De l'Opération Barkhane au Sahel, que savons-nous ?


Que plusieurs milliers de soldats français sont engagés au Sahel dans des opérations couvrant un vaste territoire de la taille de l'Europe. Que quelques centaines d'hommes en provenance de l'Union européenne participent à différentes missions. Que le dispositif est complété, avec plus ou moins d'efficacité, par la présence sur le terrain de la Force conjointe du G5 Sahel qui allie les cinq Etats africains concernés. Les journaux télévisés nous montrent épisodiquement des images de colonnes de véhicules blindés transporteurs de troupes, de bivouacs, de vols d'hélicoptères de l'armée de terre et d'opérations de poursuite d'un ennemi bien réel mais souvent insaisissable.


Que de plus en plus souvent, une ou plusieurs dépouilles de nos soldats sont rapatriées et qu'un hommage national leur est rendu dans la cour d'honneur des Invalides.


Quelquefois, nous entendons le mot « opex » pour opération extérieure et apprenons que des bataillons appartenant à divers régiments se relaient de quatre mois en quatre mois, parfois plus. Nous avons découvert, non sans surprise et à l'occasion de la mort du dernier soldat que dans le désert du Sahel se côtoient des Chasseurs alpins, des Marsouins, des parachutistes et des Légionnaires.


C'est à l'occasion des tragédies qui les frappent que nous découvrons que ces soldats sont également des femmes et des hommes, avec compagnons et compagnes, fille et fils , mère et père eux-mêmes.


Mon légionnaire n'est pas un film sur l'Opération Barkhane; il n'est pas un film de guerre. Il est un film qui nous montre des hommes sous l'uniforme, des compagnes et des épouses, des enfants également, dont la vie n'est pas rythmée d'une manière ordinaire mais par des alternances de longues absences et de difficiles retrouvailles, la plupart du temps sur fond d'inquiétudes lancinantes.


Dans son film, Rachel Lang nous fait côtoyer ces soldats, qui vivent ensemble 24 h sur 24, dans une solidarité absolue pour se protéger et se renforcer, qui côtoient la mort, en la donnant mais en étant eux-mêmes frappés par elle parfois.


Ces hommes sont attendus, rentrent en permission chez eux, avec des difficultés à laisser ce qu'ils ont vécu derrière la porte. Deux vies parallèles, très différentes à tout point de vue qui doivent en un instant se rejoindre, trouver une harmonie pour revivre une vie de couple et de parents.


Vlad/ Aleksandr Kuznetsov est venu d'Ukraine pour un engagement volontaire dans la Légion étrangère. Maxime/Louis Garrel est un jeune lieutenant frais émoulu d'une école militaire. Le Sahel est sa première « opex » et le commandement d'une section de la mission Barkhane sa première affectation.


Céline/ Camille Cottin est l'épouse du lieutenant et Nika/Ina Marija Bartaité, la jeune fiancée ukrainienne qui brûlait de se rapprocher de l'homme qu'elle aime et qu'elle épousera lors d'une permission. Céline et Maxime ont un fils d'une dizaine d'année et ont eu le temps de construire leur relation avant l« opex ».


Céline est avocate avec par conséquent une insertion professionnelle et sociale. Nika est une jeune femme, déracinée de son pays natal, sans insertion professionnelle ni sociale. Elle est en attente de construire la relation amoureuse avec Vlad, de fonder une famille ce qui est à mille lieux des attentes de l'élu de son cœur. Vlad veut trouver sa place dans la légion qui est sa nouvelle famille en attendant d'en trouver une dans le   pays dont il a choisi de faire sa nouvelle patrie.


La fiction ne trahit pas la réalité, la réalisatrice Rachel Lang met le doigt sur ce qu'un officier à la retraite au domicile duquel Nika trouve un hébergement provisoire appelle pudiquement « la base arrière » du soldat. L'association des épouses est attentive au moral de la troupe en « base arrière » et veille au grain jusqu'à devenir potentiellement intrusive.


