A coucher ensemble, l'avocate et la criminelle se sont mises dans le de beaux draps... (L'inspecteur de Police au tribunal, joué par Laspalès)
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Osons ? Allez j'ose : c'est bien le premier film d'Ozon (1967) que j'apprécie ! Non pas que j'ai vu ses vingt-quatre réalisations depuis 1998 dont celle-ci-ci est l'antépénultième en 2025, mais la surprise aura été de taille...
D'ailleurs, l'entraînante musique de Philippe Rombi façon 1930, est une entrée en matière enthousiasmante dès le générique de début, et ressemble à une entrée en fanfare comme dans les cirques du temps jadis, et pouvant encore s'offrir un orchestre...
Seconde surprise comme je les aime : si je fustige habituellement les transfusions théâtre/ cinéma qui sont transgenres, ici elle transfigure le scénario initial...
Si on n'a jamais vu les spectateurs d'une salle de théâtre s'enfuir à contrario ce fut ce qui se passa lors d'une projection au cinéma du premier film, montrant un train entrer dans la gare de La Ciotat d'une telle réalité que ce fut le "sauve qui peut" dans la salle...
Le cinéma a besoin d'espaces, de mouvements, "que ça bouge" que ça vive, que ça vibre...
A contrario, les spectateurs du grand écran n'influeront jamais sur le comportement des comédiens... Lesquels vivent à l'unisson avec leur public, le sentent comme les mouches une bouse de vache !
Et cet échange acteurs-public : constitue un accouplement jouissif de "je donne tu prends" (et son inverse) permettant instantanément aux premiers de ressentir les émotions de la salle...
Pas au cinéma là où la froide caméra filme comme si on s'adressait à un mur...
On ne va pas jouer au théâtre comme si on allait travailler au bureau : au cinéma, si !
Car on n'y verra jamais comme au cirque un dompteur se faire "bouffer" pour de vrai par ses lionnes... Ou un trapéziste devenir para plégique s'il loupe la barre du trapèze.
Surprise, : Ozon a aéré la pièce en cinémascopant son environnement : une pièce de théâtre genre vaudeville assassin de 1930 : "Mon crime !"… de Georges Berr et Louis Verneuil affichée en 1934 au théâtre des Variétés.
Le réalisateur l'a pimentée à la sauce Sacha Guitry au point que c'en est un régal.
Les femmes ? L'acteur, dramaturge, metteur en scène, réalisateur et scénariste né avant 1900 s'en disait ..."contre, tout contre"...
Il créa entre autres le film : "Si Versailles m'était contée..."
Le réalisateur a pourtant risqué un jeu dangereux : recréer un film des années trente n'était pas une sinécure car les anachronismes guettent, mais il y échappe...
Seules les superbes voitures anciennes dénotent car leur restauration et sorties bichonnées amoureusement et sorties d'un musée crèvent les yeux ! C
omme ces Peugeot 200, 300 ? qui "louchent" et dont la peinture (trop) rutilante est plus belle et luisante que celles sortant neuves de Sochaux dans ces années trente...
En outre, si Ozon est un des rares cinéastes français à s'occuper à la fois de la réalisation, de l'écriture et de la production de ses films, il ne tourne pas "à la pépère" et ne craint pas de se remuer avec ses équipées de tournage : comme ici : en de nombreux endroits parisiens,
et d'Ile de France, mais aussi a Bordeaux,à Charleroi et Bruxelles (Belgique) dans la villa du baron Empain où se déroule la scène de crime.
Mais aussi aux studios de Bry-sur-Marne) en Belgique...
Les décors de Jean Rabasse sont superbes, et les costumes ne sont pas en reste : Pascaline Chaval a été césarisée trois fois...
Essentiels dans la réussite de ce film qui a failli s'appeler initialement "Bernadette", les responsables de son casting : David Bertrand et Anaïs Durand, nous offrent un florilège de monstres sacrés du cinéma, d'anciens du spectacle ou music-hall, avec au hasard Isabelle Huppert avec laquelle Ozon n'avait pas tourné depuis vingt ans et qui se déchaîne en fofolle jalouse...
Fabrice Lucchini en procureur à lunettes qui se désole en procureur qu'un coupable vienne se dénoncer d'un crime "déjà pris" mais qu'il y en a d'autres, avec pour greffier-dactylo Olivier Broche, Dany Boon qui oue les entremetteur et architecte, Dussolier comme futur beau-père de l'ex criminelle, Laspalès (sans Chevalier) qui apparaît comme flic enquêteur, de la Personne en bailleur intègre, Evelyne Buyle (ex "la Brocante") en actrice, Michel Fau en VRAI avocat général, Daniel Prevost en président des Assises, Myriam Boyer en concierge trop curieuse, et jusqu'au diplodocus Dominique Besnehard qui simule le rôle furtif d'un chef de rang au resto (...)
Il est rare que je détaille une distribution, mais elle est tellement variée et surprenante que peu sauraient résister à cette pochette-surprise...
Théâtre oblige, le récit est alambiqué, et Dieu merci, i s'avère bien plus léger et amusant que si ça avait tourné à la farce dramatique : je vous le fais court :
Une jeune fille fiancée apprend que son promis va devoir en épouser une autre pour sa dot qui arrangerait bien les affaires déficitaires de son entreprise... Elle va rencontrer un producteur susceptible de lui fournir un rôle et il accepte si elle s'abandonne corps et sans état d'âme à lui, ce qu'elle refuse ! Ce producteur va être assassiné et elle va être soupçonnée par la Police... Elle nie mais une copine avocate la convainc qu'un aveu et une condamnation ne nuirait pas à leur promotion respective... Ce qui se produit car le tribunal va prendre fait et cause pour celle qui afin de sauver sa vertu (et son hymen) n'a pas hésité à flinguer un friqué érotomane et criminel... Le succès au théâtre et pour l(avocate vont suivre jusqu'au jour où la vraie meurtrière elle, est consciente d'être passée à côté du jackpot et vient faire chanter les deux donzelles...
Hélas, le tandem accusée/ avocate Nadia Tereszkiewicz et Rebecca Marder s'il cabotine parfaitement comme en 1930, ne convainc pas et casse l'ambiance... La comparaison avec Huppert est fatale aux deux autres sans maturité professionnelle, même si Ozon leur avait trouvé un physique très 1930.... Quant à la diction de l'une... où est le temps des comédiens ariculant les syllabes genre Lucchini au-lieu des les ingurgiter ?
Un peu comme si l'écrin avait été plus beau que le bijou... Quel dommage !
Je n'ai pas non plus cherché les faux-raccords mais au-moins constaté l'un : lorsqu' une des deux héroïnes mange la moitié d'un hot-dog, au plan suivant, la saucisse est entière ! Ce n'est pas la multiplication des pains mais des saucisses !
Un régal quand même à suivre : ce film est si surprenant !
Le million pour François Ozon ! Ce ne fut pas le haut du podium et le jackpot comme pour "Super Mario Bros, le film) en 2023 mais 1 091 489 spectateurs et une quarante troisième place sur quarante-cinq longs métrages ayant atteint les sept chiffres cette année-là !
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France 2 le 09.11.2025-