S’il y a bien un film que j’attendais, c’est celui-ci (avec Pacific Rim 2, désormais annulé jusqu’à preuve du contraire, la vie est une redoutable gérante de pension avec un goût prononcé pour la cortisone et les punitions corporelles… je m’égare), prêt à sortir en 2013, le film pour un problème de planning a été repoussé à septembre 2014 avant que les difficultés financières de sa société de production (Worldview Entertainment, qui a ma reconnaissance éternelle pour avoir remis Friedkin sur les rails en 2011 avec Killer Joe) ne laisse le film en attente. Après son rachat par Jason Blum aux USA (le producteur/rouleau compresseur qui est à l’origine d’une dizaine de films d’horreur par an : paranormal activity, american nightmare, Unfriended, etc) et Wild Side en France, le film est prévu pour le 16 octobre en e-cinema et c’est déjà ça.


Bon du coup ça vaut quoi ? Dès le début du projet Eli Roth a annoncé vouloir ressusciter le prolifique genre du film de cannibale des années 80 popularisé par le cultissime Cannibal Holocaust de Deodato. Quand le mec derrière Hostel 1 & 2 annonce ce projet, j’ai été incapable de voir en quoi ça pouvait ne pas être une bonne idée. D’autant plus que Roth avait prouvé son respect au maître italien en lui offrant un caméo dans Hostel 2, en nommant le film Green Inferno, ce qui a été le titre de travail de Cannibal Holocaust et en localisant le tournage en Amazonie avec la participation des locaux comme l’original.


À l’arrivée il y a tout de même une différence notable, là où le film de Deodato a quasiment créé le genre du found footage (le style de Blair Witch, Rec ou Cloverfield) et a été d’un réalisme tel (encore aujourd’hui) qu’il a créé une polémique tout à fait crédible comme quoi ces acteurs se seraient réellement fait bouffer pendant le tournage tout en recelant une virulente critique contre la quête de sensationnalisme par les médias, le film de Roth est grosso modo une comédie potache un peu trash.


… Oui, j’ai été déçu ! En même temps quand on me vend pendant deux ans un dernier film d’horreur comme à la grande époque, d’une tension à couper le souffle qui ne fait aucun compromis tant dans la violence que dans son propos et qu’on me distribue un sac à vomi à l’entrée de la salle, je ne m’attendais pas à ce que une heure après les héros capturés par la tribu fourrent un cadavre d’herbe pour en faire un space cake humain en citant Scooby-Doo.


Bien sûr, j’étais mort de rire, mais je n’étais pas vraiment venu pour ça à la base. C’est comme mordre dans un clafoutis à la cerise et se rendre compte que c’était du bœuf bourguignon, c’est pas mauvais mais on se sent trompé, et un peu con aussi (c’est moi ou la qualité de mes comparaisons s’améliore de façon exponentielle ?).


C’est bien rythmée, ça pas de problème, la caméra est pas dégueu et la mise en scène est parfois vraiment percutante (l’entrée au village, ou comme je la surnomme tendrement « le seul extrait disponible depuis deux ans sur youtube qui n’a RIEN à voir avec l’ambiance du reste du film ») malgré quelques faux raccord (comme dans les nanars cannibales des années 80, cherchez les indiens en basket, il y en a quelques-uns, de même qu’une colonie de fourmi qui disparait bien vite).


La première heure met en place une intrigue pas inintéressante : pour se rapprocher du « charismatique » leader d’un groupe écolo de sa fac, Lorenza Izzo (la femme du réal, meilleure que dans Knock Knock, ce qui n’est pas un exploit) accepte de participer à une mission humanitaire au Pérou pour arrêter un chantier menaçant une portion de jungle sur laquelle vivent des indiens. Cette partie est bien fun, critique assez acide de la société américaine qui tente de s’acheter une conscience en jouant à l’écologiste avec plus ou moins de conviction, visant le million de followers plutôt que le prix nobel de la paix. Roth aligne les clichés associés aux campus américain, la blonde infecte, le beau gosse guitariste, le gros sympa, la lesbienne punk, le stoner, en les traitant avec beaucoup d’ironie, comme s’il faisait exprès de nous mettre des rôles aussi reconnaissable pour mieux s’en moquer. Bam, je valide.


Deuxième heure, l’avion les ramenant de leur mission réussie s’écrase en plein milieu du territoire qu’ils viennent de sauver. Bonne nouvelles les autochtones vont bien, manque de bol, ils ont faim. Le problème, c’est qu’à part éventuellement les dix premières minutes dans le village indien, chaque scène pouvant éventuellement générer une certaine tension est désamorcée par la présence systématique de gags allant de l’humour noir à la South Park au pire du potache pipi-caca. Le ton léger de la première partie ne s’efface pas au profit de l’horreur, pire, il s’amplifie au point d’empêcher de ressentir la moindre inquiétude. Ce n’est pas désagréable à regarder pour autant mais je suis vraiment resté sur l’amère impression qu’Eli Roth s’est emparé d’un sujet en or pour en faire une comédie noire un peu sanglante à peine moyenne, loin du délire d’un Brain Dead par exemple. En plus la fin à rallonge n’arrange rien, d’autant plus qu’il y a un sérieux manque de gore dans la dernière partie qui préfère à peu de chose près retomber dans la comédie d’aventure.


Autant je n’avais pas aimé Knock Knock en reprochant que l’humour noir qui caractérise la production d’Eli Roth arrivait bien trop tard, là je trouve qu’il est au contraire bien trop présent et n’arrive pas à s’effacer dans les scènes qui auraient gagné à avoir un traitement plus sérieux. Roth perd l’équilibre obtenu avec Hostel II, ce qui est bien dommage. Et ce n’est pas les quelques scènes violentes (bien faites, il faut l’admettre) qui suffisent à elles seules pour donner au film le statut de film de terreur insoutenable qu’il revendique.


Green Inferno est à mettre entre Planet Terror et Bad Taste mais certainement pas à côté Cannibal Holocaust dont il n’arrive pas à la cheville.


(Critique issue de :http://cinematogrill.e-monsite.com/articles/sorties/green-inferno.html)

Max_Decerier
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le 27 oct. 2015

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