Dans Mes petites amoureuses Jean Eustache nous raconte une partie de son enfance, comment il a dû abandonner l'école, sa découverte du monde professionnel et surtout son rapport aux filles. Ce qui est formidable c'est qu'on se rend immédiatement compte que ce n'est pas un film aseptisé qui va être là pour se mettre en valeur. C'est même tout le contraire puisque dès le début du film on le voit en train de faire des attouchements à une fille pas franchement consentante lors de sa Première Communion. Le cadre est posé.


Eustache ne s'interdit rien, mais ne juge pas non plus. Il n'est pas là en train de dire au spectateur quoi penser des agissements de son avatar. On se retrouve donc avec un film où clairement les mecs agissent de façon plus que limite avec les filles, se retrouvent au café pour les mater passer dans la rue, mais à aucun moment on ne sombre dans un rapport moral. Mes petites amoureuses raconte juste de quoi étaient faites les journées d'un gamin en province fin des années 40, début des années 50... (je suppose, le film étant assez hors du temps) ça sera donc au spectateur de se faire un avis sur ce qu'il voit et rien que pour ça, il y a un côté rafraichissant à ce film. Regarder Mes petites amoureuses, ce n'est pas être pris pour un con à qui il faut tout expliciter. Tant mieux ! (mais ça en fait un film qui ne pourrait peut-être plus sortir aujourd'hui)


L'autre aspect rafraichissant, c'est le fait que ça fait vrai, ici il n'y a pas de justice immanente, il n'y pas de destin qui vient sauver les personnages... Nan, Daniel, l'avatar d'Eustache, aurait bien aimé continuer sa scolarité, mais sa mère en a décidé autrement et rien n'y changera. Il n'y aura pas de miracle qui le fera aller au collège. Ce n'est d'ailleurs même pas réellement un enjeu du film, puisque le film est quasiment exempt d'intrigue. On suit juste la vie de ce gamin, avec parfois quelques petits commentaires en voix off et c'est tout.


Bref, tout le dispositif mis en place ici sonne tout simplement authentique et forcément ça parle au spectateur... et ceci même si la vie de Daniel n'est heureusement pas la nôtre (on ne peut étonnamment plus envoyer un gamin d'une dizaine d'années aller bosser chez un type de la famille, sans doute la faute au wokisme)

Mes petites amoureuses est donc d'une grande justesse et arrive à capter ce que c'est que la fin de l'enfance et le début de l'adolescence, parce que justement il ne cherche pas à présenter son héros sous un angle positif ou moral.

Moizi
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le 27 mars 2023

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Moizi

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