Pas de lois, pas de règles...
Avant de commencer je tiens à préciser que je parle ici de la version "director's cut" présente sur le double dvd collector.Cette dernière est mieux montée, certains passages inutiles de la version salles ont été retirés, quelques scènes ont été rajoutées, dont celle ou Trudy discute avec l'équipe des fleurs qu'elle a reçues de la part de Montoya, ainsi que le magnifique générique d'ouverture et sa course de hors-bords.
Au court de sa carrière, Mann envisagera chacun des plans de ses films comme des "tableaux", et chacuns de ses films comme des oeuvres d'art.Logique donc que beaucoup de ses détracteurs ne voient en lui qu'un simple "poseur" se contentant d'étaler sa classe technique, sans rien avoir à raconter (les mêmes qui n'ont jamais vu "Le dernier des Mohicans" ou "Révélations" ?).
C'est oublier un peu vite que si Michael Mann est grand, c'est parce qu'au-delà d'être toujours au fait des dernières techniques cinématographiques (c'est lui qui maitrise le mieux la HD, le génial "Collateral" en était déjà la preuve), il est aussi un très grand conteur et un immense directeur d'acteurs.
Et que si Mann est obsédé par la maitrise visuelle de ses oeuvres, il est tout autant, si ce n'est plus, fasciné par la complexité des rapports humains.
On repproche beaucoup à "Miami Vice" son scénario banal et limite chiant.L'intérêt du film est ailleurs: il s'agit d'une intense expérience sensitive (comme souvent chez Mann, mais qui est ici poussée à son paroxisme), à la beauté visuelle sidérante.Quelle autre ville que Miami, au climat si fluctuant, pouvait d'ailleurs être à ce point sublimée par l'utilisation de la HD ??
Le fait que le film ait été tourné lors d'une vague d'ouragans renforce encore un peu plus le côté "rêve éveillé", et nous offre quelques-uns des plus beaux plans jamais vus sur grand écran.
Mais la principale force du cinéma de Mann, au-delà du légendaire perfectionnisme de ce dernier, c'est donc qu'il porte autant d'attention à sa mise en scène qu'aux performances de ses acteurs.
Collin Farell/Sonny Crockett n'a jamais été aussi bon, en flic déchiré entre son boulot et ses sentiments.
Jamie Foxx/Ricardo Tubbs est parfait de retenue et de rage intériosisée.
Et Mann se permet d'offrir à la sublime Gong Li le plus beau rôle de sa carrière, en femme d'affaire fatale laissant peu à peu paraître sa fragilité alors qu'elle tombe amoureuse de Crockett.L'ambiguité de leur relation est superbement résumée par la scène de la douche, Crockett se demandant s'il n'a pas atteint son point de non-retour, elle n'étant pas certaine de la sincérité de ses sentiments.
Et que dire de leur étreinte amoureuse, ou Mann réussira à capter une larme perlant sur la joue de Gong Li/Isabella.Quel autre cinéaste peut se targuer de filmer l'acte sexuel de façon aussi émouvante et sincère ?
Comme dans "Heat" ou "Collateral", les moments de pure contemplations sont parfois traversés par de soudains éclairs de violence, et "Miami Vice" n'échappe pas à la règle, lors de la transaction qui tourne mal au début du film, puis de l'enlèvement de Trudy par les Aryens, et enfin lors la fusillade finale, qui renvoie évidemment à celle de "Heat", et qui comme d'habitude chez Mann est un modèle de chorégraphie.
Le soin apporté par Mann à la mise en scène de la violence et à son réalisme frontal dans ses polars est égal à celui qu'il apporte à leurs moments "intimistes".
Mann sait mieux que quiconque capter les émotions de ses acteurs, tirer le maximum de leurs performances, ainsi que de ses scénarios, et c'est cette qualité qui, ajoutée à un perfectionnisme légendaire, en fait un immense cinéaste.
Et si son chef-d'oeuvre, "Révélations", reste à ce jour la plus belle preuve de son immense talent, "Miami Vice", plus encore que "Heat", en est une autre, indiscutable elle aussi.