Début 2020, Jean-Baptiste Thoret son équipe sillonnent l'Amérique, et plus particulièrement Mingo Junction, dans l'Ohio, afin de parler de Michael Cimino, où une partie de Voyage au bout de l'enfer fut tourné. Disons que ce documentaire est le prolongement d'un excellent article paru en 2010 dans Les cahiers du cinéma où le réalisateur et Cimino ont fait un road-trip sur plusieurs milliers de kilomètres à travers l'Amérique, et dont on entend de larges extraits audio de ce dernier, à la voix fatiguée. En contraste évident avec sa flamboyance lors de sa présence au Festival Lumière 2012 pour la diffusion de la version complète de La porte du paradis.

Mais ça n'est pas vraiment un film documentaire SUR Michael Cimino, mais sur sa vision de l'Amérique vue par son prisme, celui d'un homme qui aimait profondément son pays, les petites gens, mais surtout la route, synonyme de grands espaces. Par ailleurs, la forme est parfois déconcertante, comme ces très longs plans sur les routes américaines, avec parfois en bande-son la musique de ses films, mais tout comme We blew it, c'est aussi un regard sur une Amérique rurale, où la désindustrialisation a fait des ravages à la fin des années 1970. Je pense en particulier à Mingo Junction, qui semble être une ville figée dans le temps, dont l'activité principale était la métallurgie, et la population vieillissante se résume aujourd'hui à quelques milliers d'habitants.

Voyage au bout de l'enfer se taille bien entendu la part du lion, notamment grâce à la présence des habitants de la ville, pour la plupart choisis comme figurants, et tous semblent garder des souvenirs précis du tournage, notamment par leurs dires et de superbes photos jamais diffusées depuis. De manière générale, il ressort beaucoup de nostalgie dans le film, celle d'une belle époque, difficile par moments (je pense à la guerre au Vietnam), mais comme on dit, les habitants ont des étoiles dans les yeux en évoquant ce tournage. Il y a aussi une archive édifiante où on voit John Wayne refuser de serrer la main à Cimino lors des Oscars en 1979.

Même si la forme peut être abscons, il se dégage du film une grande sérénité et, dans mon cas, l'envie de retourner en Amérique faire de la route, tant les paysages paraissent somptueux et à perte de vue. On parle de manière désordonnée de l'ensemble de ses films, quelques minutes pour Le sicilien, La maison des otages et Sunchaser, quand le reste est largement évoqué, avec parfois des plans saisissants sur des décors d'aujourd'hui comparés à ceux de l'époque, comme pour Le canardeur.

Parmi les autres personnes interviewées, on retrouve Quentin Tarantino, James Toback, John Savage (très bien filmé), le policier ayant inspiré le personnage de Mickey Rourke dans L'année du dragon, et un Oliver Stone loquace qui n'hésite pas à critiquer le caractère parfois lunatique de Cimino et le fait qu'il refusait des films alors qu'on les lui offrait sur un plateau, passant du temps sur des projets qui ne se monteront pas (un remake du Rebelle avec Clint Eastwood et La condition humaine).

Je pense que pour chercher un docu classique sur Michael Cimino, mieux vaut se tourner sur la version abrégée diffusée par Arte en 2021, réalisée d'ailleurs sans l'aval de Thoret, mais non seulement j'y vois un beau portrait en creux du réalisateur, qui ne devait pas être facile à vivre, mais aussi sur l'Amérique profonde.

Boubakar
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le 15 août 2023

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