Milla
6.8
Milla

Film de Shannon Murphy (2020)

C’est sur le quai d’une gare qu’ils se rencontrent, ou plutôt qu’ils se cognent. En fait il la bouscule en fonçant vers le quai 24 alors qu’un train de banlieue arrive, et s’arrêtant juste avant, juste au bord, alors que le train le frôle, à toute vitesse. Elle se demande c’est quoi ce type, elle se demande ce qu’il veut, d’ailleurs elle nous jette un regard comme pour nous prendre à témoin, ou espérant une réponse. C’est donc comme ça que Milla rencontre Moses, grand échalas tatoué et un peu sale et un peu sauvage au regard bleu perçant. La première chose qu’il lui dit, c’est «Putain, tes cheveux ressemblent à des bracelets». Du coup elle se met à saigner du nez. Elle ne sait pas que Moses est un junkie foutu dehors par sa mère. Lui ne sait pas que Milla souffre d’un cancer carabiné.


Shannon Murphy et sa scénariste Rita Kalnejais dressent le portrait pétillant, mais constamment hanté par la mort, d’une adolescente en résilience et amoureuse soudain pour un peu de temps qui reste. Car le côté pop et coloré du film ne doit pas faire oublier où on est tombé : père et mère en souffrance face à la maladie de leur fille, jeune toxico vivotant dans la rue, jeune fille agonisant d’un cancer. La relation entre Milla et Moses sert de fil rouge à une chronique qui évoque autant, sous forme de saynètes aux titres descriptifs ou volontiers évocateurs, les premiers sentiments que les rapports intergénérationnels ou le mal-être ou la préparation au deuil ou ces petits riens qui, au quotidien, font du bien (un anniversaire, une danse sur un karaoké, un rayon de lumière sur un visage…).


Surtout, Murphy et Kalnejais rejettent pathos et violons. Ici tout est lumineux, chatoyant, vivant en définitive. Et si émotions et bouleversements il y a, ils surgissent comme à l’improviste, au détour d’un regard ou d’une situation cocasse, ou même plus âpre. Et puis il faut dire qu’Eliza Scanlen et Toby Wallace, récompensé du prix du meilleur espoir à la Mostra de Venise, sont bluffants de présence et d’intensité (Essie Davis et Ben Mendelsohn, dans les rôles des parents, ne sont pas en reste non plus), et leur duo irradie, apporte gravité, légèreté et piquant à des personnages pourtant «chargés». Un joli premier film qui, certes, ne restera pas dans les mémoires (en tout cas par chez nous, alors qu’il a remporté par chez lui neuf AACTA, l’équivalent australien des Oscars et des César), mais suffisamment touchant, et puis singulier par moments, pour nous embarquer avec lui dans une belle leçon de vie qui revigore, mais qui n’oublie pas de dire aussi toute la fragilité de l’existence.


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mymp
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le 23 août 2021

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