Une cuisine aux petits ognons

Critique du film MENUS-PLAISIRS - Les Troisgros (le 18/12/2023)

Dans son nouvel opus Menus-Plaisirs, Frederick Wiseman, réalisateur américain de films documentaires depuis près de 60 ans, lève le voile sur un des fleurons de la haute gastronomie française, la famille Troisgros.

Fondé en 1930, ce restaurant étoilé est implanté sur Roanne. Michel, la soixantaine (3ème génération) veille en patriarche sur cette véritable institution. Toujours et encore, il remet son ouvrage, rediscute telle ou telle recette, remet en cause tel ou tel plat, telle ou telle cuisson, telle quantité de piment dans une sauce avec l’unique but d’améliorer la recette. Et depuis son apprentissage, le guide Escoffier ou le Larousse de la gastronomie française restent ses références bibliques. Avec César et Léo, les enfants (4ème génération), la relève est assurée. En 2017, ce restaurant rebaptisé pour l’occasion, le « Bois sans feuille » a pris ses quartiers à Ouches en périphérie de Roanne dans un cadre bucolique. Un autre restaurant familial « La Colline du Colombier » a vu également le jour en pleine campagne. Si l’on considère le restaurant-bistrot « Le Central » situé à côté de l’ancien restaurant emblématique sur la place de la gare et le Food truck rouge présent sur la place du marché, l’offre est pleinement diversifiée! Pendant 4 heures captivantes, la caméra sait se faire totalement oublier. Elle nous immerge avec délectation et pour notre plus grand bonheur dans les secrets de cette institution. Nous y voyons tout le travail préparatoire en amont de l’assiette servie au client. C’est toute une organisation collective faisant appel à l’imagination, la rigueur et la précision humaine pour une efficacité maximum. Tel un ballet, une chorégraphie millimétrée se déroule sous nos yeux. En professionnel de très haut niveau, chacun(e) joue sa partition. Dans un cadre idyllique, tout se passe avec virtuosité avec une sérénité absolue sans un mot plus haut que l’autre. Au contraire, avec la clientèle, le verbe est précis et devient poésie pour décrire le contenu de l’assiette. Les clients aux yeux émerveillés, sont comme des gosses devant une vitrine de Noël, prêts à se délecter. Et devant ce défilé de plats subtilement présentés, nos papilles de spectateurs sont toutes émoustillées, tant notre cerveau essaie d’imaginer la mise en bouche de ces ingrédients merveilleusement assortis. Aussi, le choix raffiné des fromages accompagnés du vin adéquat, est là pour confirmer que vraiment ce n’est pas raisonnable !

Tout est mis en œuvre pour aboutir à l’excellence, depuis le travail consenti de toutes les équipes, les divers fournisseurs, véritables partenaires et amis que visitent régulièrement les dirigeants, en passant par toute la préparation en cuisine, le service irréprochable sans oublier le collectif chanceux que constitue la clientèle. Car sans la clientèle, cet art « éphémère » ne peut exister ! Fidèle à elle-même, la famille Troisgros a su se renouveler avec les années et les nouvelles têtes, insuffler avec sérénité une connotation internationale à sa cuisine pour une clientèle cosmopolite toujours plus connaisseuse et exigeante. Il y a beaucoup de passion et d’amour du métier de la part de l’équipe à tous les niveaux pour faire perdurer l’excellence dans le temps. Tout en prenant le temps de la durée d’un repas gastronomique et sans intervenir par des commentaires offs, le réalisateur Frederick Wiseman nous conte par une image et un son parfaits, l’histoire de la famille Troisgros, pleine d’avenir qui fait la fierté de la gastronomie française. Rien dans ce film ne fait mentir le dicton : « Heureux comme Dieu en France »

Ces 4 heures sont vraiment une pure délectation d’harmonie et de bonheur.

Surtout, à ne pas rater dès sa sortie en salle !

Note : 4.2 / 5

Loic Nguyhem