Après avoir livré le film de science-fiction le plus définitif des seventies, suivi du plus profitable des eighties ( Close Encounters et E.T. ), on pensait de Steven Spielberg qu'il était à même de retourner à ce genre sans anicroches.
Or, en reprenant le projet chouchou du défunt Kubrick il a réussi à pondre un pensum débilitant et crétin. A posteriori, un coup de semonce, puisqu'il va réitérer l'exploit : saloper deux bouquins d'écrivains de SF les plus respectés, j'ai nommé Philip K. Dick, et H.G. Wells.



Aujourd'hui je me penche sur le deuxième volet de ce que j'ai coutume d'appeler : " La trilogie de l'enfer du spectateur "



Déjà, K. Dick est un sacré malchanceux.

Une immense majorité de ses œuvres sont complètement déformées, quand on les met sur grand écran, même si c'est pour aboutir à un film correct ( Blade Runner, Total Recall... ) mais le plus souvent, c'est poubelle ( Impostor, Paycheck, Next... ). Une poignée de ses écrits seulement sont à la fois des bons films et de bonnes adaptations ( Scanner Darkly, Confession d'un Barjo ).



La nouvelle Minority Report a pour histoire un flic quinquagénaire, qui utilise la fameuse technologie des Precogs pour prévenir les meurtres. Les Precogs ont tous la même capacité à voir les meurtres à venir ; il y a trois Precogs pour une raison évidente : si jamais leurs visions sont erronées il ne peut y avoir deux erreurs qui soient identiques. En cas de deux visions similaires, on met le troisième Precog en rapport minoritaire, d'où le titre.
Or un beau jour, il reçoit deux visions de lui même qui tue un grand leader militaire, une une où il ne le fait pas. Ce dernier l'invite à prendre un verre, en disant : " Vous voyez, je suis sympa, vous n'allez pas me tirer dessus quand même ? Cette technologie est caduque, laissons-la tomber, blah blah... " En effet, comment pourrait-il lui tirer dessus, maintenant qu'il sait ça ? C'était la vision minoritaire, qui disait que en sachant la possibilité du meurtre au préalable, il ne passerait pas à l'acte. Alors le leader militaire organise un grand meeting pour discréditer publiquement l'organisation des Precogs.
Mais entre temps, le héros apprend le contenu de la deuxième vision de meurtre : le leader militaire va devenir un salopard de fasciste qui va sérieusement foutre la merde dans le monde entier. Alors, Poum ! Au cours du meeting, le héros met une balle dans la tête du bonhomme devant tout le monde, ce qui était en fait UNE des deux visions où il le tuait bel et bien, avant d'être exilé sur Mars.


Malheureusement, Spielberg et Tom Cruise ne sauraient se satisfaire d'un pitch aussi alléchant, aussi ont-ils engagé deux scénaristes handicapés mentaux pour y mettre bon ordre.
Dès les premièrs instants, tout est débile : pour symboliser l'occurrence d'un meurtre-à-venir, l'organisation Pre-Crime fait graver deux boules de bois qui descendent dans un alambic pendant au moins 40 secondes, même quand ils n'ont un petit quart d'heure pour régler l'affaire. Ensuite, les noms des victimes et du meurtrier sont gravés sur chacune des boules, même quand rien dans la vision des Precogs ne donnait accès à cette information. ( Plus tard on apprend que ce procédé est là pour que les boules soient infalsifiables, mais c'est crétin puisqu'ils disent que jamais deux boules sont identiques, donc du coup elles sont potentiellement TOUTES factices ! ). Après une scène de "suspense" Tom Cruise parvient à éviter un meurtre au tout dernier moment et quatre connards arrivent en fanfare, brisant les vitres, etc... pour emmener le condamné. Quand on apprend qu'il n'y a eu AUCUN meurtre en 6 ans, je me dis qu'ils doivent drôlement avoir de la chatte, les flics-du-futur parce que là, c'était moins une !


Bref, passé cette intro, je suis prévenu : on est dans l'esbroufe et surenchère avilissante, pas dans du K. Dick. Même pas dans de la SF qui se respecte.

Ajoutez à celà une photo grise-bleue clinquante et dégueulasse comme seul Kaminski peut en obtenir, une partition Mickey-mousing et sans relief de John Williams, et une direction artistique complètement cramée ( des flingues-gadget dignes de Fisher Price, des voitures moches à pleurer du sang, et la prison la plus tarte de la galaxie : elle nécessite deux fois trop de place puisque des pilonnes de quinze mètres remplis de condamnés sortent du sol ! )... vous avez là le potentiel d'un somptueux nanar du dimanche, un genre que semble affectionner Tom Cruise ( Mission : Impossible 2, quelqu'un ? )

Seulement, quand on lit sur l'affiche : " Le meilleur film de Steven Spielberg " il y a de quoi trembler.
Parce qu'en plus de la susnommée absence manifeste de toute qualité artistique, le scénar va aller de Charybde en Scylla !


Comme ce petit fouineur de Colin Farrell veut rendre visite aux précogs, Tom Cruise lui dit que même lui il a pas le droit d'y aller. Question de sécurité. Mais dans la minute, il ouvre la porte et il y descend. Bon.

