Je voulais faire une vanne avec Lady Vengeance, mais j'ai pas trouvé

C’était bien filmé. Avec une froideur tendre. Une caméra qui fait deviner tout le scénario dès les premiers instants, juste par le brio d’une mise en scène discrète mais implacable. La raideur des personnages. Les yeux de la mère, avec un éclat singulier qui veut dire qu’elle n’a jamais pu grandir. Il n’y a guère de doute sur l’histoire qu’on nous déroule, bien que l’issue reste une inconnue. C’est ainsi à la fois la principale qualité et le principal défaut de ce film.
Principale qualité parce que, oui, cette mise en scène est bluffante. Bluffante d’efficacité, mais un peu stérile néanmoins, ce qui peut rendre difficile de conserver une attention soutenue. On ne peut pas vraiment parler de rythme, à mon sens il s’agit plus d’une exposition perpétuelle où il nous est donné de traduire le malaise qui nous est transmis par cette image aseptisée en éléments scénaristiques. Et c’est là que se trouve pour moi le principal doute concernant ce film : veut-on vraiment savoir, vérifier nos soupçons ?
Ce que le scénario va nous confirmer, en était-il vraiment besoin ? Je n’arrive pas à trancher. Entre la frustration de n’être pas tout à fait sûr et le sentiment de facilité de recevoir une validation, voici un fil sur lequel il n’est pas aisé de marcher. Ce n’est pas si important, néanmoins. Ce n’est pas cette question sur laquelle se joue la valeur du film. Avant tout, on retiendra l’ambiance.
Ce film m’a beaucoup rappelé Canine. Ce même huis clos familial malsain et despotique, où la caméra reste pourtant discrète, on pourrait presque dire pudique. Cette même réalité qui se devine mais ne s’affirme que peu à peu. J’ai eu une sensation vraiment similaire avec ce film, à mi-chemin entre le voyeurisme et l’ethnologie, une sorte de « perversion de bonne conscience ». C’est glauque, mais c’est tellement froid que ça en devient intellectuel, n’est-ce pas ? Austère à en devenir poétique.
Il reste néanmoins pour moi une question épineuse concernant le titre du film et, bien que ça soit un peu ridicule de le prendre en compte, je crois que cela me fait baisser ma note d’un point. Alors qu’on a un film que l’on croit filmé avec finesse, au point qu’en dépit d’un sujet délicat on se prend à croire qu’il ne tombe pas dans la provocation, voici qu’il est affublé d’un titre racoleur…
Qui en a décidé ? Pourquoi ? Etait-ce seulement la volonté du réalisateur ? Autant de questions que l’on est en droit de se poser quand on est sur le point de juger un film à son affiche. Pour autant, un titre, c’est tout de même un peu plus qu’un simple élément marketing. C’est le point d’entrée nécessaire du film, celui qui va tout de suite instaurer un angle de visionnage. Et ce titre m’a préparée à interpréter les événements que j’allais voir.
C’est un indice malvenu. De ce point de vue-là, je pense qu’il aurait été préférable que le spectateur entre dans le film libre de toute préconception ; alors on aurait vraiment vu si la mise en scène était bien suffisante pour révéler les non-dits, si les silences étaient bel et bien lourds de sens. Annoncer ainsi la couleur, cela revient à bazarder la finesse du film, à servir un thon rouge avec une mayonnaise industrielle. J’aurais aimé avoir un peu plus la sensation de « découvrir » ce film, plutôt que d’y « assister ».

Shania_Wolf
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le 16 avr. 2015

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Lila Gaius

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