Quand les puritains font la promotion d'une oeuvre décadente...

Ayant récemment appris que j'étais un immonde raciste, j'ai décidé de faire repentance et de soutenir la cause des minorités à travers le monde. Après avoir généreusement envoyé mon smartphone dans un pays du tiers-monde à la demande de sympathiques passants, et en attendant qu'on m'apprenne que je suis aussi sexiste (ah bah non, c'est fait), j'ai été soutenir le film d'une réalisatrice noire. Tout en n'oubliant pas de me fouetter à intervalles réguliers pendant la séance bien sûr.


Blague à part, je n'avais pas prévu d'aller voir ce film, dont j'avais à peine entendu parler. Cependant, la polémique qu'il a déclenchée à sa sortie l'a finalement mis sur mon radar, et j'étais assez curieux de voir à quel point les réacs s'étaient fourvoyés. On dit souvent que même la mauvaise pub est de la bonne pub, eh bien je plaide coupable pour le coup !


Je le dis tout de go : la polémique est parfaitement conne. Il n'y a rien de pédo-pornographo-sataniste dans ce film, si vous pensez qu'un pervers va se faire chier à payer une place de cinéma et se branler devant tous les spectateurs sur trois gros plans de fesses plates de mineures mal maquillées et très peu à l'aise, c'est que vous avez une imagination débordante. Voire quelques fantasmes inavoués (il n'y a pas de honte, vous pouvez toujours devenir député écologiste malgré votre handicap).


Sommes toutes, le film a un propos assez commun : les extrêmes ne sont jamais bons. Que ce soit l'extrême croyance qui humilie les femmes dont le mari est polygame, ou l'extrême extraversion qui force les gamines à adopter des comportements qu'elles-même ne comprennent pas. Elles voient le twerk comme le summum de la danse, mais sont parfaitement ignorantes de tout ce qui est lié au sexe (VIH, viol, règles, "clitopics"...) et ne saisissent donc pas les sous-entendus que cette danse implique. Tout ce qu'elles recherchent c'est l'attention qu'elles n'ont pas à la maison (et qu'elles ne risquent pas de retrouver en étant recouvertes de 15 mètres de draps blancs), et puisque les likes sur Instagram sont toujours flatteurs et font le même effet qu'un peu de coke...


Le film se suit bien, ça gueule beaucoup par moment (surtout dans les scènes au collège), mais c'est malheureusement criant de réalité. Le scénario se concentre sur Amy, au détriment des autres filles du groupe (je ne suis même pas sûr que les prénoms de la blanche et de l'autre noire soient prononcés), mais son histoire est suffisamment consistante pour nous occuper pendant 90 minutes. Et puis ça se tire dans les pattes entre Amy et Yasmine, j'avoue que c'est très drôle (et merde, me voilà grossophobe maintenant).


Certains plans sont vraiment très intelligents. J'aime énormément celui qui intervient juste après que l'héroïne ait maté une vidéo de twerk en scrèd pendant la prière. Elle est assise dans le couloir, la caméra est posée juste à côté d'elle, et toutes les femmes qui passent dans le plan sont coupées au niveau du nombril. Résultat : ce ne sont plus des humaines, mais des culs. Des culs plats, des culs énormes, des culs qui se dandinent... Ca illustre parfaitement à quel point l'exposition à ces vidéos a réduit Amy (et par extension la société ?) à ne plus voir que ça et à ne plus faire attention aux personnes au-delà du physique. Dommage que cette scène s'étire sur les 3 ou 4 plans suivants, un peu de subtilité dans le message n'aurait pas fait de mal.
Et le tout dernier plan du film est une bouffée d'air frais après 10 minutes étouffantes. C'est aussi un message d'espoir, montrant que même après avoir flirté avec les extrêmes, on peut tracer son propre chemin et être en paix avec soi-même. Nul doute que les pères-la-morale retrouveront un jour le chemin du bon sens donc.


J'ai vu certaines critiques reprocher à la protagoniste d'être insupportable et d'enchaîner connerie sur connerie. C'est pas faux, certains rebondissements semblent assez gratuits (la baston avec le groupe de "rivales" qu'on voit pourtant peu), mais ça ne m'a pas dérangé outre mesure. Dans le pire des cas, je le vois surtout comme un manque de discernement naturel pour une gamine de 11 ans et/ou une façon de se faire remarquer dans ce foyer où tout le monde n'attend que le retour du père.


C'est pour l'instant mon film préféré de 2020 et j'espère qu'il choppera quelques récompenses aux Césars pour inciter les gens à aller le voir. Parce que c'est bien le principal reproche que j'ai à faire : vivant dans une ville de moyenne taille avec un cinéma d'arts & essais pas trop dégueu d'habitude, aucun cinéma près de chez moi ne diffusait ce film. J'ai dû faire 30 minutes de route pour aller dans le cinéma d'un village (vous savez, le genre qui ne diffuse que 2 films par semaine) car c'était un des rares qui le programmait dans tout le département. J'aurais pensé que la polémique allait un peu booster l'intérêt autour du film, mais bon...
Sûrement une preuve de notre système de distribution raciste et misogyne. Salauds !


(non mais vraiment, je pige pas pourquoi il a été aussi mal distribué par chez moi, les salles avaient peur qu'il fasse de l'ombre à Tenet ?)

Sonicvic
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le 7 sept. 2020

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Sonicvic

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