Alejandro Amenábar c’est un bon.


Réalisateur-scénariste classé vite fait bien fait dans les premiers de la classe de la vague du cinéma d’épouvante espagnol (ouais c’est assez précis comme catégorie mais c’est là-dedans qu’on range le labyrinthe de pan, l’orphelinat, la secte sans nom, que des films fantastico-horrifique qui jouent sur leur atmosphère plutôt que sur les grosses bébêtes qui font plus peur que tante Brigitte vêtue d’un masque de nuit au concombre et de pas grand-chose d’autre en pleine crise de somnambulisme, surtout si tante Brigitte est en fait biologiquement un homme et que personne dans ta famille n’a cru bon de le mentionner et que depuis cette image te pousse à te recueillir en position fœtale pour gémir à chaque fois que tu vois une salade composée…….)


Amenábar donc a commencé sa carrière en 1996 par un excellent film d’angoisse, Tesis, où une jeune étudiante en cinéma tombe sur un trafic de snuffmovie (vidéo/légende urbaine ou de véritables meurtres serait filmés) avant de confirmer son talent pour l’angoisse avec Ouvre les Yeux pour enfin devenir la coqueluche de tout le monde quand il a sorti Les Autres » en 2001. Film mettant en scène Nicole Kidman dans une (très) inquiétante histoire de manoir hanté avant d’être vite oublié.


Oublié parce qu’il a quitté la case de l’horreur dans laquelle le public l’avait mis puis parce qu’il y a eu Agora en 2009, péplum présentant la vie d’une philosophe à Alexandrie, c’était beau, intelligent et il lui manquait 35 millions de dollars pour être rentable....
Pour les producteurs ok, mais je ne sais pas pourquoi le public s’est si vite désintéressé d’Aménabar après n’avoir eu que son nom à la bouche autour de l’an 2000, c’est vrai qu’il n’a pas une « patte » aussi marqué qu’un Guillermo Del Toro mais chacune de ses œuvres est le fruit d’une véritable réflexion sur son sujet qui se ressent fortement à l’écran. De l’angoisse propre à la faculté de cinéma de Tesis à l’éclairage à la bougie des autres, il y a vraiment quelque chose qui m’a accroché dans son cinéma. Sans compter la présence d’héroïnes fortes sans trop en faire, des personnages féminins résolument crédibles qui sonnent juste, à des années-lumière de la blonde de film d’horreur ou du policier caucasien avec sa barbe de trois jours et son whisky des thrillers fantastique post Seven, exactement comme Ethan Hawke dans Régression.…


Et merde ! je croyais tenir un élément récurent moi !


Donc dans un coin paumé des Etats Unis des années 80 ou 90, monsieur le policier va être confronté à une lettre d’une jeune fille qui accuse son père d’attouchement sexuel. De fil en aiguille l’enquête qu’il va mener va le conduire à une plus vaste échelle où sont impliqués des satanistes se réunissant en messes noires dans tout le pays. Ceci en étant divisé entre l’avis du psychiatre qui l’accompagne, spécialiste des « régressions », c’est-à-dire de l’utilisation de l’hypnose lors des interrogatoires pour augmenter les détails des aveux de ce que l’interrogé pense avoir oublié ou occulté, et l’avis du prêtre. Religieux qui protège ses ouailles du malin et qui met en garde notre héros des forces obscures qu’il affronte, à l’opposé du rationalisme scientifique et de l’athéisme farouche du psychiatre. Pas subtil comme un dialogue de Visconti mais suffisamment que pour fonctionner


De ce point de vue l’écriture des caractères de l’Amérique profonde, petites villes emplies d’ex-alcoolique qui ont troqué la bouteille pour Jésus, bigots crédules ou universitaire campé sur leurs positions, flic pour qui le « pas vu, pas pris » est un crédo quotidien, est vraiment un plaisir à suivre.


De plus l’engrenage qui met en branle toute la machinerie de l’enquête n’est pas à oublier : Emma Watson. Alors oui il y a une vie après Harry Potter et elle est carrément exploitée à fond dans ce rôle qui joue aussi sur la perception que l’on a à l’avance du personnage mais je trouve qu’elle est un peu trop « classe » pour quelqu’un issue d’une famille de white trash rongé par l’alcool.


L’écriture et les acteurs sont impeccables, l’histoire semble un peu classique au premier abord mais elle réussit globalement à maintenir en haleine malgré une redondance dans la seconde moitié. Néanmoins le côté « les satanistes sont parmi nous », la sensation d’inquiétude paranoïaque grandissante du héros associé à l’impression constante que tout le monde en sait plus que ce qu’ils veulent bien dire a tout pour plaire ! Sauf que…


… globalement c’est bien fade. La résolution finale est d’une intelligence remarquable, d’une habile méchanceté envers les thrillers série B auquel Régression appartient presque malgré lui, par snobisme, mais le principal problème est qu’il ne suffit pas à atténuer la sensation que l’intrigue tourne en rond un bon moment avant que la conclusion n’arrive. Il ne veut pas aller dans l’horreur, c’est tout à son honneur mais trop de retenue affaiblie le propos. Sur papier les idées développées sont géniales mais à la sortie le film ne m’a pas transporté plus que ça.


Forcément le budget était minime (vingt millions de dollars, dix de moins que Prémonitions par exemple) mais certains effets, les rêves et les séquences de régression les premières, font terriblement penser à une mauvaise série télé. Si on y ajoute des références un peu trop marquées à tout un tas de classique (l’exorciste pour l’ambiance, Shining pour la jeune fille qui se transforme en vieille au pire moment) et une histoire pépère sans scène d’action ou de véritable mise en danger des personnages, on arrive au bout du compte à une œuvre maitrisée qui se termine là où le réalisateur veut nous emmener mais qui manque cruellement d’ambition pour se distinguer de la masse des policiers qui lui ressemble plus ou moins. Régression est un bon film mais un peu trop aseptisé que pour réellement valoir le coup au cinéma, un soir sur un canapé peut-être.


En fait True Detective saison 1 c’est vachement mieux, faut le reconnaitre.


( critique issue de http://cinematogrill.e-monsite.com/articles/sorties/regression.html#cvZ6DOAzf4ztzdyW.99)

Max_Decerier
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le 2 nov. 2015

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