurs décennies pour le décrypter totalement et l’aimer comme il le mérite, c’est ça la force du cinéma, il est à la fois musique figé et musique en mouvement, éternel et périssable.


Mastagli_Alexandre
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Créée

le 27 mai 2025

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