Mon Roi c’est un film de Maïwenn, écrit par Maïwenn, inspiré de la vie de Maïwenn racontant l’histoire de Tony, interprétée par Emmanuelle Maïwenn, dans sa relation d’amour destructrice avec Georgio, joué par Vincent Maïwenn qui incarne un des pervers narcissiques les plus fascinants du cinéma, parce que Maïwenn dénonce ça justement : le narcissisme.


J’ai craché mon fiel, on peut commencer : Mon Roi est un vrai bon film, pour certains le gagnant de Cannes et un grand huit d’émotion de plus de deux heures mené d’une main de maître, j’ai un avis plus nuancé mais cela ne m’empêche pas d’avoir beaucoup aimé ce que j’ai vu.


Pour être tout à fait honnête je n’attendais rien, je n’avais pas aimé Polisse, lui reprochant son montage clipesque, sa caméra peu soignée associé au fait de prendre des personnes connues et sympathiques (Karin Viard ou Joeystarr) pour leur faire jouer à peu de chose près leurs propres rôles dans un scénario au relent d’enquête M6. Bref, ça ne m’a pas touché, ça m’a même irrité par sa fausse naïveté en guise de réalisme.


Quelque part Mon Roi commence comme ça, je me suis demandé les cinq premières minutes si je n’allais pas sortir de la salle. Pour faire simple, on arrive in medias res devant Bercot qui va avoir un accident de ski (intentionnel ?) l’amenant dans un centre de rééducation où tout au long de sa guérison elle va se rappeler sa relation tumultueuse avec Georgio et son ego pour essayer d’en repartir rétablie aussi physiquement que mentalement. Le problème c’est que l’on subit une scène de dialogue quasi-insoutenable de philosophie de comptoir où une thérapeute explique à Tony que pour réparer son genou il faut réparer son je-nous, sa relation… Heureusement Maïwenn rengaine ses gros sabots et sort l’arme qu’elle manie le mieux : l’étude de caractère, et là le film en devient brillant.


Le scénario, on l’a vite deviné. Emmanuelle Bercot joue une femme forte, qui a du chien à défaut d’être un canon de beauté, avocate au nom masculin (Tony), elle va tomber entre les griffes de Vincent Cassel, homme d’affaires au passé inconnu avec lequel elle va connaître un amour fulgurant quelque temps avant de souffler sur les braises de leur relation toutes les années qui suivront. Rien ne va lui être épargné. Vous pensez adultère ? C’est du petit lait face à ce que Tony subit et qu’elle va nier, combattre, accepter, détester tour à tour. Le jeu d’amour/haine que Georgio instaure est fascinant, non seulement par la qualité de l’écriture qui, en plus de le rendre crédible, nous pousse à une véritable réflexion sur les comportements que l’on voit ou adopte au quotidien, et est joué par le meilleur (le seul ?) acteur possible pour ce rôle : Vincent Cassel, personnage objet de haine et d’admiration coupable parfait de bout en bout. Qui triche avec elle au moins autant qu’avec le fisc pour imposer ses caprices. Oscillant entre besoin de liberté absolue et sa dépendance destructrice à Tony. On ne l’aime pas, on ne peut le haïr, on est fasciné. Brillant.


Ils s’aiment, elle se rebelle, ils se détestent et se récupèrent, et le spectateur reste médusé devant ce couple dysfonctionnel sombrant plus ou moins dans l’autodestruction. On a par moments envie de secouer Bercot, de lui crier « réveille-toi » mais toujours on reste empathique dans son calvaire entrecoupé de quelques moments de tendresse.


De même toute la galerie de personnages les entourant sont soignés, de l’ex de Georgio, mannequin psychologiquement instable, au frère de Tony (Louis Garrel qui mérite un prix du meilleur second rôle) et à ses tentatives crève-cœur de protection de sa sœur insortable du gouffre d’emmerdes dans lequel elle s’est jetée par envie de croire à son histoire d’amour, tout sonne juste. Il y a aussi Norman (le youtubeur), loin d’être mauvais dans son rôle mais le temps de se demander « mais qu’est-ce qu’il fout là ? » qu’il a déjà disparu. Pour moi il est sporadique de la volonté de Maïwenn que tout le monde se retrouve dans son film en y mettant des éléments qui parleront à chacun, même si ça me hérisse un peu le poil au final.


Le pire/le meilleur c’est que loin d’aller vers le tire larme, le film adopte constamment un ton léger et ironique qui nous maintient alerte devant le naufrage de ce couple dépendant façon parasite/hôte. Ironie qui a l’effet pervers de nous mettre cette boule au tripe à chaque fois que l’on sourit en voyant le charme de Cassel récupérer Bercot, signe qu’on est reparti sous peu pour la voir brisée. Mon Roi contient ainsi son lot de scènes quotidiennes transcendées par leur traitement, un réveillon de Noël ou une rencontre parent prof où la banalité de ce qui est présenté en montre beaucoup et intelligemment.


Et pourtant tout est loin d’être parfait. Mon Roi est un peu comme Benjamin Button ou certaines Sitcom présentant une classe moyenne qui semble constamment être en vacances ou au resto, mais au-delà de ce détail je défends quiconque de trouver un plan excédant les vingt secondes même si paradoxalement certaines scènes m’ont paru un peu étirées. Un montage rapide qui a tendance à fatiguer sur plus de deux heures bien qu’il serve grandement le réalisme quasi naturaliste voulu. Quelques tentatives de métaphore ou des idées amenées grossièrement qui tombent dans la niaiserie sont à noter. Et un défaut qui tient à l’histoire en elle-même, ils s’aiment, ils se quittent, il vient la récupérer et on recommence, après ce n’est que vers la dernière demi-heure que ça m’a pesé, que l’on perd l’équilibre subtil auquel Mon Roi avait abouti, mais je suis intimement persuadé que le film aurait (un peu) gagné à être un chouïa moins long.


Au final, Mon Roi c’est l’étude de caractère de notre société la plus brillante qui m’ait été donné de voir depuis un bon moment, une claque qui nous hante bien après la sortie de la salle grâce aux deux gros point fort de Maïwenn, sa direction d’acteur et son réalisme.


(critique issue de :http://cinematogrill.e-monsite.com/articles/sorties/mon-roi.html)

Max_Decerier
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le 27 oct. 2015

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