C'est effectivement un film qui pose problème : je comprends que des politiciens s'en soient emparés si facilement ; ce qui est dommage, par contre, c'est que certains l'auraient fait sans avoir vu le film... juste en se basant sur une bande annonce, une affiche ou encore une critique mal éclairée.


Clairement, le film dénonce la sexualisation des enfants, c'est ce que l'on ressent du moins une fois arrivé à la fin. Si on s'arrête avant, effectivement, on pourrait penser que l'auteure est pour. C'est pour ça qu'on regarde un film jusqu'au bout en général pour être sûr de bien saisir le propos... MAIS, le souci c'est que la réalisatrice délivre un message ambigu de par la manière de filmer.


Ainsi donc elle filme les gamines de manière très sexuelle. Des plans de la sorte étaient nécessaires, notamment lors de la présentation finale ou lors de quelques essais. Pourquoi pas un peu aussi dans la vie de tous les jours pour montrer l'influence de ces shows dans leur quotidien.


Le souci, c'est que la réalisatrice filme beaucoup de choses qui ne nécessitaient pas une sexualisation, comme par exemple, un mouvement, dit 'pano', lorsque les filles partent en courant, la caméra s'attardant alors sur leurs ventres et leurs fesses. D'autres séquences où on les voit juste jouer et de suite, la caméra est insistante, trop proche, trop intime. De cette manière, la réalisatrice, involontairement je suppose, sexualise ses actrices. Et va ainsi à l'encontre du message de son film. Car la caméra a aussi une fonction narrative, il ne suffit pas d'une conclusion pour assener un message, si c'est filmé maladroitement, on peut se retrouver avec un double message contradictoire. On peut donc reprocher un manque de distanciation lors de certaines séquences, et je pense même aussi un manque de naïveté, puisque, évidemment, ces jeunes sont un peu naïves.


Je me suis également posé une question durant le visionnage : est-ce que les actrices étaient au courant de ce à quoi elles participaient ? Parce que vu leur entrain, j'ai l'impression qu'elles prenaient beaucoup de plaisir à danser de la sorte ; je veux dire, les choré sont impeccables, mieux exécutées que dans certaines films à gros budgets avec des adultes à la place... à croire que ces jeunes nymphes ont elles-mêmes une vie hypersexualisée. De ce fait, je me suis demandé si un documentaire n'aurait pas été plus pertinent ?


En fait, tout ça m'a fait penser aux films d'action qui soi disant dénoncent la violence mais dans lesquels la violence est esthétisée. Difficile de trouver un message anti-violence lorsqu'un réalisateur se montre inspiré pour tuer quelqu'un, d'office, cela devient un spectacle... du fun. C'est pareil pour ce film. Il y a tellement de plans sur les fesses, les ventres, les entrejambes moulés (cameltoe me voici), qu'il serait facile de valoriser l'aspect sexuel du film, et pour être mieux efficace, il suffirait de retirer les plans sur les têtes des gamines ; dès qu'on oublie qu'il s'agit de petites filles, on se retrouve dans une sorte de clip télé, à l'image de ce que les héroïnes regardent. Heureusement, je le répète, tout n'est pas filmé comme ça, il reste un aspect plus 'documentaire' avec une caméra épaule, des plans séquences, une caméra plus distante... mais souvent cela concerne la famille du personnage principal ou encore ses errances à l'école où dans la rue.


L'on pourra également dénoncer la faiblesse du message ; au vu du comportement de l'héroïne, on pourrait penser que cette sexualisation mène au mal, puisqu'elle ira jusqu'à 'planter' la main d'un de ses camarades de classe avec un stylo et perdre un peu les pédales. Pourtant, le comportement de la petite peut être expliqué autrement, par un autre thème qui est un peu mis de côté alors qu'il est assez important : la confrontation, le choc des cultures, entre la tradition liée à ses origines et les mœurs 'légères' de notre société occidentale. Et c'est de cet inconfort que naît le comportement autodestructeur de l'héroïne.


La réponse des politiques mais aussi le traitement par l'auteure manque de nuance. La sexualité fait partie de l'enfance, contrairement à ce que certains veulent bien croire. Il suffit d'aller faire un tour sur Omegle et Chatourlette, combien de gosses y surfent par curiosité, certains plus que par curiosité, mais pas forcément dans une approche d'hypersexualisation, non, une sexualisation qui est celle de notre ère, à savoir numérique. Mais ce n'est pas nouveau, ne me voyez pas en train de blâmer le sempiternel "2.0" ; Il y a 10 ans, des gosses se retrouvaient dans des cabanes pour se branler ensemble à peine étaient-ils capable de fournir du foutre, et si l'on remonte à plus loin, 50 par exemple, les jeu touche-pipi des cousins et cousines qui se retrouvaient en cachette dans la grange à foin. Je ne remonterai pas jusqu'à l'antiquité grecque, je préfère rester dans notre époque contemporaine pour être plus pertinent. Tout ça pour dire que la sexualité apparaît vite et que l'hypersexualisation peut ne pas aboutir à de telles déviances. Evidemment, c'est bizarre, pour moi aussi, de voir des miss america de 10 ans ou encore de voir des jeunes filles twerker de la sorte. Mais c'est un débat qui demande une réflexion subtile et pas juste pointer du doigt en disant c'est mal. Parce que la jeune qui twerke ne pense pas forcément à s'enfiler des BBC parce que c'est comme ça que ça se passe sur pornhub, non, il reste, et oui, une forme de danse, et donc d'art... rien n'est simple. Le tout, je pense, est de communiquer, d'expliquer.