Céline a de son côté des amis étrangers au milieu militaire, ce qui n'est pas le cas de Nika. Cette respiration extérieure induit que le bien-fondé et les motivations réelles, supposées dissimulées, de notre intervention en Afrique peuvent être évoqués de manière très critique et même caricaturale à l'occasion. Lors d'un repas amical ,des amis de Céline expriment des réserves sévères sur nos engagements au Sahel en présence de Maxime. Rachel Lang traduit ces idées qui traversent la société civile; elle évoque tout autant le sentiment que cela peut inspirer à un officier engagé en première ligne et les réponses qu'il peut donner autour d'une table.


J'ai été voir ce film, volontairement, sans a priori et pour tout dire sans attente particulière. Il n'est pas deux choses : il n'éclaire en rien les raisons qui expliquent notre présence au Sahel, il n'est en aucune manière une apologie de l'intervention militaire qu'un Etat-Major qui serait aux abois aurait pu commander. Il tient davantage du documentaire que de la fiction et s'en tient à l'intention première de la réalisatrice de montrer simplement des hommes et des femmes, d'horizons divers, engagés dans une situation difficile à vivre. Ce qui est une manière de rendre justice et d'honorer autrement ceux que nous envoyons en première ligne.


Ce film de Rachel Lang, documenté, est une invitation à l'attention et se complète dans ma pensée par la silhouette d'une jeune femme et d'un petit garçon debout à ses côtés, il y a quelques semaines, dans la cour d'honneur des Invalides.

Freddy-Klein
8
Écrit par

Créée

le 7 oct. 2021

Critique lue 466 fois

1 j'aime

Freddy Klein

Écrit par

Critique lue 466 fois

1

D'autres avis sur Mon légionnaire

Mon légionnaire
Fêtons_le_cinéma
4

La crise des familles

Mon Légionnaire investit la guerre par le prisme de la souffrance morale, en ciblant la douleur que ressentent les membres d’un couple séparés par les missions à l’étranger, autant d’épreuves à...

le 29 sept. 2021

8 j'aime

2

Mon légionnaire
Cinephile-doux
6

Loin du sable chaud

L'attente et l'absence. Dans Mon légionnaire, Rachel Lang filme autant les compagnes des soldats, dans leur quotidien plutôt banal, que les hommes de la Légion étrangère, au Mali, aux prises avec un...

le 28 sept. 2021

5 j'aime

Mon légionnaire
ArthurPorto
7

Le "choix" du Légionnaire!

Film sélectionné par la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes et qui me paraît un bon choix. « Mon Légionnaire » montre comment la vie d’un militaire et la vie d’un couple est parfois...

le 27 août 2021

4 j'aime

3

Du même critique

Papicha
Freddy-Klein
9

Critique de Papicha par Freddy Klein

Les mustangs sont indomptables. Nedjma, 18 ans, étudiante, se faufile le soir à travers le grillage qui entoure sa cité universitaire. Elle rejoint une amie pour se rendre dans une discothèque huppée...

le 24 mars 2023

42 j'aime

6

L'Appel de la forêt
Freddy-Klein
1

Critique de L'Appel de la forêt par Freddy Klein

Quand l'écran s'est éteint et quand la lumière est revenue, j'ai vu au fond de la salle Jack London adossé à un mur. Son beau sourire n'illuminait plus son visage et je vis une larme couler sur sa...

le 20 févr. 2020

27 j'aime

7

Antoinette dans les Cévennes
Freddy-Klein
9

Critique de Antoinette dans les Cévennes par Freddy Klein

Je m'appelle Patrick, je suis dans la fleur de l'âge et toujours d'une grande disponibilité pour qui sait me parler et me prêter un peu d'attention. Ames solitaires et surtout sensibles, chaque...

le 20 sept. 2020

17 j'aime

6