Ce film est magistral. Je ne connaissais pas le fait-divers à l’origine du scénario. Mais le parti-pris de mettre en avant les « méchants » est une très bonne idée. Tonya a été une des personnes les plus détestées des Etats-Unis et j’ai été très sensible au choix de fouiller le passé d’une personne condamnée par toustes. Une belle leçon d’empathie. Mais le cœur du film est ailleurs : Margot Robbie et son exceptionnelle interprétation. Quel plaisir de voir une actrice aussi talentueuse donner vie à une femme forte, complexe. Une battante, parfois dégueulasse, souvent violente et vulgaire.
Quelle joie de voir porté à l’écran un personnage à mille lieux de la douceur, de la candeur et de la sensualité passive habituellement associés à son genre. La performance d’Alison Janney est elle aussi époustouflante.
La réalisation est impeccable, on ne s’ennuie pas un seul instant. Les scènes de patinage sont très bien filmées, complètement immersives. Je n’aurai jamais pensé rester autant en haleine face à du patinage artistique.
Et puis, à la fin du film, une scène m’a émue comme rarement au cinéma. Dans les loges, face au miroir, Tonya doute, prise d’angoisse. Dans un éclairage bleu-vert qui tranche superbement avec le violet de sa tenue et de son maquillage, les larmes coulent sur son visage déformé par le stress. On pourrait croire qu’il ne se passe rien, mais tout se joue dans ce long face à face qui rend le spectateur inconfortable. Le masque revanchard se brise, les peurs de jeune fille affluent en masse et Tonya, pour une fois, se laisse aller. Sa performance, une fois sur piste, n’en est que plus courageuse. Nul ne pourrait rester insensible devant ce visage d’ange crispée, ravagé par la douleur, où le maquillage et l’éclairage offre la même palette de couleur que les ecchymoses qu’elle a récoltées tout au long de sa vie.