Ce petit incident, tel un fractal de Mandelbrot, est symptomatique du manque de talent des scénaristes, ou plutôt de l'Anti-Talent qui les caractérise ! Tout au long du film, ils se contredisent quand ça les arrange, et ils s'arrangent souvent... Alors là cramponnez-vous bien, je vais lâcher pléthore d'exemples, et ça sera rigolo.



Après une course poursuite " haletante " ( au cours de laquelle Colin Farrell, qui était décrit comme une gratte-papier procédurier et pénible depuis 40 minutes, décide d'affronter Tom Cruise à mains nues... ) le p'tit Tom se rend compte que garder ses yeux c'est pas bien parce qu'on peut te retrouver n'importe où à cause des pubs personnalisées. Il va rendre visite à Peter Stormare qui lui échange contre une paire d'yeux de monsieur Yakumoto en lui disant bien : " Faut pas enlever le bandage avant demain sinon t'es aveugle ! " Quelques minutes plus tard, une araignée-sondeuse-electronique lui fait enlever son bandage, et lui scanne un œil, mais il va bien il est pas aveugle.

Le lendemain, pour aller chercher Samantha Morton, il s'injecte une saloperie dans le menton pour " être méconnaissable " mais au final, il s'infiltre dans le QG de Pre-Crime par une porte dérobée qui mène à un couloir désert, et alors qu'il est le fugitif le plus recherché de la ville, il ouvre une porte secrète qui mène à la piscine-aux-Precogs avec son ancien œil qu'il a gardé dans un sac plastique ! Et l'ordinateur le laisse entrer... ( Au passage, la scène où il court après ses anciens yeux dans le couloir est hilarante )
La dessus, Colin Farrell utilise la machine-à-decrypter-les-rêves comme un virtuose alors qu'il l'a vue pour la première fois la veille, et cerne Tom Cruise dans un centre commercial. Samantha Morton organise alors un véritable balai avec un parapluie et des ballons pour tirer Tom Cruise d'affaire en le cachant aux moments opportuns... avant de lui dire : " Ne vas pas dans la chambre d'hôtel ! " Bah connasse, si tu voulais pas qu'il y aille, t'avais qu'à le livrer à Pre-Crime !

On apprend alors que le rapport minoritaire qui donne son titre au film n'existe même pas, puisque les deux autres Precogs ne peuvent rien faire sans elle ! Voilà qui arrange les scénaristes... foutre en l'air la vraie bonne idée de K. Dick ! Hoplà ! On nous annonce aussi que le futur meurtre supposé de Tom Cruise est en fait un piège : un mystérieux méchant à mis en scène la réapparition du sois-disant kidnappeur du fils de Tom Cruise afin que celui-ci le tue dans un accès de rage. Or au début, la boule en bois indiquait que c'était un meurtre prémédité... Mais ce n'est pas parce qu'on dit : " Si je retrouve le connard qui a fait ça je le tue " pendant six ans qu'on a prémédité quoi que ce soit ! En plus Tom Cruise finit par le tuer par accident, même pas par accès de rage ! La boule avait-elle tort ? Ensuite, comment se fait-il que Tom Cruise puisse tomber dans un piège alors que jamais il n'a été posé ?? Jamais il n'a reçu d'invitation dans cette chambre d'hôtel : dans une timeline originelle, il aurait passé son week-end à se droguer chez lui comme toujours !
Bref, comme les deux mecs Precogs peuvent rien faire, Max Von Sydow en profite pour révéler au public qu'il est le méchant, et tue Collin Farrell ! Tom Cruise va dans la prison-débile, mais sa femme arrive à l'en sortir... En s'introduisant dedans avec l'œil qu'il avait précieusement gardé !!! Les programmateurs du futur sont vraiment des gros crevards !

Là dessus il tend un piège à Max Von Sydow, qui se suicide sous ses yeux... Un quart de seconde avant que les flics du Pre-Crime ne déboulent ! Je savais bien qu'ils finiraient par être trop juste, bwahahaa !



Voilà. Une fois encore il m'a suffi de simplement raconter le film pour prouver à quel point il était ridicule.



Maintenant il y en a qui défendent la théorie selon laquelle toute la fin du film n'est qu'un rêve de Tom Cruise enfermé dans sa prison-débile. Je vais sans plus attendre vous dire : non les gars, vous avez plané du cul. A ce moment du film, Tom Cruise n'a pas eu accès à l'information que Max Von Sydow était le vilain ( d'ailleurs il l'apprend lors d'une ellipse ), donc je vois pas pourquoi il se mettrait à rêver de ça. Quand on l'a arrêté, il croyait dur comme fer que c'était Colin Farrell qui l'avait piègé. ( Soit dit en passant sa tentative de fuite lors de cette scène est pathétique ) Donc n'essayez pas d'ajouter de la matière grise où elle brille par son absence.


Ainsi s'achève ma descente en flamme. Je reste complètement ébaubi qu'on puisse mettre autant de pognon dans un film et qu'on ne prenne pas le temps de se relire ! Minority Report est aux côtés de A.I. la lie de la science fiction, et permet à Steven Spielberg d'être le seul à placer deux films dans mon Top 20 ET deux autres dans le Flop 20 de tous les temps.
L'homme de tous les records !

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le 1 oct. 2011

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Mike Öpuvty

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