Après un Clair de femme qui sonnait comme une anomalie dans la filmo de Costa-Gavras, Missing - Porté disparu renoue avec son cinéma politique. Pourtant, j'avoue que je le craignais un peu : des réalisateurs extra-américains qui ont tentés une carrière là-bas, on en connait, et davantage ont échoué que réussis. Heureusement, Missing est une réussite qui, bien qu'un poil en dessous de certains des autres films du réalisateur, selon moi, n'a rien à leur envier pour autant.
Costa-Gavras oblige, certaines scènes font mouches. Celle avec le cheval blanc aurait pu paraître grotesque, comme un simple et grossier renvoi à la liberté qui se fait assassiner, mais le fait que l'animal se fasse pourchasser par des membres de la junte à bord jeep, le côté ridicule de la scène en fin de compte, ne fait que la rendre plus macabre, et rappeler que nous sommes bien dans un film de Costa-Gavras.
La scène du stade aussi, avec ces tribunes plongées dans le silence, ces milliers de personnes emprisonnés et ce père, qui, au fur et à mesure que le récit avance, qu'il se confronte à la réalité, croit de moins en moins en ce gouvernement pour lequel il avait entièrement confiance jusque-là.
Mais forcément, la scène que l'on retiendra le plus est celle de la morgue improvisée : des cadavres étant entassés sur plusieurs salles… et même jusqu'à sur le toit.
Comme autres bonnes idées (moins marquantes), j'aurais tendance à noter la scène durant laquelle deux témoins décrivent une scène qu'ils ont tous les deux vues, sans pour autant se rappeler avoir vu exactement la même chose. Aussi, j'ai beaucoup apprécié la gestion des ellipses, qui ont tendance à nous faire perdre toute temporalité, tout se sente perdu les deux protagonistes qui tentent de retrouver Charles (l'ellipse de la fenêtre notamment).
On pourrait reprocher à Costa-Gavras le fait d'accumuler plus d'idées qu'il ne les exploite réellement. Le coup de la scène décrite différemment par les deux témoins, par exemple (qui se rapproche de l'effet Rashōmon), se révèle bien trop anecdotique, une bonne idée que le film ne tente pas d'exploiter. Le fait qu'il parte dans plusieurs directions à la fois aussi, avec certains flashbacks pas forcément bien placer, ou des passages trop explicatifs, suivis de scènes qui le sont beaucoup moins. Loin d'être des défauts qui m'ont dérangé, je comprendrais cependant que certains aient à y redire.
Là où je reprochais à un Section spéciale d'avoir perdu en intérêt le temps passant, la collaboration active de l'État Français n'étant plus à remettre en doute (quoique, vu les commentaires de certaines personnes aujourd'hui…) et le long se voulant trop proche de la réalité, au point où on n'était pas bien loin d'un documentaire ; Missing a l'avantage de se baser sur des événements pour lesquels, encore aujourd'hui, de nombreuses zones d'ombres subsistent, ce qui a permis au réal' de jouir d'une plus grande liberté, tout en rappelant au spectateur, dans les moments les plus opportuns, les nombreuses exactions du régime, le génocide intellectuel que le pays a subi durant cette période. Tout ça se concluant, comme souvent chez Costa-Gavras, sur un final coup de poing.
À une époque où de nombreux français aimeraient qu'il y ait plus « d'autoritarisme », pire, que certains arrivent même à fantasmer sur des leaders à la Pinochet (ça existe oui), je crois qu'il n'a jamais été aussi utile que de voir, ou de revoir, Missing… et toute la filmo de Costa-Gavras en règle général.