Au milieu de toutes les comédies françaises potaches et éculées, on en trouve parfois quelques unes qui font au moins l’effort de tenter. Vous savez toutes ces comédies françaises potaches et éculées qui sortent chaque année et dont le petit français moyen semble toujours se satisfaire allègrement, et ce devant le regard médusé des cinéphiles aguerris qui ont une connaissance suffisante des rouages de la machine pour comprendre ce que signifient plusieurs millions d’entrées pour un long métrage français dans son pays d’origine, à savoir : toujours plus de comédies potaches et éculées sans inventivité pour toujours plus tirer sur l’élastique jusqu’à ce qu’il lâche.
Mais là est le problème : lâchera-t-il un jour ? Lorsqu’on voit la fréquentation des salles pour les films de ce style et ce que le spectateur lambda en attend et en retire, je me dis que l’élasticité est encore large. Donc justement, comment enrayer ce système qui semble si bien huilé tout en continuant d’essayer d’aller voir des comédies pour trouver les petites perles ? En ce qui me concerne je n’ai pas encore réellement trouvé la solution, même si l’expérience et le nombre de films vus me permettent parfois de déceler à l’avance si ça sent le roussi. Cependant, ne dit-on pas toujours qu’il faut avoir vu avant de pouvoir critiquer ? Et comment prendre le risque d’être surpris si on ne juge un long métrage qu’à travers ses outils promotionnels ? Autant de questions qui n’aideront pas nécessairement à résoudre le problème majeur qui est sans doute la nature très superficielle du septième art aujourd’hui : une machine à fric qui a beaucoup délaissé l’art au profit de l’argent. Ainsi, je continue d’aller voir des comédies françaises, dans l’espoir de ne pas voir quelque chose de potache et éculé, dois-je en être fouetté ou remercié ? Le jury délibère.


Alors non, toutes ces digressions n’ont pas forcément pour but de mettre en avant le film exceptionnel qu’est Mon Chien Stupide, car toutes proportions gardées, il ne l’est pas tant que ça mais j’estime qu’il sort tout de même du lot et qu’il pouvait au moins me donner l’occasion de caler toutes ces phrases alambiquées, à croire que les introspections d’écrivain désabusé du personnage d’Yvan Attal en voix off m’ont donné de l’inspiration. D’ailleurs des inspirations j’ai eu l’impression d’en voir un certain nombre dans les différents éléments du film, que ce soit dans les détails, l’histoire elle-même ou encore les personnages. Le gros chien bien sale et encombrant me donnait l’illusion de voir une sorte de Beethoven, le personnage d’Yvan Attal qui envoie chier un peu tout le monde m’a fait penser à Alain Chabat dans Les Gamins, celui de Charlotte Gainsbourg m’a fait penser à son rôle dans Prête-moi ta main sur certains points, et surtout le rôle de l’écrivain cynique et sarcastique, en pleine crise de conscience, auteur d’un seul grand succès et en panne d’inspiration depuis, qui conduit une vieille Porsche et habite en bord de mer, il manque seulement la surdose de sexe, de drogue et d’alcool pour donner une sorte de remake sur grand écran de la série Californication. Une petite précision tout de même au passage, c’est que le film est adapté d’un livre donc niveau inspiration je parlerais surtout en termes de mise en scène et d’interprétation.


A la réalisation, on retrouve Yvan Attal, qui là peut paraître académique mais qui montre de temps en temps une volonté artistique dans la construction des plans, notamment dans la gestion des gros plans mêlés à l’action en arrière plan. Au-delà de ça, le film suit une progression linéaire mais rythmée, que ce soit au travers des différents tracas familiaux, de la voix off d’Henri Mohen/Yvan Attal ou de l’humour global et de tout cela à la fois. D’ailleurs cet humour m’a finalement beaucoup plu même si je n’ai pas adhéré tout de suite. Pourtant les sarcasmes, le cynisme et les échanges de punchlines fusent parfois dans tous les sens entre Henri Mohen et les autres membres de sa famille qu’il ne supporte plus et réciproquement. Un genre d’humour qui sera même plutôt salvateur et jouissif lorsqu’on se met à la place du personnage.
Et le chien dans tout ça ? Il n’a pas le rôle principal mais il constitue tout de même le nœud de l’intrigue dans le sens où c’est plus ou moins lui qui déclenche la prise de conscience d’Henri Mohen. Ce chien du doux nom si finement trouvé de Stupide est tout simplement une allégorie de la nostalgie du personnage. Une allégorie qui est en fait assumée plutôt clairement dans le film à travers la voix off puisqu’elle matérialise donc tous ses regrets, sa famille qui l’étouffe, son manque d’inspiration, sa jeunesse perdue, son succès littéraire si éphémère, etc…


Malgré tout ça on pourrait se dire que le produit fini n’est pas si exceptionnel quand on y pense mais le dosage global est bon et c’est peut-être ça qui fait un peu la différence avec les autres comédies de base, que ce soit dans le grossissement des traits pour le besoin de la comédie, dans l’introspection et la remise en question, dans le jonglage entre l’humour et les passages dramatiques... Et ce sans compter la variation de l’humour entre les répliques cinglantes, le comique de répétition, le comique de situation, ou encore la caricature. Alors peut-être qu’à force de se faire gaver de comédies potaches et éculées on se satisfait de peu, ce n’est peut-être pas la comédie de l’année, mais c’est une comédie qui a le mérite de divertir correctement et d’essayer de sortir du lot. C’est le principal au fond non ?

MasterFox
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le 3 nov. 2019

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