Catacombs.
Grâce à la bonne réception de son premier film "Cronos", le cinéaste mexicain Guillermo Del Toro gagna son ticket pour Hollywood, se voyant confié par les frangins Weinstein l'adaptation d'une...
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le 3 janv. 2015
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Son premier film, Cronos, ayant tapé dans l'oeil de beaucoup de monde (dont James Cameron qui aida à lui trouver un distributeur américain), Guillermo Del Toro ne tarda pas trop à réaliser son second long-métrage. Produit aux States et diffusé par Miramax, l’ancienne firme du vilain Porky Pig, Mimic fut particulièrement attendu au moment de sa sortie en salles en 1997, grâce à une promotion agressive et des premières images alléchantes.
Le film fut pourtant un succès relatif, suffisamment remarqué pour faire décoller la carrière de Del Toro et lui permettre d'avoir assez de flair pour alterner ensuite films de commande (Blade 2, Hellboy) et oeuvres plus personnelles (L'Échine du diable, Le Labyrinthe de Pan).
Pourtant, à l'aune de sa filmographie actuelle, Mimic peut paraitre éloigné du style si particulier du cinéaste. D'autant plus que, Del Toro débutant alors en Amérique et oeuvrant pour la Miramax, son intégrité artistique fut rapidement mise à l'épreuve par les Weinstein.
Il est ainsi bien connu que, en tant que producteurs voulant marquer leur territoire en pissant sur les bobines, Bob et Porky ont abusé de leur pouvoir pour s'immiscer dans la salle de montage et remonter le film à leur sauce. D'où un dernier acte un rien à côté de la plaque débouchant sur un happy end aussi mièvre que sans la moindre résonnance dramatique.
La version cinéma de Mimic (il existe un director’s cut) est-elle pour autant bonne à jeter dans la benne à ordures des péloches mal torchées par leurs producteurs ?
Loin de là. Car malgré ses lacunes évidentes, Mimic porte indéniablement la signature de son réalisateur ainsi que les germes de sa filmographie à venir. À travers son intrigante exposition, auréolée d'une très belle atmosphère de décrépitude urbaine, Del Toro mettait en exergue ses deux principales marottes.
Le thème de l'enfance sacrifiée (thème ô combien prisé par les cinéastes mexicains, argentins et espagnols) y sert de MacGuffin via cette épidémie mortelle touchant les jeunes enfants tandis que le personnage du petit Chuy, lui, semble voir son avenir tristement défini par sa différence et son père surprotecteur.
L'autre thème est bien sûr, la figure monstrueuse, ici intelligemment introduite par le concept de créatures mutantes se servant de la pénombre pour sortir à l'air libre et prendre les contours d'une silhouette vaguement humaine. Un "homme au long manteau" dont le design fut confié au légendaire Rob Bottin (The Thing, Robocop), et qui, lorsqu'il abandonne son camouflage humain, se révèle être un énorme insecte aux pattes aussi tranchantes qu'un sabre de samouraï.
Grand amoureux de l'oeuvre de Lovecraft, Del Toro use pendant toute son exposition de la notion d'indicible horreur, celle-ci restant tapie dans les bas-fonds d'une Grosse Pomme plus sinistre que jamais, où l'humanité déjà mise en péril par le trépas de toute une génération d'enfants y cotoie sans le savoir des créatures pour lesquelles le Grenier des enfers (le sous-sol new yorkais) sert de gigantesque colonie.
L'idée est ambitieuse et Del Toro la traite avec tout le suspense qu'elle mérite, alimentant son atmosphère de quelques apparitions inquiétantes de la silhouette au long manteau, tout en faisant de son héroïne l'incarnation féminine d'un Prométhée moderne à qui la nature refuse ironiquement la joie d'enfanter. Le réalisateur ira jusqu'à sacrifier de manière cruelle deux gamins en les faisant mourir sous les attaques d'une créature protégeant hargneusement sa progéniture. Une séquence qui tenait à coeur à Del Toro tant il voulait choquer le public de l’époque.
C'est hélas à mi-métrage, lorsqu'il se transforme en film de monstres à couloirs, que Mimic commence à sentir les impératifs de production, le manque d'idées narratives et les coupes imposées au montage. Dès lors que tous ses protagonistes se retrouvent acculés dans leur refuge de fortune et tentent de survivre aux attaques des créatures, le film perd toute sa singularité pour se muer grossièrement en énième décalque d’Alien. Ce qui parait être un énorme gâchis à l'aune de ce que semblait promettre l'exposition inquiétante du film.
Sorti en 2011, le director's cut supervisé par Del Toro ajoutera dix minutes supplémentaires, tout en virant quelques séquences tournées par la seconde équipe. Cette version n'apportera curieusement pas de grandes différences au montage cinéma et Del Toro expliquera ne pas avoir eu à l’époque la liberté de filmer la fin qu’il souhaitait de toute façon (et qui devait être moins spectaculaire et plus dérangeante selon ses dires). On peut alors regretter que Mimic n'ait jamais vraiment eu la possibilité d'exploiter pleinement tout son potentiel. Il y aura bien eu deux suites dtv, Mimic 2 sorti en 2002 et Mimic 3 : Sentinel sorti en 2004.
Si le second opus étonne pour sa relative qualité ainsi que pour sa fin ouverte bien plus réussie que celle de son modèle, le troisième film pâtit pleinement de son manque de moyens et ne propose qu'une variation fantastique et sans envergure de Fenêtre sur cour. Quelques idées émaillent ces deux séquelles mais restent en-deça de ce que cet univers aurait pu nous offrir.
Del Toro, lui, n'y reviendra jamais.
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le 11 juin 2025
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