L’appétence de Gareth Edwards pour la science-fiction n’est plus à démontrer, l’ensemble de sa filmographie s’y référant à divers degrés. Et si Godzilla entérina sa capacité à réaliser aux manettes de grosses productions, rien n’aurait été possible sans le succès d’estime de Monsters : un demi-million de dollars de budget au service d’un périple aux antipodes de la destruction, le grand spectacle s’y incarnant d’une façon autrement plus contemplative et subjuguante.
Des suites du crash d’une navette de la NASA au nord du Mexique, une forme de vie extra-terrestre s’y est développée malgré tous les efforts déployés pour la contenir : six ans plus tard, la quarantaine de la zone apparaît aussi perméable que vaine, les gouvernements étasuniens et mexicain échouant à réprimer la prolifération des créatures par la force. C’est dans ce contexte mouvementé que deux âmes esseulées, Andrew et Samantha, vont se rencontrer et voyager en direction du pays de l’Oncle Sam à travers jungle.
Une nécessité forcée et prévisible, mais avec laquelle Monsters compose pour le mieux, notamment grâce à sa patiente construction en amont : au titre d’enjeux simplistes comme efficients, le récit va propulser son tandem au-devant d’événements hors-normes, sans jamais céder aux sirènes de la démesure brute. La force du film est alors d’entremêler deux magies en une : celle fantastique, propre à cette incursion à même de bouleverser le règne humain et la biodiversité terrienne, et l’autre plus intime de deux hères un brin paumés, d’abord sommairement liés puis peu à peu complices.
Ce serait ainsi peu dire que Monsters est monstrueusement beau : sa propension au contemplatif, ses nombreux temps d’accalmie et l’alchimie de son couple d’interprètes/protagonistes s’avèrent tous plus enchanteurs les uns que les autres. Subtilement politique, il ébauche aussi une réflexion sur les aléas et l’incapacité chronique entachant l’action gouvernementale, tandis qu’il interroge à un niveau aussi micro que macro la place de l’humain dans l’infinité du cosmos. Ce savant cocktail, sans jamais renier son postulat de départ, érige dès lors le film au-dessus de sa condition de production modeste, la réussite de Gareth Edwards n’ayant rien d’un hasard.
Peut-être est-ce là les prémices du règne des seiches intergalactiques, mais l’important est ailleurs, notamment dans l’instant présent d’une vie fragile comme fugace : car à l’image d’un habile jeu de montage et d’une boucle révélatrice, Monsters parachèvera avec maestria son récit tragique de la plus « belle » des manières qui soient.