Joon-Ho Bong fait partie de ces réalisateurs qui ne cessent de nous surprendre. Le cinéma asiatique, bien qu'il soit la plupart du temps médiocre, recèle de perles qui méritent d'être vues. "Memories of Murder" est l'une d'entre elles.
Polar classique, donc, que ce film à l'ambiance à priori niaise & décalée. On ressent au début du film de grandes maladresses, un film sombrement raté, comique & déluré, mais sans faire rire pour autant. Deux policiers enquêtant sur les viols & meurtres inquiétants de femmes ordinaires, sans lien précis entre elles. La thèse du serial-killer est exposée par les faits & la manière de procéder, toutefois le manque d'indices empêche de mener vers des preuves concrètes. S'en suivent alors des doutes, de fausses pistes, des illusions & des fautes professionnelles. & c'est dès le moment où le premier suspect (qui est un attardé mental) apparaît que le film fait réellement ses preuves. On se rend alors compte qu'il ne s'agit non pas d'un simple film à l'humour noir, mais d'une oeuvre que l'on pourrait qualifier d'historique : on dénonce ici les façons de faire de la police coréenne des années 80, dans les patelins paumés. De la violence donc, des présomptions de culpabilité (au hasard, soit dit en passant), de la torture morale & des erreurs.
Malgré les dégâts infligés, la police garde ici tous ses droits, & règne donc en maîtresse. Cependant, on sent l'arrivée de l'enquête moderne (inspecteur débarquant de Séoul, où les procédures sont plus ancrées dans le système américain -analyses ADN, etc-, médias qui s'impliquent dans l'affaire & remettent en cause les défaillances de la police coréenne).
De fil en aiguille, les rebondissements y vont bon train, jusqu'à ce que l'on arrive à un point de non-retour...
Un film classique, mais ambigu, qui montre des faits réels, comme l'incapacité policière, ou le succès d'un meurtrier.
Ce que j'y note, ce sont les performances d'acteur de Song Kang-Ho (excellent acteur remarqué dans des films comme le touchant "Joint Security Area", l'impressionnant "The Host" ou le bouleversant "Sympathy for Mr Vengeance"), & de Kim Sang Kyung ; les plans séquence qui sont absolument magnifiques ; les contrastes entre les paysages crépusculaires des champs coréens & les forêts pluvieuses de la nuit ; les gros plans sur les yeux des acteurs (thème cher, que le regard, dans ce film).
Sadique, dérangeant, & surtout frustrant (cf la fin), "Memories of Murder" est donc un incontournable du cinéma asiatique.
Une réussite.