On a aussi droit à une séquence où les fillettes regardent des images de pénis et semblent s'enflammer sur un sexe particulièrement grand. Cela peut choquer ou exciter. Pourtant, c'est un comportement normal : on se pose des questions, on s'interroge, on fantasme beaucoup quand on est jeunes car on manque d'expérience.


Parlons aussi des spectateurs-prédateurs dits 'pédophiles' (je vous encourage à aller voir "are all men pedophiles?") ; évidemment ceux qui fantasment sur les petites filles seront tentés de se masturber au vu des nombreux plans sur les fesses, les ventres, les entre-jambes... Mais tant qu'à faire, j'aime autant qu'ils le fassent sur des films normaux plutôt que sur des films pédopornographiques car au moins on peut espérer que les jeunes filles n'ont pas été abusées. Notons également que fantasmer sur une déviance sexuelle ne mène pas forcément à pratiquer cette déviance ; on en revient aux films violents : regarder un film violent et en apprécier le gore ne mène pas forcément au meurtre sadique ! Donc, une personne (je ne précise pas le genre car on assimile toujours ce type de pervers à un homme alors qu'il existe des femme souffrant de cela aussi) peut très bien avoir ce genre de fantasme mais être conscient que cela pose problème et donc refréner ses envies. Mais tout cela constitue également un sujet tabou dans notre société : on n'a pas envie de parler du fait qu'une personne puisse avoir ce genre d'envie, alors on met tout ça de côté avec l'étiquette 'dangereux'. Etiquette bien visible, car c'est toujours mieux quand tout le quartier est au courant.


Pour résumer mon propos : le film n'est pas pédopornographique, il n'est pas pour une hypersexualisation des enfants, mais de par la manière de filmer, on pourrait parfois penser qu'il l'est un peu ; de manière général le sujet est traité faiblement, grossièrement superficiellement, avec quelques raccourcis malheureux et d'autres thématiques importantes sont écrasées par celle de l'hypersexualisation (comme si le sexe vendait mieux que le choc des cultures d'une africaine en Europe) alors qu'elles permettaient d'étoffer la réflexion, de prendre de la distance aussi. C'est donc un film qui pose problème car la réalisatrice ne semble pas maîtriser son sujet ni sa grammaire cinématographique, ce qui rend le message un peu ambigu.


Maintenant, passons au film. Qui n'est pas bien terrible non plus. Le récit est assez pauvre, voire chiant : on suit les gamines sans avoir de véritable objectif principal ; il y en a un qui se dégage à peu près à la moitié du film, concernant ce concours de danse, mais c'est trop mal mis en valeur pour s'en rappeler tout du long. De plus, avec les autres thématiques pas très bien développées mais malgré tout présentes, on perd un peu le fil conducteur. Tout reste un peu lié, heureusement, mais c'est décousu. Les personnages ne sont pas assez développés, ni principaux ni secondaires : les gamines sont écrites comme des gamines, je n'ai pas ressenti un point de vue d'enfant mais celui d'un adulte qui croit savoir ce que pense un enfant (comme pour la rentrée covid, les parents qui savent que leurs enfants sont malheureux chez eux au lieu d'être à l'école ou encore ceux qui savent que leurs enfants sont malheureux à cause de leurs masques...) ; les enfants sont des êtres vivants avec leur propre personnalité et cela, l'auteure échoue à en rendre compte. Les conflits ne se ressentent pas assez, car on sait que tout ira mieux, que tout va s'arranger. notons également de grosses facilités, comme celle qu'à l'héroïne à cacher son accoutrement quotidien à ses parents et pire encore sa dégaine pour le show final.


La mise en scène n'est pas vilaine en soi, on sent que les techniciens font bien le boulot, seulement, comme dit à propos du message, la grammaire n'est pas toujours bien choisie. Ceci étant dit, on peut applaudir la manière dont on passe d'un côté plus documentaire (caméra épaule) à un côté plus clip (gros plans rythmés sur les parties de corps dansant, chorégraphie mise en valeur, ...), le chef op' est parvenu à rendre le tout fluide et continu. Les actrices jouent assez bien, il faut le dire (cela participe certainement au malaise des conservateurs qui ont vraiment l'impression de voir des jeunes filles qui ne pensent qu'à chevaucher des étalons et twerker toute la nuit). Niveau costume, ils ont été à fond, j'aurais bien voulu voir la tête des parents assistants au tournage tiens ! La BO fonctionne avec la thématique.


Bref, Le scénario n'est vraiment pas terrible et la mise en scène n'est pas toujours au service de son histoire.

Fatpooper
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le 30 sept. 2020

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