Forte de son succès dans Suicide Squad qui lui offrait un rôle haut en couleur, Margot Robbie revient cette fois-ci sur le devant de la scène dans la peau d'un clown triste.


Le ton du film est très vite donné : langage cru, adresse directe au spectateur, bande-son dynamique, la mise en scène du récit est placée sous le signe de l'irrévérence, pour épouser le caractère houleux et bien trempé de son personnage. C'est donc avec un quatrième mur allègrement brisé et une ambiance musicale 80's que nous suivons l'essor artistique de cette jeune patineuse; un essor qui ne se défait pourtant jamais de son milieu natal défavorisé.


Passant d'une éducation sans affection avec une mère intraitable, à la relation nocive qu'elle entretient avec son mari et ses douteuses fréquentations, notre personnage patauge dans un misérabilisme ambiant. Le patinage constitue dès lors son unique porte de sortie, son envol vers la liberté. Une passion qui s'est développée au prix d'une enfance sacrifiée sur l'autel du perfectionnisme. Tonya encaisse de nombreux coups, tant sur le plan physique que psychologique, de la part de ses proches mais aussi d'une fédération fermant les yeux sur son talent sous couvert d'une mauvaise image: elle reste ainsi désespérément prisonnière de son appartenance sociale, dans une discipline du paraître qui entretient l'illusion de récompenser le seul mérite.


La première heure respecte les codes d'une success story classique, où le talent finit par éclater au grand jour pour resplendir de mille feux, et apporter les fruits d'une gloire éphémère.
Cela étant, on assiste à un changement de direction drastique passé la première moitié du film: la mise en scène perd en intensité et se défait de ses artifices, pour se retrancher dans une description beaucoup plus factuelle et académique des événements. A l'inverse, le récit jusque là classique va détailler la mise en place de l'engrenage infernal qui va happer la jeune Tonya. La discrimination sociale et le patinage sont laissés de côté, pour se concentrer sur une suite d’événements digne d'un Pain and Gain. L'absurdité devient alors le maître mot, guidant tous les protagonistes de cette curieuse mascarade à leur perte.


Moi, Tonya raconte l'histoire d'un immense gâchis, d'un jeune talent étouffé dans l’œuf; d'un destin qui ne parvient pas à s'abstraire du déterminisme, et auquel les institutions n'ont été d'aucun secours. Toujours battante, Tonya fait partie de ces oubliés de la Grande Histoire, qui encaissent bien trop de coups sans pouvoir les renvoyer.

Darkgunner
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le 11 avr. 2020

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Darkgunner

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