Messidor par Teklow13

C'est l'escapade de deux jeunes femmes, deux autostoppeuses, sur les routes de Suisse. Elles ne se connaissaient pas, elles vont se lier d'amitié et se tracer un itinéraire sans but.
Dans ce road movie mélancolique de Tanner, on pense à plusieurs cinémas, celui de Godard côté Pierrot le fou, celui de Rozier du côté d'Orouët, celui de Rivette façon Céline et Julie vont en bateau. On pense également à Passe-Montagne le très beau film de Stévenin. Emportées par un vent de liberté, une bise de fraicheur, elles arpentent les routes, les chemins de campagnes, les forêts, les sentiers de montagne, en voiture ou à pied. Elles ne vont nulle part, elles avancent pour voir. Jusqu'où elles peuvent aller, voir ce qu'il va se passer. Comme dans tout road movie, elles font des rencontres, parfois absurdes, deux violeurs, parfois plus terre à terre. Quand elle trouve un flingue dans la boite à gant d'un policier (je crois) elles le prennent. Là encore pour voir. Ce geste banal de sortir une arme, elles ne le conçoivent pas comme un geste de gangster mais comme un simple geste banal. Elles ne jouent pas à Bonnie and Clyde ni à Thelma et Louise. De fait il y a constamment un décalage. Le plan superpose une couche d'innocence et de fraicheur à quelque chose de plus grave. Le grave elles n'en ont pas conscience, comme déconnectées du réel, dans une bulle aventureuse, d'évasion, de jeunesse. Un besoin de liberté. Comme de pisser cul nu fasse à un splendide panorama montagneux. On perçoit ce décalage avec un retour sur ce fait divers évoqué par les médias. Deux visions d'une même situation. Mais c'est également de tous les plans. Lorsqu'elles n'ont plus rien à manger, elles volent des œufs dans des fermes et les ramènent dans une cabane dans la forêt. Au lieu de les manger, elles jouent avec et se les cassent sur la tête.
Tanner avec ce film magnifique annonce la fin d'une décennie de liberté, les années 70, la fin d'une jeunesse. C'est un très beau geste mélancolique, comme une dernière aventure avant de grandir, un dernier moment de liberté.