Le dernier film de Jason Reitman, le fils du talentueux Ivan Reitman, papa des « Ghostbuster », nous avait jusqu’à aujourd’hui servi quelques gentilles comédies telles que « Juno », « Thank you for smoking », « In the air » mais aussi les très dispensables « Young Adult » et « Last days of summer ». Mais ici, il fait très fort en nous livrant probablement un des pires films de cette fin d’année tant le plantage est énorme.

Son « Men, Women & Children » au titre évocateur, se veut être une grande et profonde réflexion sur l’état de notre société actuelle. Et montre de quelle façon les nouvelles technologies de communication conçues initialement pour rapprocher les gens entre eux ne les ont au final que plus renfermés sur eux-mêmes. Le film ressemble à ces spots de prévention de la fin des années 90, début 2000 dans lesquels nous étaient expliqués les dangers d’internet, du téléchargement illégal, des jeux vidéos, de l’usage abusif des téléphones portables. Sauf qu’ici Reitman nous en livre une version de deux heures où il mélange tout à travers quelque chose qui se veut choral, où l’on passe d’un personnage à un autre, sans jamais prendre réellement le temps de s’intéresser à aucun d’entre eux.

Le film se déroule dans une petite ville du Texas où l’on suit le quotidien d’étudiants d’un lycée et leurs parents respectifs dont les vies sont régies par l’usage qu’ils font d’internet et des téléphones portables. Donny interprété par Adam Sandler, est un père de famille ordinaire dont le mariage bat de l’aile et qui se réfugie de temps à autre dans la chambre de son fils afin de regarder du porno sur son ordinateur. Tenté par quelque chose de plus « vrai » il va faire appel aux services d’escort-girl. Dans le même désarroi sa femme fera de même en tenant des relations avec des hommes rencontrés via un site de rencontre. Leur fils dont la sexualité est chamboulée à cause de sa trop grande consommation de porno aura bien du mal lors de la première fois avec sa copine, pom-pom girl de son équipe de football. Qui quant à elle, aspire à une carrière d’actrice, et pour se faire s’inscrit à un concours afin de passer à la télé. En parallèle, sa mère, non-actrice dont la carrière n’a jamais décollé après s’être faite avoir par un photographe pervers à ses vingt ans, tient un site de photos de sa fille, qu’elle alimente de temps à autre de clichés un peu plus érotiques qu’à l’accoutumé. Cette gentille maman totalement perdue commence à sortir avec Kent joliment interprété par Dean « Hank » Norris qui est un papa célibataire depuis peu. Son fils perturbé par le départ de sa mère, a quitté son équipe de football depuis qu’il s’est réfugié dans Guild Wars, jeu vidéo en ligne multi-joueurs. Mais il renoue des liens sociaux grâce à Brandy (la jeune Kaitlyn Dever que l’on avait pu voir dans « States of Grace ») privée de toute intimité numérique par sa mère, une Jennifer Garner qui traque ses moindres faits et gestes sur la toile et tenant ponctuellement des réunions afin d’avertir les autres parents des dangers encourus par leur progéniture. Dernier personnage majeure du tableau, Allison, jeune pom-pom girl elle aussi, qui refuse de se nourrir, et reçoit du soutient des membres d’un site pro-anorexie, lui rappelant que « c’est ça la vrai beauté ».

Je vous rassure, sur l’écran tous ces allers et venus sont aussi indigestes que je viens de vous les annoncer par écrit. Bien entendu qu’un tel sujet aurait très bien pu donner un drame moderne de bonne facture. Mais il n’en est rien. Car il n’y a malheureusement pas grand chose à sauver dans le film. La trajectoire des personnages se résume aux pauvres lignes que j’ai écrites un peu plus haut. Et on a l’impression qu’ils se dirigent naturellement vers leur propre destin, donnant une certaine fatalité au tout. A savoir qu’il est possible dés les premières minutes de deviner ce qui va arriver à chacun des protagonistes tellement ceux-ci sont des clichés ambulants. Certes pour dénoncer il faut parfois grossir le trait, mais ça devient ici grotesque, les personnages ne semblant pas évoluer dans le même monde que le nôtre.

La quasi totalité des personnages sont antipathiques et inintéressants, ce qui n’est pas un problème en soit. Car nous aurions pu tout de même nous y attacher s’il avait été possible d’éprouver ne serait-ce qu’un peu d’empathie à leur égard. Mais le fait qu’on ait l’impression que le réalisateur ne s’intéresse pas à eux ne nous donne pas envie de nous y intéresser non plus. Et il devient vite impossible de s’émouvoir quant à ce qu’ils leur arrivent à l’écran. Ce n’est pourtant pas faute d’une voix-off inutile, qui tente de nous en faire éprouver de force, à travers des petites pauses pendant lesquelles, la voix d’Emma Thompson dont l’accent britannique jure au côté des accents américains, souhaite nous interroger, sur par exemple notre place dans l’univers. L’effet est agaçant et donne l’impression de regarder un trop long épisode de « Desperate Housewives », et je suis amené à me dire que le film serait peut être mieux au format série, à décliner à l’infini pour ceux que ça intéresse.

Le film n’a pas non plus grand chose à apporter d’un point de vue de la mise en scène. L’astuce d’afficher à l’écran les messages échangés par téléphone et internet se comprend et est justifié un temps mais devient assez vite désagréable. Reitman a tellement de personnages que le film est constitué de séquences montées en parallèles, et lorsqu’un personnage pose une question c’est le personnage du sexe opposé d’un autre groupe qui répond, banalisant tout propos, rendant quelconque les réponses des protagonistes. Et cet effet de montage est utilisé à plusieurs reprises dans le film.
A la fin du film, j’essaie de comprendre à qui s’adresse ce film, et qu’est-ce qui a poussé Jason Reitman à faire ce film, et surtout de cette manière, exprimant son détachement quant au sujet dés le début via l’usage de la voix-off. On a le sentiment que même les acteurs se demandent ce qu’ils font dans ce film comme si on leur avait vendu l’espoir de faire un grand film et qu’ils se rendaient compte en plein tournage de la tournure convenue de l’entreprise.

Il y avait une envie de bien faire de la part de Jason Reitman certes, mais il ne maitrise pas son sujet et nous livre un film fait de bêtes raccourcis, aux clichés éculés. Il nous rabâche l’éternel discours sur les maux qui rongent notre société sans jamais apporter de réelles idées afin de tenter d’éclaircir le sombre tableau qu’il dépeint.
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le 9 déc. 2014

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