Bordel de Mestre ! Tuez-vous les uns les autres ! – Jeux de massacre, mythos bidons, acte 171

Une place pour Myton Ponthy, s'il vous plaît.


Toute ressemblance avec un lapin cannibale rappelant une de vos connaissances ou une de vos tantes malhonnêtes, et avec toute autre espèce dotée d'un crâne reptilien ou d'antennes, ne serait que pure coïncidence. D'autre part, vous m'excuserez de la lenteur chronique dont je fais preuve dans ce texte pour en venir à la source du sujet, de même que mes égarements en des termes jugés moyenâgeux que j'étais tenté d'utiliser, habilement ou non. La vie est ainsi faite.


En bon vertu du vêpre, les aiguilles de notre montre indiquèrent l'office du grand soir. Valider ses tickets de cinéma, aller quérir quelques friandises et autres joyeusetés, nous arrivâmes enfin, moi-même et mon filleul, dans l'obscurité d'une salle fantôme et ce, tout juste avant le début de la projection, celle-ci dépoussiérant du vieux pour faire peau neuf de nos cerveaux étriqués, pour notre plus grand plaisir.


Sûrement las d'un labeur, à l'origine de sa possible mauvaise humeur, qu'il n'aura pas voulu me faire partager en détails, mon filleul qui, précisons-le, est âgé de seize ans, a vraisemblablement oublié de ramener ce qui lui faisait office de cerveau. Toute sa vision du Sacré Graal !, et le tout est bien de rigueur, s'est inversée. Ne l'ayant pas cuisiner sur la dite œuvre, et ne sachant pas à quoi s'en tenir, cela aurait pu, je l'admets, suffire en tant qu'argument pour sa propre gouverne. Encore fallait-il esquiver cette envie insatiable de me faire part de toutes les incompréhensions et les remarques qui lui passaient par l'esprit, me donnant l'exclusivité d'une double lecture instantanée. Voyez-le ou non comme une exagération, voire un grossissement de ma part, mais ses interventions interrogatives précédaient les explications en sous-titres.


Un écran noir s'affirma peu à peu, laissant paraître le nom des équipes ayant participé à ce Monty Python, le tout sous couvert de différentes mélodies discrètes et... sans cohérence les unes les autres. Après quoi, une légère voix s'éleva (devinez qui) pour laisser entendre la chose qui suit (attention les yeux) :



  • J'espère que leurs serpents ne sont pas faits en carton pâte.


Dès lors, c'est un festival qui commença, en voici quelques échantillons :
(Les phrases ont été tournées de manière à être le plus soigneux et le plus poli possible, de ce fait, elles ne sont pas le fruit absolu d'un adolescent mais une simple reconstitution de ses idées parfois excessives, donc partiellement reprises)



  • Les ronds sur les lettres [sous-titres en suédois], c'est de mauvais goût.

  • Les chevaux c'est trop cher pour ce que c'est, surtout quand on s'en sert pas.

  • 9 sous pour un mort, heureusement que les cercueils n'existaient pas encore.

  • Un français qui parle anglais et qui se moque d'un anglais qui parle anglais... original, mais pour combien de temps.

  • L'accent british pour le français, c'est fait exprès pour se moquer d'eux, c'est ça ?

  • Policiers = ordre mondial = illuminatis = ça remonte au moyen-âge, c'est connu.

  • Ca ressemble un peu au film Les Visiteurs ; le concept du voyage dans le temps à l'envers. Pas très original.

  • Camelot, Camaalot ou Kaamelott ? Ils faudrait se mettre d'accord sur l'orthographe, une bonne fois pour toutes.


N'est-ce pas là le signe de la réussite des Monty Python ? Des phrases qui n'ont ni queue ni tête, emplies d'un absurde contagieux, mais ô combien révélatrices du non-sens que symbolise la quête du Sacré Graal ! Des phrases qui ne respectent en rien le culte fondé autour de ce chef-d'œuvre, multipliant les inepties et les anachronismes, mais peut-on s'insurger de ce non-respect, quand le film en question ne respecte pas lui-même le mythe légendaire d'Arthur, fournissant la base de ce conte loufoque ?


Les chevaliers qu'on nous présente sont loin des images glorieuses qu'on pouvait s'en faire. Regarder le Sacré Graal ! en étant un preux amateur d'épées et de dragons, est un risque aussi grand qu'un amateur de dinosaures pourrait prendre en allant se perdre dans les productions d'Asylum. Sauf que, Monty Python on y reviendra, et ces images glorieuses se transformeront dans notre inconscient comme des images évidentes. Jamais plus nous ne verrons les chevaliers de la même façon, ce qui n'est pas le cas avec les productions dinosauresques d'Asylum. Pour ce faire, revisionner Jurassic Park est une des méthodes à prescrire, atténuant tout cauchemar. Je force le trait, mais ce trait n'en reste pas moins indélébile.


Petite précision qui a, plus ou moins, son importance : ne connaissant aucunement la troupe comique que sont les Monty Python, il n'était pas aisé de savoir leurs rôles à chacun et leur humour allaient me parler. Bien que sensible aux blaguounettes de nos voisins britanniques, il subsiste en moi une âme de branleur incompétent qui se marre devant des daubes telles qu'American Pie. On en est à mille lieux de là, effectivement. Outre mesure, malgré cette lacune désormais comblée, on sent dans cette troupe un amour débordant pour l'Histoire, et pourtant, dès le générique du début, les réalisateurs installent un amalgame, ou du moins un doute, sur l'appartenance de leur progéniture. A quel genre appartient-elle, quels thèmes seront abordés, quels personnages, est-on face à une aventure fantastique, réaliste ou que sais-je encore. Voilà qui s'avère fort bien considéré de la part des réalisateurs, s'éloignant des conventions habituelles et perturbant son public qui n'a de cesse de se questionner devant cet écran de différente nature. L'hétéroclisme atteint son paroxysme, et au même moment le premier plan surgit. La brume, une colline, des corbeaux, puis le bruit d'un cheval au galop s'approche. L'ambiance s'installe. On y croit. Très vite, une rupture se concrétise entre nous et le film, ce dernier laisse place à des montées et des descentes de tons successifs qui n'ont nul cohérence entre eux. Le sabotage des codes du septième art ne fait alors que commencer.


Monty Python fait date dans l'univers des comédies où il est de coutume de découper l'épopée en plusieurs sketchs. Ainsi, la notion de spectacle ne repose plus sur l'uniformité d'un duo de comédiens, mais sur un groupe tout entier, un groupe de passionnés qui croient en leurs personnages telle une bande de gamins imitant un jeu de rôle. Ce noyau de comédiens injecte au Sacré Graal toute l'incohérence qu'il lui est nécessaire pour ridiculiser au maximum les scènes d'action et les interactions dialoguistiques des personnages, celles-là sont d'ailleurs excessivement identifiable car le mélange et la composition des registres utilisés immortalisent chaque instant de cette aventure arthurienne. Qui plus est, l'humour parfois décadent des Monty Python prend une dimension singulière, non seulement grâce à ces détournements comiques, notamment par le biais des échanges verbaux, mais par-dessus tout, la plastique et les délires animesques qui se déroulent sous nos pupilles accordent à la bande-dessinée et à l'univers cartoon de notre jeune époque un bien bel hommage.


(J'ouvre une mince parenthèse, si vous le permettez. Aux dernières nouvelles, le Sacré Graal ! n'a toujours pas été trouvé, mais il a donné naissance à d'extraordinaires apparitions et autres découvertes dans des jeux vidéo ; j'ai évidemment pris connaissance de ces informations entre hier et aujourd'hui :



  • La Sainte Grenade d'Antioche est dans une caisse du jeu Fallout New Vegas.

  • Le Lapin Tueur garde une caverne dans le jeu en ligne World Of Wacraft.

  • Il existe une putain de catapulte à vache dans le jeu en ligne Guild Wars 2.


Il serait plus que temps d'aller découvrir tout ce joyeux bordel.)


Au-delà de son budget rudimentaire, les dégâts de la vieillesse ne se ressentent pas tellement, ce joyau des deux Terry expérimente une infinité de choses, la liste serait très longue et il recycle également une multitude de références et de clins d'œil religieux, faisant du Sacré Graal ! une irrésistible parodie historico-fantastique, voire la parodie ultime des monte-en-l'air et plus réjouissant encore, un paradis pour les saints des seins. Autrement dit, remarquable idée de la part du film d'avoir alterné le crasseux et le merveilleux, les recoins boueux d'un village inondé de défunts cohabite avec des scénettes animées. En perpétuel décalage, tant d'un point de vue textuel que visuel, dans Monty Python il n'y a nul besoin de déchiffrer les moindres détails de la quête d'Arthur, les règles propres au film échappent à toute rationalité. Dans mon cas, l'une des morales de l'histoire qu'il me faudra retenir se résume par ceci : les Anglais s'amusent de tout, les vils Français s'insultent de tout.

Eren

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